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09/06/2011 | FRANCE | N°08MA02508

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 09 juin 2011, 08MA02508


Vu la requête, enregistrée le 20 mai 2008, présentée pour M. Guy A, demeurant à ..., par Me Dureuil ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500121 du 11 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de Réseau Ferré de France à lui verser la somme de 359 950 euros assortie des intérêts au taux légal en réparation de la perte de valeur vénale d'un bien immobilier situé à Ventabren, au lieu-dit Roquefavour, dont il est propriétaire ;

2°) de condamner Réseau Ferré de France à

lui verser la somme en cause assortie du versements des intérêts capitalisés ;

3°) de c...

Vu la requête, enregistrée le 20 mai 2008, présentée pour M. Guy A, demeurant à ..., par Me Dureuil ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500121 du 11 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de Réseau Ferré de France à lui verser la somme de 359 950 euros assortie des intérêts au taux légal en réparation de la perte de valeur vénale d'un bien immobilier situé à Ventabren, au lieu-dit Roquefavour, dont il est propriétaire ;

2°) de condamner Réseau Ferré de France à lui verser la somme en cause assortie du versements des intérêts capitalisés ;

3°) de condamner Réseau Ferré de France au paiement des frais d'expertise ;

4°) de mettre à la charge de Réseau Ferré de France la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

........................................

Vu le jugement attaqué ;

......................................................................................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 Pluviôse An VIII ;

Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 ;

Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

Vu la loi n° 97-135 du 13 février 1997 ;

Vu le décret n° 97-445 du 5 mai 1997 ;

Vu la convention n° 98-007 du 26 octobre 1998 entre Réseau Ferré de France et la SNCF ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2011 :

- le rapport de M. Maury, rapporteur,

- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;

- et les observations de Me Dubreuil, pour M. A ;

Considérant que M. A demande à la Cour d'annuler l'article 1er du jugement en date du 11 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'établissement public Réseau Ferré de France à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis à la suite de l'implantation et de la mise en service de la ligne TGV Méditerranée à proximité de sa propriété ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, que la propriété du requérant d'une superficie de 6 hectares et 50 centiares est située dans un cadre naturel et paisible à proximité de l'aqueduc de Roquefavour ; que la voie ferrée édifiée pour la ligne à grande vitesse Méditerranée a été implantée à 200 mètres de la propriété et à 350 mètres de la maison d'habitation de M. A et que le trafic est de 80 trains à grande vitesse par jour ; que l'établissement public Réseau Ferré de France critique les mesures réalisées lors de l'expertise à laquelle il n'a pas participé en faisant valoir que le bruit ferroviaire ne dépasse pas le maximum admissible et que l'écart constaté entre le niveau de bruit ambiant et le bruit d'origine ferroviaire n'est pas pertinent ; que, toutefois, selon les conclusions du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif, le niveau sonore continu équivalent déterminé sur la période de jour entre 7 heures et 22 heures correspondant au bruit d'origine ferroviaire s'élève en moyenne à 59,5 dB (A), l'émergence admissible est de 10 dB (A) et le niveau de bruit ambiant sur la même période est de 40 dB (A) ; qu'il en résulte une émergence mesurée de 19,5 dB (A) ; que le rapport d'expertise a conclu que les nuisances sonores constatées sont importantes du fait de la fréquentation importante de la ligne qui est de 5 trains à grande vitesse par heure entre 6 heures et 22 heures ; que dans ces conditions, les troubles de jouissance subis par M. A et la dépréciation de la propriété résultant de la proximité de l'ouvrage public causent à l'intéressé un préjudice anormal et spécial de nature à lui ouvrir droit à réparation ;

Sur le préjudice :

