Vu la requête, enregistrée le 4 juillet 2008, présentée pour la COMMUNE DE VINASSAN, représentée par son maire en exercice, par Me Bégué ;
La COMMUNE DE VINASSAN demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°0503869 en date du 10 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à indemniser M. A des préjudices consécutifs à l'accident de service du 8 avril 2002 ;
2°) de rejeter la demande de M. A ou, à titre subsidiaire, de réduire les indemnités demandée ;
3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
...........................................................................
Vu le jugement attaqué ;
...........................................................................
...........................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 2011 :
- le rapport de M. Iggert, conseiller ;
- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;
- et les observations de Me Bégué, pour la COMMUNE DE VINASSAN ;
Considérant que le 8 avril 2002, M. A a reçu plusieurs décharges électriques alors qu'il exécutait des travaux de creusement d'une tranchée pour effectuer un branchement d'égout ; que la COMMUNE DE VINASSAN interjette appel du jugement en date du 10 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à indemniser M. A des préjudices consécutifs à l'accident de service du 8 avril 2002 ;
Sur la recevabilité des conclusions d'appel :
Considérant que si M. A oppose à la requête une fin de non recevoir tirée de ce que l'assureur de la commune ne présente pas de titre justifiant sa qualité à agir, il résulte de l'instruction que la requête n'est pas présentée par l'assureur de la commune, mais directement par la commune, nonobstant la circonstance que seul l'assureur aurait souhaité faire appel ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant que, contrairement à ce qu'indique la COMMUNE DE VINASSAN, les travaux en litige, exécutés par la personne publique qu'elle constitue dans le cadre de sa mission de service public d'assainissement doivent être regardés comme des travaux publics ; que le juge administratif est seul compétent pour connaître des litiges découlant de leur exécution ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ; que le dommage dont M. A demande réparation est, ainsi qu'il vient d'être dit, un dommage de travaux publics dont l'indemnisation n'est subordonnée à aucune réclamation susceptible de faire naître une décision préalable ; que la COMMUNE DE VINASSAN n'est en conséquence pas fondée à soutenir que la demande de première instance serait irrecevable faute d'avoir été précédée d'une telle décision ;
Sur le fond :
En ce qui concerne la faute de la COMMUNE DE VINASSAN :
Considérant que la victime d'un dommage résultant de travaux publics, lorsqu'elle participe elle-même à l'exécution de ces travaux, ne peut mettre en jeu la responsabilité du maître d'ouvrage que si elle établit que ledit dommage est imputable à une faute de celui-ci ;
Considérant que M. A, agent d'entretien de la COMMUNE DE VINASSAN a creusé avec l'aide d'un autre agent, une tranchée rue Elie Sermert pour effectuer un branchement d'égout au bénéfice d'un habitant de la commune ; qu'après que les travaux ont été engagés à l'aide d'une pelleteuse mécanique ayant révélé la présence d'un filet rouge indiquant la présence d'un réseau électrique, M. A a dégagé à la pelle à main les câbles effectivement présents pour continuer l'installation nécessaire à la pose des canalisations ; qu'il a reçu à trois reprises des décharges électriques par un des trois câbles de 12 000 volts ; qu'en s'abstenant de communiquer à EDF une déclaration d'intention de commencement des travaux qui aurait révélé avant l'engagement des travaux la présence des câbles qui aurait permis tant à la commune qu'à M. A d'adapter leur approche et leur comportement du fait de la présence de cet ouvrage dangereux et en laissant M. A exécuter des travaux en présence des câbles alors qu'il ignorait le comportement qu'il devait adopter dans une pareille hypothèse, la commune a commis une négligence, en s'abstenant d'exercer une surveillance de la sécurité du chantier et une préparation suffisante des travaux envisagés, constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M. A, participant au travail public ; que la circonstance que M. A aurait dégagé à la pelle les câbles, ainsi que le préconise EDF, n'est pas de nature à faire regarder les dommages qu'il a subis sans lien avec la faute de la commune dès lors que M. A n'a pu adapter les travaux effectués à la pelleteuse mécanique à la nature du sol et ignorait le degré de prudence qu'il lui appartenait d'adopter en présence de câbles dont il ne pouvait au demeurant deviner l'intensité électrique et partant la dangerosité ; que l'appréciation du juge pénal sur l'existence d'un lien de causalité est dépourvue de l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux seules constatations de fait ; que, s'il résulte notamment des procès verbaux du 7 novembre 2003 de l'agent d'exploitation EDF de Narbonne et du 22 novembre 2003 de l'agent d'EDF de Carcassonne qui est intervenu pour réparer les dommages électriques qu'un des câbles était endommagé, il ne résulte pas de l'instruction que cette détérioration, dont il n'est au demeurant pas établi qu'elle soit du fait de M. A, serait la conséquence d'un acte fautif de la victime de nature à exonérer ou réduire la responsabilité de la commune ;
En ce qui concerne l'étendue du préjudice :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et de recours subrogatoires d'organismes de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de l'Etat et de la sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage des responsabilités avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par ces prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;
Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre cette méthode, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'Etat et l'organisme de sécurité sociale ne peuvent exercer leurs recours que s'il établissent avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence envisagées indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial de M. A :
Considérant que les dispositions qui déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service, ou ses ayants droits, peut prétendre dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions, ne font pas obstacle à ce que le fonctionnaire - ou ses ayants droits - obtienne de son employeur une indemnité complémentaire, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien incombait à celle-ci ;
Considérant que M. A fait état d'une perte de revenus consécutive à l'accident dont il a été victime ; qu'il a été mis d'office à la retraite à compter du 1er mars 2006 et qu'il est constant qu'il perçoit une rente d'invalidité et une pension anticipée versée par la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et un rente d'invalidité complémentaire versée par la mutuelle nationale territoriale dont le montant cumulé est de 1 168,23 euros par mois alors qu'il est également constant qu'il percevait avant l'accident la somme nette de 1229,72 euros par mois ; que la perte de revenus, d'environ 750 euros par an, doit être estimée, eu égard à son âge, ses perspectives d'évolution professionnelle et l'âge présumé de son départ à la retraite et compte tenu des rentes qu'il perçoit, à la somme de 30 000 euros ; que la COMMUNE DE VINASSAN est dès lors fondée à demander la réduction des sommes qu'elle a été condamnée à verser à M. A dans la mesure où les premiers juges n'avaient pas tenu compte des rentes qui lui étaient versées ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel de M. A :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du 2 mai 2005 de l'expertise ordonnée par le tribunal le 8 avril 2005, que l'accident dont M. A, alors âgé de 34 ans, a été victime a notamment entraîné une parésie du pied droit, un syndrome algique des membres supérieurs et une état anxio-dépressif réactionnel ; que l'incapacité temporaire totale de M. A s'est étalée sur une période de près de 35 mois, du 8 avril 2002 au 28 février 2005, et peut être réparée par l'allocation de la somme de 15 000 euros ; qu'il y a lieu d'allouer une somme de 125 000 euros à raison du déficit fonctionnel permanent dont il reste atteint, évalué à 55 % ; que, par ailleurs, les souffrances endurées, évaluées à trois sur une échelle allant jusqu'à sept, et constituées notamment par les brûlures au troisième degré dont il a été victime, justifient une indemnisation à hauteur de la somme de 5 000 euros ; qu'il sera fait une juste appréciation de son préjudice esthétique, évalué par l'expert à 3,5 sur 7, en lui allouant la somme qu'il demande de 5 000 euros ; qu'enfin, M. A fait état d'un préjudice d'agrément, lié aux séquelles dont il souffre et qui lui interdisent la pratique du rugby à laquelle il s'adonnait régulièrement ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, compte tenu de son âge au moment des faits et de l'engagement dont il faisait preuve dans la pratique de ce sport, en lui allouant la somme qu'il demande de 15 000 euros ; qu'ainsi, M. A peut prétendre au versement par la COMMUNE DE VINASSAN de la somme de 195 000 euros à raison de ses préjudices ; qu'il y a lieu de réduire à ce montant la somme à laquelle la commune a été condamnée en première instance ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE VINASSAN est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser à M. A une somme supérieure à 195 000 euros ;
Sur les dépens :
Considérant que les dépens ont, à bon droit, été mis à la charge de la commune en première instance ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant, d'une part, et ainsi que l'a relevé le tribunal, qu'en application des dispositions de l'article 1153 du code civil, M. A a droit à ce que la somme qui lui est allouée porte intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2005, date d'enregistrement de sa requête valant sommation de payer ;
Considérant, d'autre part, que par un mémoire enregistré le 29 mai 2006 devant le tribunal, M. A a demandé la capitalisation des intérêts ; que s'il n'était pas encore due à cette date une année d'intérêts, la capitalisation peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; qu'il y a lieu, en conséquence, de faire droit à cette demande à compter du 25 juillet 2006, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant que les conclusions présentées par M. A tendant à ce que la COMMNE DE VINASSAN, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, lui verse les frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A la somme que la COMMNE DE VINASSAN demande en application des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que la COMMUNE DE VINASSAN a été condamnée à verser à M. A est réduite à la somme de 195 000 euros. Cette somme portera intérêt à compter du 25 juillet 2005 et ces intérêts seront capitalisés à compter du 25 juillet 2006, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE DE VINASSAN et les conclusions incidentes de M. A sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hervé A, à la COMMUNE DE VINASSAN, et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude et à la Caisse des dépôts et consignations.
''
''
''
''
2
N° 08MA03193