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17/01/2011 | FRANCE | N°08MA01337

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 17 janvier 2011, 08MA01337


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 17 mars 2008, présentée par la SCI EMILE MARIUS représentée par son gérant, dont le siège est 3 rue Poincaré à Nice (06000) par Me Boitel ; la SCI EMILE MARIUS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602796 du 15 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 mars 2006 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a déclaré d'utilité publique l'implantation d'un peloton de surveillance et d'intervention de

la gendarmerie sur le territoire de la commune de Gilette et de l'arrêté ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 17 mars 2008, présentée par la SCI EMILE MARIUS représentée par son gérant, dont le siège est 3 rue Poincaré à Nice (06000) par Me Boitel ; la SCI EMILE MARIUS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602796 du 15 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 mars 2006 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a déclaré d'utilité publique l'implantation d'un peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie sur le territoire de la commune de Gilette et de l'arrêté du 19 mai 2006 déclarant cessibles les immeubles désignés à l'état parcellaire y annexé ;

2°) d'annuler lesdits arrêtés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ;

Vu le décret n° 2003-1169 approuvant la directive territoriale d'aménagement des Alpes-Maritimes ;

Vu le décret n° 2006-629 du 30 mai 2006 relatif à la déclaration de projet et modifiant le code de l'environnement ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 2010 :

- le rapport de Mme E. Felmy, rapporteur,

- les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public,

- et les observations de Me Aonzo pour la SCI EMILE MARIUS ;

Considérant que par arrêté du 8 mars 2006, le préfet des Alpes-Maritimes a déclaré d'utilité publique le projet d'implantation d'un peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (P.S.I.G.), sur le territoire de la commune de Gilette, a déclaré cessibles, conformément au plan parcellaire, les immeubles désignés à l'état parcellaire annexé, a modifié le plan d'occupation des sols de la commune de Gilette, en tant qu'il est incompatible avec l'opération déclarée d'utilité publique et a autorisé le département des Alpes-Maritimes, maître d'ouvrage de l'opération, à acquérir, soit à l'amiable, soit par voie d'expropriation, les immeubles nécessaires à la réalisation du projet ; que par arrêté du 19 mai 2006, le préfet des Alpes-Maritimes, pour tenir compte du changement de propriétaire d'une fraction du terrain d'assiette de l'opération en cause, a rapporté, en ce qui concerne l'état parcellaire, les dispositions de l'arrêté préfectoral du 8 mars 2006 déclarant cessibles les immeubles désignés à l'état parcellaire y annexé et lui a substitué un nouvel état parcellaire ; que la SCI EMILE MARIUS relève appel du jugement en date du 15 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté les demandes de M. et de la SCI EMILE MARIUS tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'en relevant que la notice explicative, qui n'avait pas à mentionner les conséquences du projet sur l'accès à une propriété voisine, ni à prendre en considération une aggravation alléguée du risque de glissement de terrain du fait des déboisements, n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique puis qu'il est prévu de limiter le déboisement à l'emprise des bâtiments et de la voie de desserte, de végétaliser autour du bâti, à l'aide d'essences fixant le terrain superficiel, et d'effectuer de nouvelles plantations , les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement de contradiction de motifs ;

Considérant, en second lieu, que la requérante soutient que le Tribunal administratif de Nice a omis de statuer sur le moyen tiré de l'insuffisance de la notice explicative du fait de la minimisation, dans son contenu, des effets de la construction sur le site et son environnement ; qu'en estimant toutefois que la notice explicative jointe au dossier d'utilité publique présentait la situation du terrain d'assiette du projet au regard de sa position géographique et de son insertion dans l'environnement, le tribunal administratif a répondu à ce moyen ; qu'ainsi les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments exposés par la requérante à l'appui de ses moyens, n'ont pas entaché leur jugement, qui est suffisamment motivé, d'omission à statuer sur ce point ;

