Vu la requête, enregistrée le 6 août 2008, présentée pour M. Jean-Yves A élisant domicile ... par la SCP d'avocats Régis Pech de Laclause, Pascale Goni, Cyril Cambon ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0500753 en date du 20 mai 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier à lui verser la somme de 32 800 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'infection nosocomiale qu'il allègue avoir contractée au sein dudit établissement de soins ;
2°) de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier à lui payer la somme de 2 800 euros au titre du pretium doloris et la somme de 30 000 euros au titre de l'incapacité totale temporaire ainsi qu'au paiement des intérêts à compter du 12 avril 2002 et à leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance ;
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Vu le code de la santé publique et le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du Date d'audience :
- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur,
- les conclusions de Mme Fedi, rapporteur public,
- et les observations de Me Demailly, substituant Me Le Prado, pour le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier ;
Considérant qu'à la suite d'une chute de dix mètres, survenue le 19 avril 1999 sur son lieu de travail, M. A a souffert d'une fracture du calcanéum qui a nécessité une ostéosynthèse ; que des douleurs invalidantes à la marche ayant persisté malgré la prescription de chaussures orthopédiques, le matériel de l'ostéosynthèse lui a été retiré ; que, malgré cette intervention dont les suites ont été simples, des douleurs très invalidantes à la marche malgré le port de chaussures orthopédiques ont persisté et une déformation de l'arrière du pied est apparue ; que ces complications ont justifié une indication de reprise de l'arthrodèse avec ostéotomie le
12 avril 2002 au centre hospitalier régional universitaire de Montpellier ; que M. A a quitté l'établissement de santé le 17 avril 2002 ; que, le 2 septembre 2002, un prélèvement au niveau de la région sous-malléolaire externe ordonné par le médecin traitant de l'intéressé a permis de révéler la présence d'un germe, le pseudomonas aeruginosa , traité par colimycine pendant une durée d'un mois ; qu'en décembre 2002, une fistule étant réapparue, M. A a été pris en charge par le service des maladies infectieuses du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier où une antibiothérapie a été mise en place au début du mois de janvier 2003 ; que ce traitement a été interrompu et un nouveau traitement antibiotique a été prescrit au patient jusqu'au 25 août 2003 ; que le 16 octobre 2003, l'ablation du matériel d'ostéosynthèse et un curetage osseux ont été réalisés et les prélèvements effectués au cours de l'intervention se sont révélés négatifs ; que, suite au dépôt du rapport de l'expertise sollicité par M. A, ce dernier a demandé au centre hospitalier régional universitaire de Montpellier, par une lettre en date du 29 octobre 2004, l'indemnisation du préjudice consécutif à l'infection qu'il estime avoir contractée dans cet établissement de santé ; qu'une décision implicite de rejet a été opposée à sa demande ;
Considérant que M. A relève appel du jugement du 20 mai 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier à lui verser la somme de 32 800 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'infection nosocomiale qu'il estime avoir contractée au sein dudit établissement de santé et du défaut d'information des risques infectieux que comportait l'opération réalisée ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude demande la condamnation du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier à lui payer la somme de 31 572,55 euros, le montant des débours futurs qu'elle sera amenée à payer pour le compte de son assuré ainsi que la somme de 941 euros au titre des dispositions de l'article L. 476-1 du code de sécurité sociale ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article 98 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé applicable aux faits en litige : Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé (...), ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ; que selon le II du même article, lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, les victimes d'un accident médical, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale peuvent prétendre à la réparation de leurs préjudices au titre de la solidarité nationale dans des conditions tenant au degré de leur invalidité et précisées par décret apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail ; qu'aux termes de l'article L. 1142-21 du même code : Lorsque la juridiction compétente, saisie d'une demande d'indemnisation des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins dans un établissement de santé, estime que les dommages subis sont indemnisables au titre du II de l'article L. 1142-1, l'office est appelé en la cause s'il ne l'avait pas été initialement. Il devient défendeur en la procédure. ; qu'en vertu de l'article L. 1142-22 du même code, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) est chargé de cette indemnisation au titre de la solidarité nationale ; qu'enfin, aux termes de l'article D.1142-1 du code de la santé publique : Le pourcentage mentionné au deuxième alinéa du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique est fixé à 24 %. / Un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique lorsque la durée de l'incapacité temporaire de travail résultant de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale est au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : / 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; / 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionnent des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise judiciaire diligentée devant le tribunal administratif de Montpellier déposé le 29 janvier 2004, que M. A a subi au centre hospitalier régional universitaire de Montpellier le 12 avril 2002 une ostéotomie associée à une arthrodèse sur la cheville gauche et que du fait d'une infection, révélée par un prélèvement bactériologique effectué le 2 septembre 2002, devenue chronique au contact des vis d'arthrodèse, l'ablation du matériel d'ostéosynthèse a été réalisée le 16 octobre 2003 ; qu'alors que M. A soutient que l'infection qu'il a contractée, d'origine nosocomiale, résulte de son hospitalisation en avril 2002 et que, nonobstant le caractère non multi-résistant du germe, le centre hospitalier ne peut être regardé comme rapportant la preuve d'une cause étrangère au sens des dispositions précitées de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, l'établissement de soins fait valoir que l'écoulement est apparu secondairement à l'intervention et a été traité par le médecin traitant de l'intéressé ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L.1111-2 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable aux faits en litige : Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. ;
