Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 21 août 2008, présentée par la COMMUNE DE VILLESEQUE-DES-CORBIERES, représentée par son maire en exercice, par Me Labry, avocat ;
La COMMUNE DE VILLESEQUE-DES-CORBIERES demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 0602391 du 8 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 février 2006 par lequel le préfet de l'Aude a déclaré d'utilité publique le projet d'acquisition par voie d'expropriation de terrains nécessaires à l'aménagement et à l'ouverture de la voie privée à la circulation publique sur le territoire de la COMMUNE DE VILLESEQUE-DES-CORBIERES, et déclaré cessibles les terrains désignés à l'état parcellaire ;
2°/ de mettre à la charge de Mme A et de M. B une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que le Tribunal aurait soulevé d'office le moyen tiré du bilan de l'opération sans que les requérants n'aient pourtant invoqué un quelconque coût ;
- les exigences de la sécurité publique, sa volonté de rendre au public une voie qui lui a été affectée depuis des années, le désenclavement et la nécessité de faciliter la circulation constituent un intérêt public justifiant l'opération ; que l'intérêt du public est caractérisé du fait que l'accès à la rue de la Cabaïrido est compliqué pour les véhicules d'incendie et de secours les plus grands alors que la zone est exposée à un risque d'incendie ; que le chemin en cause a été ouvert à la circulation pendant des décennies jusqu'à 2001 et qu'elle procédait même à son entretien après l'avoir goudronné ; que le désenclavement de cette partie du territoire de la commune correspond plus à une somme d'intérêts privés qu'à l'intérêt général stricto sensu mais que cette somme d'intérêts est par définition supérieure aux intérêts querelleurs des intimés ; que les difficultés de circulation dans le quartier ne sont pas dues aux problèmes de stationnement mais bien à la fermeture de la voie privée en cause et à l'exiguïté des lieux ;
- l'opération est nécessaire car un résultat identique ne pourrait être atteint autrement que par le recours à l'expropriation, que l'aménagement du chemin des Maures serait plus onéreux, porterait plus atteinte à la propriété privée et ne serait pas satisfaisant en termes d'emplacement, et enfin que l'élargissement de la rue de la Cabaïrido ne résoudrait pas le problème majeur de l'intersection ;
- l'atteinte à la propriété est de très faible ampleur puisque avant 2001, le chemin était affecté à l'usage du public ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2009, présenté pour Mme A et M. B, par la SCP Régis Pech de la Laclause, Pascale Goni et Cyril Cambon, avocats, qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de condamner la COMMUNE DE VILLESEQUE-DES-CORBIERES et l'Etat à leur verser chacun la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- en ce qui concerne les exigences de sécurité publique, les difficultés de circulation sont plus imputables au stationnement anarchique des véhicules qu'à l'étroitesse de la voie ;
- le propriétaire d'une voie privée est fondée à en interdire à tout moment l'usage au public et qu'aucun entretien par les services municipaux n'est intervenu ;
- l'expropriation n'est en rien nécessaire, que création d'une servitude de passage aurait pour effet le désenclavement souhaité, que les difficultés de circulation sont dues avant tout au stationnement anarchique et qu'un autre itinéraire est envisageable par le chemin des Maures qui appartient pour partie à la commune ;
- l'expropriation des parcelles en cause aurait pour conséquence une perte de la valeur vénale de son immeuble et que la pose de chaînes sur la parcelle en cause n'est pas due au changement de municipalité de 2001 ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 décembre 2010, présenté pour la COMMUNE DE VILLESEQUE-DES-CORBIERES qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;
Vu les arrêtés attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 janvier 2011 :
- le rapport de M. Renouf, rapporteur,
- et les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public ;
Considérant que, par un arrêté en date du 8 février 2006, le préfet de l'Aude a déclaré d'utilité publique le projet d'acquisition par voie d'expropriation des terrains nécessaires à l'aménagement et à l'ouverture d'une voie publique sur le territoire de la commune de VILLESEQUE-DES-CORBIERES, et déclaré cessibles les terrains désignés à l'état parcellaire ; que, par un jugement en date du 8 juillet 2008, le Tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté ; que la commune de VILLESEQUE-DES-CORBIERES relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que la commune de VILLESEQUE-DES-CORBIERES fait valoir que les premiers juges ont soulevé d'office le moyen tiré du caractère excessif des inconvénients du projet au regard de son utilité ; que ce moyen ne se distingue pas de l'absence d'utilité publique invoquée par le requérant ; qu'ainsi, l'irrégularité alléguée du jugement n'est en tout état de cause pas fondée ;
Sur la légalité de l'acte attaqué :
Considérant qu'une opération ne peut être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
Considérant que la création de voies visant à faciliter la circulation, et notamment celle des véhicules des services d'incendie et de secours, relève d'un objectif d'utilité publique ; que l'opération en cause consiste en l'acquisition de 291 mètres carrés de terrains formant une voie située sur trois parcelles privées, afin de l'ouvrir au public et faciliter ainsi l'accès à la rue de la Cabaïrido pour les véhicules de secours, les engins de gros gabarit et les autres usagers du centre historique de la commune ; qu'à cet égard, l'opération revêt un caractère d'intérêt général ;
Considérant toutefois que, d'une part, l'opération en cause, qui concerne notamment la parcelle numéro 2449 du plan cadastral appartenant à Mme A et à M. B, aurait pour effet de priver leur résidence, située sur la parcelle attenante numéro 274, de son jardin et de réduire ainsi sensiblement sa valeur vénale ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'étroitesse de la rue de la Cabaïrido, d'une largeur de 3,5 mètres à son entrée et de 3,10 mètres au point le plus resserré, n'est pas telle qu'elle rende impossible la circulation ponctuelle de camions, ainsi que l'attestent un constat d'huissier et les nombreuses photographies présentes au dossier ; qu'il résulte également des pièces du dossier, et notamment du courrier du directeur du SDIS ainsi que des observations du commissaire-enquêteur, que la gêne que rencontrent certains véhicules dans la rue de la Cabaïrido n'est pas due à l'étroitesse de cette voie, mais à un stationnement anarchique ponctuel, auquel l'exercice des pouvoirs de police du maire peut remédier ; qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'un autre accès au quartier de la Cabaïrido, notamment par l'autre extrémité de la rue de la Cabaïrido, soit impossible ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'atteinte à la propriété privée de Mme A et de M. B est excessive au regard des avantages que présente l'opération litigieuse et est de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique ; qu'ainsi, la commune de VIILESEQUE-DES-CORBIERES n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 8 février 2006 ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A et de M. B, qui ne sont pas la partie perdante à l'instance, la somme demandée par la COMMUNE DE VILLESEQUE-DES-CORBIERES au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE DE VILLESEQUE-DES-CORBIERES et de l'Etat la somme de 1 000 euros chacun au titre des frais exposés ensemble par Mme A et M. B et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE VILLESEQUE-DES-CORBIERES est rejetée.
Article 2 : La COMMUNE DE VILLESEQUE-DES-CORBIERES versera à Mme A et M. B la somme globale de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A et M. B la somme globale de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE VILLESEQUE-DES-CORBIERES, à Mme A et à M. B et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
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N° 08MA03925