Sur l'insuffisance de la notice explicative :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : 1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le plan général des travaux ; 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; 6° L'étude d'impact définie à l'article R. 122-3 du code de l'environnement, lorsque les ouvrages ou travaux n'en sont pas dispensés ou, s'il y a lieu, la notice exigée en vertu de l'article R. 122-9 du même code ; 7° L'évaluation mentionnée à l'article 5 du décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 pris pour l'application de l'article 14 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, lorsque les travaux constituent un grand projet d'infrastructures tels que défini à l'article 3 du même décret. (...) Dans les cas prévus aux I et II ci-dessus, la notice explicative indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de l'insertion dans l'environnement, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu. La notice explicative comprend, s'il y a lieu, les indications mentionnées à l'article R. 122-15 du code de l'environnement. ;

Considérant que la requérante soutient en premier lieu que la notice explicative présente des lacunes et des imprécisions concernant, d'une part, l'insertion du projet dans l'environnement, et plus particulièrement son impact réel, et d'autre part, les conséquences du projet sur l'accès à la propriété voisine ; que, toutefois, la notice explicative a pour objet de décrire et justifier l'utilité du projet, en expliquant le choix du projet parmi d'autres alternatives, et ne se confond pas avec l'étude ou la notice d'impact, par ailleurs jointe au dossier d'enquête ; qu'il ressort néanmoins des pièces du dossier que des photographies représentant le site de plusieurs points de vue figurent au dossier, que l'état initial du site est décrit au point 1.1 de la notice, que les planches de photographies 1 et 2 donnent du site une vision à la fois générale et détaillée, que des plans suffisamment précis permettent de prendre la mesure du projet, que les conséquences du projet sur la flore et la gêne visuelle qui pourraient en découler sont envisagées au point 2.2 de la notice explicative intitulé Choix du projet et insertion du projet dans l'environnement , que l'impact de la présence du chenil sur le site fait l'objet d'un paragraphe propre ; que la circonstance que la propriété de la SCI EMILE MARIUS serait enclavée du fait du projet ne constitue pas un point d'étude des effets du projet devant figurer dans la notice ; qu'il résulte de ce qui précède que les administrés ont reçu sur ces points une information suffisante leur permettant d'apprécier l'utilité publique de l'opération envisagée ;

Considérant que la requérante soutient en deuxième lieu que le plan général des travaux produit ne permet pas de distinguer l'impact du projet sur le chemin vicinal situé au Nord de la propriété en cause ; que toutefois, les documents soumis à l'enquête publique ont pour objet, non de décrire en détail les ouvrages envisagés, mais seulement de permettre au public de connaître la nature et la localisation des travaux ainsi que les caractéristiques générales de l'ouvrage prévu ; que par ailleurs, le plan général des travaux du dossier d'enquête, établi à l'échelle 1/750ème, qui indique les modalités d'accès la route départementale ainsi que le tracé rétabli du chemin vicinal préexistant à l'opération, lequel demeure inchangé, est suffisamment précis ;

Considérant que la requérante soutient en troisième lieu que la valeur du terrain exproprié a été manifestement sous-évaluée par les premiers juges qui n'ont pas tenu compte de ce que ce terrain, bien que situé dans une zone non-constructible, bénéficie d'une situation privilégiée puisqu'il répond aux critères posés par la directive territoriale d'aménagement des Alpes-Maritimes et qu'il est viabilisé ; que, toutefois, la circonstance que le terrain objet de l'expropriation serait dans une situation privilégiée, correspondrait aux critères d'un terrain urbanisable et de ce fait serait d'une valeur supérieure à celle qui a été estimée dans le dossier ne suffit pas à démontrer la sous-évaluation manifeste alléguée par la requérante ; que si, par un arrêt en date du 4 novembre dernier, la chambre des expropriations de la Cour d'appel d'Aix en Provence a estimé que l'indemnité d'expropriation devait être portée à 626 304 euros au lieu de la somme de 124 486 euros initialement retenue par l'autorité expropriante, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'estimation du coût du terrain, réalisée en fonction de l'estimation du service des domaines, n'était pas raisonnable à la date de l'enquête publique ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance de la notice explicative doit être écarté ;

