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20/12/2010 | FRANCE | N°10MA00839

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 20 décembre 2010, 10MA00839


Vu la requête, enregistrée le 26 février 2010, présentée pour M. Salah A ; M. A demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 100070 du 22 janvier 2010 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2010 par lequel le préfet de la Haute-Corse a décidé sa reconduite à la frontière à destination de la Tunisie ;

- d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2010 susmentionné ;

- d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour auquel il peut pr

tendre de droit ;

Il indique qu'un dossier de demande d'aide juridictionnelle sera fourni ...

Vu la requête, enregistrée le 26 février 2010, présentée pour M. Salah A ; M. A demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 100070 du 22 janvier 2010 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2010 par lequel le préfet de la Haute-Corse a décidé sa reconduite à la frontière à destination de la Tunisie ;

- d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2010 susmentionné ;

- d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour auquel il peut prétendre de droit ;

Il indique qu'un dossier de demande d'aide juridictionnelle sera fourni dans un mémoire ampliatif et soutient :

- que l'arrêté de reconduite à la frontière a été signé par une autorité incompétente pour le faire ; la délégation de signature, si elle existe, n'a pas été versée aux débats ;

- que la rédaction laconique et stéréotypée de l'arrêté en litige entraîne un défaut de motivation ;

- qu'il est entré en France en 1986 dans le but de trouver du travail ; depuis cette date, il s'est maintenu sur le territoire et a toujours travaillé ; il peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié en vertu de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ; il dispose d'une promesse d'embauche ; son futur employeur s'est engagé à produire un contrat de travail visé ; il a pris l'attache de la préfecture pour déposer un dossier ;

- qu'il peut bénéficier d'un titre de séjour en tant que ressortissant tunisien présent sur le territoire français depuis au moins dix ans ; il produira ultérieurement des pièces établissant sa présence sur le territoire national depuis au moins 1999 ;

- qu'il s'est marié en 1991 à Antibes avec une ressortissante algérienne en situation régulière ; la reconduite à la frontière le séparerait de son épouse en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, en matière de séjour et de travail ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la cour administrative d'appel du 1er septembre 2010 donnant délégation à Mme Anne Lefebvre-Soppelsa, premier conseiller, pour exercer les compétences prévues par l'article R. 776-19 du code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties de l'audience publique ;

Après avoir, en séance publique le 6 décembre 2010, présenté son rapport et entendu les conclusions de Mme Fédi, rapporteur public ;

Considérant que contrairement à la mention portée dans le mémoire ampliatif présenté pour M. A, enregistré le 21 mai 2010, aucune demande d'aide juridictionnelle n'a été enregistrée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants :... 3° ° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an ; ; que M. A, de nationalité tunisienne, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, par une décision en date du 2 juin 2008 du préfet des Alpes-Maritimes, qui est exécutoire, cette décision n'ayant pas été contestée ; qu'à la date de l'arrêté contesté, le 19 janvier 2010, il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant au préfet de prendre à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière ;

Considérant, que, par un arrêté du 6 novembre 2009 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Haute-Corse a donné à M. Laurent Gandra-Moreno, secrétaire général de la préfecture, délégation à l'effet de signer tous les actes, arrêtés (...) relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Haute-Corse, à l'exception des arrêtés de conflits et des réquisitions de la force armée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été signé par une autorité incompétente doit être rejeté ;

Considérant que si M. FAHRANI fait valoir que la rédaction de l'arrêté attaqué serait laconique et stéréotypée, il ressort des pièces du dossier que cet arrêté comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde ; que, par suite, le moyen tiré de son défaut de motivation ne saurait être accueilli ;

Considérant qu'indépendamment de l'énumération, donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi, ou une convention internationale, prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié, entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail : Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent , après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié ; que l'article 11 de cet accord stipule : Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l' application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 341-4 du code du travail, reproduites à l'article L. 322-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : Un étranger ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation mentionnée à l'article L 341-2. Cette autorisation est délivrée dans des conditions qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat... L'autorisation de travail peut être délivrée à un étranger qui demande l'attribution de la carte de séjour temporaire sous la forme de la mention salarié apposée sur cette carte. Elle habilite cet étranger à exercer les activités professionnelles indiquées sur cette carte dans les zones qui y sont mentionnées... ; qu'il résulte de ces dispositions que la délivrance d'un titre de séjour en vue d'exercer une activité professionnelle nécessite, préalablement à l'entrée de l'étranger en France, la production d'un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou d'une autorisation de travail ; que M. A, qui n'a soumis aucun contrat de travail au visa des autorités compétentes, ne peut utilement s'en prévaloir pour soutenir qu'il avait droit à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention salarié ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7 ter d) de l'accord franco-tunisien susmentionné : Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 : / - les ressortissants tunisiens qui justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans ; que M. FAHRANI soutient qu'il est entré en France en 1986 et qu'il y réside depuis cette date ; que, toutefois, les pièces qu'il produit ne portent que sur les années 1999 à 2003 et ne sont pas de nature à démontrer à elles seules sa présence habituelle en France depuis plus de dix ans ; que, par suite, M. FAHRANI ne pouvant se prévaloir des stipulations de l'article 7 ter d) de l'accord précité, le préfet de la Haute-Corse n'a pas méconnu lesdites stipulations en ordonnant sa reconduite à la frontière ;

Considérant que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et des libertés d'autrui. ; que si le requérant fait valoir qu'entré en France en 1986 pour trouver du travail, il n'a plus quitté, depuis cette date, le territoire national où il a toujours eu une activité professionnelle et qu'il s'est marié à Antibes en 1991 avec une ressortissante algérienne en situation régulière, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A, qui, ainsi qu'il a déjà été dit, n'établit ni la durée ni la continuité de son séjour en France, n'a pas d'enfant à charge et vit, selon ses propres déclarations, séparé de son épouse dont il n'a pas de nouvelles ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions du séjour de M. A en France, l'arrêté en litige n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2010 par lequel le préfet de la Haute-Corse a décidé sa reconduite à la frontière ;

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions présentées par M. A contre l'arrêté du 19 janvier 2009 ordonnant sa reconduite à la frontière, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. Salah A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Salah A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 10MA00839
Date de la décision : 20/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne LEFEBVRE-SOPPELSA
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : GAZZO-MARFISI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-12-20;10ma00839 ?
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