Considérant que M. A demande la réparation des préjudices liés à la perte de valeur vénale de sa propriété et aux troubles de jouissance ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des conclusions de l'expert, que la voie ferrée édifiée pour la ligne à grande vitesse Méditerranée était visible de la propriété et que le bruit du passage des convois était audible à l'extérieur et à l'intérieur de l'habitation nonobstant la circonstance que selon l'établissement public Réseau Ferré de France le niveau sonore constaté serait proche de ce que la législation sur le bruit admet dans les zones d'ambiance sonore préexistante modérée, et alors que la propriété litigieuse était située avant le passage du TGV dans un espace naturel à l'écart des bruits ; que l'expert évalue la perte de valeur vénale de la propriété à 25 % de la valeur de ladite propriété et les nuisances sonores à 25 % de la même valeur ; que la propriété a été estimée au prix de 719 900 euros par comparaison, d'une part, avec des propriétés ayant été vendues en 2002 et 2003 entre 990 et 1 396 euros le mètre carré et qui étaient grevées de nuisances sonores et, d'autre part, avec une propriété comparable vendue en 2005 à 2 640 euros le mètre carré et qui ne subissait pas de nuisance ; que l'établissement public Réseau Ferré de France critique cette méthode qui ne prendrait pas en compte la plus value liée notamment au passage du TGV à proximité de la propriété ; que le rapport d'expertise indique que la valeur vénale a été déterminée en faisant abstraction de la nouvelle ligne TGV Méditerranée ; qu'il y a lieu de lui appliquer un abattement pour tenir compte de la plus-value apportée par ce nouvel équipement à la propriété M. A ; que dans les circonstances de l'espèce, et alors même que le requérant n'aurait pas émis l'intention de vendre sa propriété, il sera fait une juste appréciation du préjudice causé à M. A en condamnant l'établissement public Réseau Ferré de France à lui verser la somme de 71 990 euros, au titre du préjudice subi pour la perte de valeur vénale de sa propriété, et la somme de 10 000 euros au titre du préjudice sonore augmentés des intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2005, date d'enregistrement de sa requête au tribunal administratif ;

Sur l'appel en garantie formé par l'établissement public Réseau Ferré de France à l'égard de la SNCF :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 13 février 1997 portant création de l'établissement public Réseau Ferré de France : Il est créé à la date du 1er janvier 1997 un établissement public national à caractère industriel et commercial dénommé : ''Réseau Ferré de France''. Cet établissement a pour objet, conformément aux principes du service public et dans le but de promouvoir le transport ferroviaire en France dans une logique de développement durable, l'aménagement, le développement, la cohérence et la mise en valeur de l'infrastructure du réseau ferré national. (... )./ Réseau Ferré de France met en oeuvre, sous le contrôle de l'Etat, le schéma du réseau ferroviaire prévu au II de l'article 17 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire./ Compte tenu des impératifs de sécurité et de continuité du service public, la gestion du trafic et des circulations sur le réseau ferré national ainsi que le fonctionnement et l'entretien des installations techniques et de sécurité de ce réseau sont assurés par la Société nation ale des chemins de fer français pour le compte et selon les objectifs et principes de gestion définis par Réseau Ferré de France. Il la rémunère à cet effet./ Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'exercice des missions de Réseau Ferré de France. Sur la base de ce décret, une convention entre Réseau ferré de France et la SNCF fixe, notamment, les conditions d'exécution et de rémunération des missions mentionnées au précédent alinéa ; qu'aux termes de l'article 5 de la même loi : Les biens constitutifs de l'infrastructure et les immeubles non affectés à l'exploitation de transport appartenant à l'Etat et gérés par la SNCF sont, à la date du 1 er janvier 1997, apportés en pleine propriété à Réseau Ferré de France./ Les biens constitutifs de l' infrastructure comprennent les voies, y compris les appareillages fixe associés, les ouvrages d'art et les passages à niveau, les quais à voyageurs et à marchandises, les triages et les chantiers de transport combiné, les installations de signalisation, de sécurité, de traction électrique et de télécommunications liées aux infrastructures, les bâtiments affectés au fonctionnement et à l'entretien des infrastructures ; qu'aux termes de l'article 6 de ladite loi : Réseau Ferré de France est substitué à la SNCF pour les droits et obligations liés aux biens qui lui sont apportés, à l'exception de ceux afférents à des dommages constatés avant le 1er janvier 1997 et à des impôts et taxes dont le fait générateur est antérieur à cette même date ; qu'aux termes de l'article 6 du décret n° 97-444 du 5 mai 1997 : Réseau Ferré de France définit les objectifs et principes de gestion relatifs au fonctionnement et à l'entretien des installations techniques et de sécurité sur le réseau ferré national, ainsi que ceux relatifs à la gestion du trafic et des circulations sur ce réseau ; il adapte le réseau en prenant en compte les besoins des utilisateurs et favorise son interopérabilité. ; qu'aux termes de l'article 11 du même décret : Dans le cadre des objectifs et principes de gestion du réseau ferré national définis à l'article 7, la SNCF exerce les missions prévues à l'article 1er de la loi du 13 février 1997 susvisée./ Ces missions comportent en particulier :/ - l'établissement du système d'organisation de l' ensemble des circulations ferroviaires sur le réseau, dit ''graphique de circulation'' ;/ - la gestion opérationnelle de ces circulations, et les mesures propres à assurer leur fluidité, leur régularité et leur acheminement en toute sécurité, ainsi que la mise en oeuvre des dispositions nécessaires pour assurer le rétablissement de la situation normale en cas de perturbation de la circulation ;/ - la gestion des systèmes de régulation et de sécurité ; qu'aux termes de l'article 14 du même décret : Une convention pour l'exercice des missions mentionnées aux articles 11 et 12 est conclue entre Réseau ferré de France et la SNCF... ; qu'aux termes de l'article 14 de la convention n° 98-007 du 26 octobre 1998 conclue entre Réseau Ferré de France et la SNCF pour la gestion du trafic et des circulations sur le réseau ferré national et l'entretien de ce réseau : Réseau Ferré de France assumant, pour ses biens, la responsabilité habituelle du propriétaire, les dispositions du présent article concernent les modalités selon lesquelles la SNCF assure, pour le compte de Réseau Ferré de France, la couverture des dommages causés du fait ou à l'occasion des missions qui lui sont confiées par Réseau Ferré de France/ (...)/ La SNCF supporte seule, vis-à-vis de Réseau Ferré de France, les conséquences pécuniaires des dommages causés à des tiers du fait ou à l'occasion de l'exécution des missions qui lui sont confiées par la présente convention, y compris aux agents et aux biens des entreprises intervenant, que ces incidents ou accidents résultent de l'entretien, de la gestion, de l'usage du réseau ferré national ou de l'utilisation des installations techniques correspondantes, sauf décision particulière de Réseau Ferré de France, relative à ces missions, de nature à engager sa responsabilité. (...) La SNCF s'engage à garantir Réseau Ferré de France contre les actions et réclamations des tiers à ce titre (...) que ces stipulations sont applicables aux seules missions confiées à la SNCF par les articles 7, 8 et 9 de ladite convention ; qu'aux termes de son article 7 : Réseau Ferré de France confie à la SNCF les études techniques nécessaires à l'instruction des demandes de sillon (...) ; qu'aux termes de son article 8 : La SNCF assure la gestion des systèmes de régulation et de sécurité et la gestion opérationnelle des circulations (...)/ Elle utilise les moyens nécessaires pour rétablir la situation normale en cas de perturbation, gère au mieux les situations de crise et informe en temps réel Réseau Ferré de France (...) ; qu'aux termes, enfin, de son article 9 : La SNCF assure la surveillance, l'entretien régulier, les réparations, dépannages et mesures nécessaires au fonctionnement du réseau et à la sécurité de l'ensemble des voies, installations, bâtiments et terrains de Réseau Ferré de France (...) ;

