Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 2 février 2009 sous le n° 09MA00393, et le mémoire complémentaire, enregistré le 4 février 2009, présentés par le PREFET DU GARD ;
Le PREFET DU GARD demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0802653 du 2 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a annulé son arrêté du 6 août 2008 pris à l'encontre de M. Salah A, portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays d'éloignement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Nîmes ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2011 :
- le rapport de M. Chanon, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;
Considérant que le PREFET DU GARD relève appel du jugement du 2 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a annulé son arrêté du 6 août 2008 pris à l'encontre de M. Salah A, portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays d'éloignement ;
Sur la légalité de l'arrêté du 6 août 2008 :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité tunisienne, né le 5 mai 1990, séjourne habituellement en France depuis son arrivée au mois de novembre 2004, à l'âge d'un peu plus de 14 ans ; qu'il y a été accueilli par la seconde épouse de son père, titulaire à son égard de l'autorité parentale en vertu d'un acte de kafala prononcé, en accord avec sa mère, par l'autorité judiciaire marocaine le 17 août 2004 et dont le Tribunal de grande instance de Nîmes a prononcé l'exequatur par jugement du 7 juin 2006 ; que son père était auparavant décédé en 2003 ; qu'il a ainsi vécu en France près de quatre ans avec ses quatre demi-frères ; que ceux-ci, ainsi que leur mère, résident tous régulièrement en France, l'un des enfants ayant la nationalité française ; qu'il a été scolarisé sur le territoire national et a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle en 2007 ; que, dans ces conditions, alors même que l'acte de kafala a cessé de produire des effets juridiques en raison de la majorité de M. A et que ce dernier ne serait pas isolé au Maroc où vivent sa mère et un de ses frères mineur, le PREFET DU GARD a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU GARD n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 6 août 2008 ;
Sur les conclusions incidentes de M. A aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. et qu'aux termes de l'article L. 911-3 : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ;
Considérant que l'exécution du jugement du Tribunal administratif de Nîmes, devant lequel il n'a pas été présenté de conclusions en ce sens, impliquait nécessairement, eu égard à ses motifs, que le PREFET DU GARD délivre à M. A une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ; que si tel n'a pas été le cas, il convient de faire droit aux conclusions aux fins d'injonction formulées à titre incident par M. A et d'enjoindre au PREFET DU GARD de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ainsi que de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de deux mois, compte tenu des motifs du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros que M. A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du PREFET DU GARD est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au PREFET DU GARD, si un titre de séjour n'a pas déjà été délivré à M. A en exécution du jugement du Tribunal administratif de Nîmes en date du 2 décembre 2008, de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de deux mois, compte tenu des motifs du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 200 (mille deux cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et à M. Salah A.
Copie en sera transmise au PREFET DU GARD.
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N° 09MA00393 2
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