Considérant que le centre hospitalier ne conteste pas que M. A n'a pas signé de document attestant de la délivrance de l'information exigée par les dispositions législatives précitées du risque infectieux qui s'est finalement réalisé ; qu'en se bornant à soutenir qu'il est constant que les complications post-opératoires ont été abordées par l'équipe médicale lorsque M. A a été reçu, préalablement à l'intervention litigieuse réalisée le 12 avril 2002, à deux reprises en vue d'évoquer l'historique de sa pathologie ainsi que les problèmes affectant son pied gauche, le centre hospitalier n'établit pas et il ne ressort d'ailleurs pas des éléments du dossier et notamment pas de la lettre du 27 octobre 2008 d'un chef de service de chirurgie de l'établissement hospitalier produite en appel, que le patient a été informé préalablement à la mise en oeuvre de son traitement des risques d'infection qui pouvaient résulter de l'arthrodèse indiquée ; que, par suite, en l'absence d'urgence rendant impossible l'information du patient, ce manquement, qui constitue une faute, est susceptible d'engager la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier ;
Considérant qu'il résulte du rapport de l'expertise diligentée devant le tribunal administratif rédigé par un praticien spécialisé en chirurgie orthopédique, traumatologie et arthroscopie que la réalisation de l'ostéotomie associée à une arthrodèse sur la cheville gauche de M. A était indiquée en raison d'une gêne fonctionnelle importante à la marche malgré le port de chaussures orthopédiques et d'une mauvaise position d'une arthrodèse sous astragalienne ; que si le rapport médical précise que l'indication opératoire était difficile mais opportune, il n'apporte cependant aucun élément permettant de se prononcer sur l'existence ou l'absence d'alternatives thérapeutiques moins risquées que celle utilisée eu égard à l'état de santé du patient ;
Considérant que l'état du dossier ne permet ainsi pas à la Cour de déterminer, en toute connaissance de cause, d'une part, si l'infection dont a été victime M. A peut être attribuée à une cause étrangère au sens des dispositions précitées du I de l'article L. 1142-1 code de la santé publique et, d'autre part, s'il existait des alternatives moins risquées pour l'intéressé à l'intervention chirurgicale pratiquée le 12 avril 2002 ; qu'il y a lieu, en conséquence, avant dire plus amplement droit, d'ordonner une mesure d'expertise aux fins précisées ci-après ;
D E C I D E :
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de M. A et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude procédé à une expertise, par un collège de deux experts, en vue :
- en premier lieu, de prendre connaissance du dossier et de tous documents concernant M. A, y compris du rapport d'expertise médicale du 29 janvier 2004 rédigé par le docteur d'Arzac, détenus par le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier ou produits par M. A, et d'examiner ce dernier ;
- en deuxième lieu, de décrire précisément l'état de M. A lors de son admission le 12 avril 2002 au centre hospitalier régional universitaire de Montpellier ainsi que les soins et actes médicaux ou chirurgicaux dont il a fait l'objet au cours de cette hospitalisation ;
- en troisième lieu, de préciser si l'intervention chirurgicale du 12 avril 2002 et les soins postopératoires ont été réalisés dans les règles de l'art, notamment en matière d'asepsie ;
- en quatrième lieu, de préciser la nature et les caractéristiques du germe ou des germes à l'origine de l'infection dont a été victime M. A et d'indiquer si cette infection est directement imputable à l'intervention chirurgicale réalisée le 12 avril 2002 ou aux soins reçus dans cet établissement au cours de son hospitalisation ou à toute autre cause ;
- en cinquième lieu, d'indiquer si l'intervention réalisée le 12 avril 2002 constituait, eu égard à l'état de santé de M. A, une nécessité ou s'il existait une ou plusieurs alternatives thérapeutiques moins risquées que celle pratiquée ;
- en sixième lieu, si des alternatives thérapeutiques existaient, d'indiquer pour chacune d'entre elles, les risques inhérents à ces choix thérapeutiques compte-tenu de l'état de santé de M. A ;
- en septième lieu, d'indiquer les périodes pendant lesquelles M. A a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire en lien avec l'infection en cause dans l'incapacité d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle et de poursuivre ses activités personnelles en précisant, le cas échéant, les taux et les durées ; de fixer la date de consolidation de son état en lien avec l'infection contractée ; d'indiquer le taux éventuel du déficit fonctionnel lié à cette infection et de préciser si ce déficit est à l'origine d'une incidence professionnelle ; de décrire les troubles dans les conditions d'existence en rapport avec l'infection en cause et de déterminer, en les chiffrant distinctement sur une échelle de 1 à 7, les souffrances physiques ou morales, les préjudices esthétique et d'agrément pouvant, le cas échéant, être regardés comme directement et exclusivement imputables à l'infection en cause ;
Article 2 : Les experts seront désignés par le président de la Cour. Ils accompliront leur mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Le rapport d'expertise sera déposé dans un délai de quatre mois suivant la prestation de serment.
Article 3 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Yves A, au centre hospitalier régional universitaire de Montpellier, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude et à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux.
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N° 08MA038102