Considérant qu'il ne ressort pas de l'instruction qu'aucune circonstance née du fait de la SNCF permette d'imputer à l'exercice des missions qu'elle exerce pour le compte de Réseau Ferré de France une partie du dommage subi par M. A du fait de la dépréciation de la valeur vénale de sa propriété et des nuisances sonores entraînées par la présence de la ligne de train à grande vitesse Méditerranée ; que, par suite, Réseau Ferré de France n'est pas fondé à demander que la SNCF soit condamnée à le garantir, à hauteur de la moitié de leur montant, des indemnités que la Cour l'a condamné à verser à M. A ;

Sur la demande de capitalisation des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts dont le point de départ est fixé au 1er janvier 2005, a été demandée devant le tribunal administratif le 28 novembre 2007 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande, en accordant à M. A la capitalisation des intérêts à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande et à demander la condamnation de Réseau Ferré de France à lui verser la somme de 81 990 euros assortie des intérêts dans les conditions sus rappelées ;

Sur les frais d'expertise exposés en première instance :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre ces frais à la charge de l'établissement public Réseau Ferré de France ;

Sur les conclusions relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l'établissement public Réseau Ferré de France au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'établissement public Réseau Ferré de France la somme de 1 500 euros demandée par la M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : Réseau Ferré de France est condamné à verser une somme de 81 990 euros à M. A assortie des intérêts à compter du 10 janvier 2005. Les intérêts échus à la date du 29 novembre 2008 seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter de cette date, puis à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 3 : Réseau Ferré de France versera à M. A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de Réseau Ferré de France tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge de Réseau Ferré de France.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. Guy A et à Réseau Ferré de France.

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