Vu, I, la requête, enregistrée le 5 août 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille sous le n°10MA03149, présentée pour Mme Ibtissem A, demeurant ..., par Me Lazreug, avocat ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001519 du 18 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 22 mars 2010, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de procéder au renouvellement de son titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ;
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Vu, 2°), la requête, enregistrée le 29 octobre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille sous le n°10MA03998, présentée pour Mme Ibtissem A, demeurant ..., par Me Jaidane, avocat ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R.811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 1001519 du 18 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 22 mars 2010 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de procéder au renouvellement de son titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination ;
2°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer, dans un délai de quinze jours sous astreinte de 200 euros par jour de retard, une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
Vu l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République tunisienne, d'autre part, signé le 17 juillet 1995 ;
Vu le protocole franco-tunisien relatif à la gestion concertée des migrations du 28 avril 2008 ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
Vu l'article 1er de l'arrêté du 27 janvier 2009 qui autorise la Cour administrative d'appel de Marseille à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret du 7 janvier 2009, situant l'intervention du rapporteur public avant les observations des parties ou de leurs mandataires ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 février 2011 :
- le rapport de M. Pocheron, président-rapporteur ;
- les conclusions de Mme Chenal-Peter, rapporteur public ;
- et les observations de Me Jaidane, avocat de Mme A ;
Vu la note en délibéré en date du 21 février 2011 de Me Jaidane pour Mme A ;
Considérant que les requêtes susvisées sont relatives à un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;
Sur la requête n° 10MA03149 :
Considérant que, par arrêté du 22 mars 2010, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande de titre de séjour que lui avait présentée le 29 juin 2009 Mme A, ressortissante tunisienne, et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination ; que Mme A interjette appel du jugement en date du 18 juin 2010 par lequel le Tribunal Administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Considérant, en premier lieu, que M. Brocart, secrétaire général de la préfecture, qui a signé l'arrêté litigieux, bénéficiait d'une délégation de signature par arrêté n° 2010-02 du préfet des Alpes-Maritimes en date du 6 janvier 2010, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture des Alpes-Maritimes du 7 janvier 2010, à l'effet notamment de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, sauf exceptions au nombre desquelles n'entrent pas les décisions concernant le séjour des étrangers ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte contesté manque en fait ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'appelante n'a soulevé aucun moyen de légalité externe devant les premiers juges ; que, par suite, les moyens soulevés en appel tirés de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour et de l'insuffisante motivation de l'arrêté querellé, lesquels ne sont pas d'ordre public, procèdent d'une cause juridique distincte et sont par suite irrecevables ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ; qu'aux termes de l'article L.313-12 du même code : La carte délivrée au titre de l'article L.313-11 donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L.313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale. (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A s'est mariée le 2 août 2007 avec un ressortissant français et a été mise en possession de ce fait d'une carte de séjour temporaire valable du 6 juin 2008 au 5 juin 2009 ; que, si elle a sollicité le 29 juin 2009 le renouvellement de ce titre de séjour en faisant valoir qu'elle était victime de violences conjugales, il ressort des pièces du dossier que le divorce entre les époux a été prononcé le 4 décembre 2009 par le Tribunal de première instance de Monastir (Tunisie), mention en ayant été portée sur les registres d'état civil ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté litigieux, Mme A n'avait plus la qualité de conjoint d'un ressortissant français ; que, par suite, et par ce seul motif, le préfet des Alpes-Maritimes était tenu de refuser de procéder au renouvellement, dans les termes dans lesquels il était sollicité, du titre de séjour de l'intéressée ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 3 de l'accord franco-tunisien susvisé : Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié ; qu'aux termes de l'article 11 du même accord : Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord et qu'aux termes de l'article L.311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour compétences et talents sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ;
Considérant qu'il résulte des stipulations et dispositions précitées que le préfet des Alpes-Maritimes a pu légalement refuser de délivrer à Mme A un titre de séjour temporaire portant la mention salarié aux motifs que l'intéressée était dépourvu de visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois et n'était pas titulaire d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 64 de l'accord euro-méditerranéen susvisé établissant une association entre l'Union européenne et ses Etats membres d'une part et la République tunisienne d'autre part : Chaque Etat membre accorde aux travailleurs de nationalité tunisienne occupés sur son territoire un régime caractérisé par l'absence de toute discrimination fondée sur la nationalité par rapport à ses propres ressortissants, en ce qui concerne les conditions de travail, de rémunération et de licenciement (...) ; que les stipulations précitées n'ont pas pour effet de dispenser les ressortissants tunisiens qui souhaitent s'établir en France et y exercer une activité professionnelle d'obtenir préalablement un titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ;
Considérant en sixième lieu que l'article 2.3.3 du protocole susvisé du 28 avril 2008 relatif à la gestion concertée des migrations entre la France et la Tunisie, qui se borne à préciser les conditions liées au marché de l'emploi, n'a pas pour objet ni pour effet de supprimer la condition de détenir un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois exigée par les dispositions sus- rappelées de l'article L.311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier d'un titre de séjour portant la mention salarié ;
Considérant, en septième lieu, que Mme A n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article R.5221-20 du code du travail, qui ne concernent que les autorisations de travail, auraient été méconnues par l'arrêté querellé ;
Considérant en huitième lieu et en tout état de cause, qu'il ressort de la demande écrite de titre de séjour présentée par Mme A au préfet des Alpes-Maritimes que l'intéressée n'a pas sollicité la délivrance d'une carte de séjour portant la mention salarié ; que, par suite, aucune dispositions légale ou réglementaire ne faisait obligation au préfet de soumettre ladite demande pour avis au directeur départemental du travail et de l'emploi préalablement à l'arrêté contesté ;
Considérant en neuvième lieu qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : ... 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L.311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ; et qu'aux termes de l'article R.313-21 du même code : Pour l'application du 7º de l'article L.313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. ;
Considérant que si Mme A fait valoir qu'elle est mariée depuis le 13 mars 2010 avec un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidant valable jusqu'en 2013 et qu'elle est enceinte de ses oeuvres, le Préfet des Alpes-Maritimes, en prenant l'arrêté litigieux, n'a, eu égard à la brièveté de son union et à la durée de son séjour en France, ni commis d'erreur manifeste en appréciant les conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle et familiale, ni porté une atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, et n'a, par suite, méconnu ni les dispositions précitées de l'article L.313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations sus- rappelées de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en dernier lieu, que, contrairement à ce qu'a relevé le préfet des Alpes-Maritimes dans son arrêté, Mme A n'était pas célibataire à la date de son édiction ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il aurait pris les mêmes décisions s'il n'avait pas commis cette erreur de fait ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mars 2010 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. ; et qu'aux termes de l'article L.911-3: Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L.911-1 et L.911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ;
Considérant que le présent jugement qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par Mme A n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu par suite de rejeter les conclusions susvisées ;
Sur la requête n° 10MA03246 :
Considérant que la Cour statue par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de Mme A tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nice du 18 juin 2010 ; que, par suite, les conclusions de la requête susvisée tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement, ainsi que par voie de conséquence celles à fin d'injonction, sont devenues sans objet ;
Sur les conclusions présentées par les deux requêtes tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête n° 10MA03149 de Mme A est rejetée.
Article 2: Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 10MA03998 de Mme A.
Article 3: Les conclusions de la requête n° 10MA03998 de Mme A tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié Mme Ibtissem A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
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N° 10MA03149, 10MA03998 2
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