Sur l'utilité publique de l'opération :

Considérant qu'une opération en peut être déclarée légalement d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

Considérant, en premier lieu, que la requérante soutient que le département des Alpes-Maritimes est propriétaire, à proximité du terrain d'assiette du projet litigieux et du pont Charles-Albert, d'un terrain plat de 41 hectares de nature à permettre la réalisation de l'opération projetée dans des conditions équivalentes ; que toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que ces terrains ont été acquis en vue d'exécuter des travaux d'endiguement de la rive droite du Var, qu'ils sont pour une partie affectés à l'exploitation d'un gisement de matériaux alluvionnaires et qu'ils sont situés à proximité d'une usine chimique classée Seveso et ne peuvent, de ce fait, y accueillir des habitations ; que le caractère inondable des terrains en cause, qui n'est pas nécessairement incompatible avec l'implantation d'une enseigne commerciale, au demeurant incertaine, s'oppose, eu égard à la nature même de l'équipement comprenant des locaux d'habitation du personnel militaire et de leurs familles, à l'implantation d'un peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie ; qu'ainsi, ces terrains ne sauraient être regardés comme permettant de réaliser, dans des conditions équivalentes, l'opération projetée ;

Considérant, en second lieu, que la requérante soutient que le bilan coût-avantage de l'opération envisagée est négatif car le besoin réel d'implantation du P.S.I.G. n'est pas démontré, que le risque, tel qu'il est décrit au plan de prévention des risques applicable, était trop important au regard du prétendu intérêt de l'opération et que l'atteinte portée à la propriété était trop importante au regard de l'intérêt de l'opération ;

Considérant que le projet envisagé est situé sur la zone de la basse vallée du Var, dont l'urbanisation et la démographie se développent, et sur l'itinéraire d'accès à trois grandes vallées du haut-pays ; qu'il permettra une intervention plus rapide des personnels de gendarmerie dans le ressort de la compagnie que le site de Puget Théniers ; que la construction de vingt-et-un logements de gendarmes à cette caserne, qui tend à résoudre les problèmes liés à l'exiguïté de ces locaux, est sans influence sur l'utilité du projet litigieux ;

Considérant que la requérante ne démontre pas que, comme elle l'affirme, les diverses mesures prévues pour remédier aux risques induits par le projet, comme des travaux de drainage, de soutènement, la plantation d'essences qui fixent le terrain superficiel par leurs racines, la limitation en hauteur du bâtiment afin de réduire au minimum nécessaire la profondeur des excavations creusées pour accueillir ses fondations, seraient, d'une part, insuffisantes techniquement, d'autre part, d'un coût tel que l'utilité publique du projet devrait être écartée ;

Considérant que la requérante soutient enfin que l'atteinte à la propriété privée est excessive puisque l'opération consiste à amputer la partie la plus noble de la propriété ne laissant qu'un terrain de 627 m² sur 8 291 en pente et sans accès et que la possibilité qui lui est offerte de céder l'ensemble n'a pas pour effet de limiter cette atteinte ; que toutefois, l'atteinte à la propriété de la SCI EMILE MARIUS n'est pas excessive eu égard à l'intérêt que présente le projet ; que par suite, elle n'est pas de nature à retirer à l'opération son caractère d'utilité publique ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI EMILE MARIUS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés précités ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme demandée par la SCI EMILE MARIUS au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SCI EMILE MARIUS les sommes demandées par le département des Alpes-Maritimes et la commune de Gilette ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI EMILE MARIUS est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département des Alpes-Maritimes et de la commune de Gilette présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI EMILE MARIUS, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, au département des Alpes-Maritimes et à la commune de Gilette.

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N° 08MA01337 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA01337
Date de la décision : 17/01/2011
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: M. MARCOVICI
Avocat(s) : CABINET CHRISTIAN BOITEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-01-17;08ma01337 ?
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