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13/12/2010 | FRANCE | N°08MA02711

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 13 décembre 2010, 08MA02711


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'Appel de Marseille le 30 mai 2008, présentée pour la société BG NETT anciennement dénommée BORGO NETT, représentée par son gérant en exercice dont le siège social est sis immeuble les Mimosas à Folello (20213), par Me Caporossi Poletti, avocat ;

La société BG NETT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Bastia n° 0700122 du 27 mars 2008 qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse à l

ui verser la somme de 437 287,32 euros, outre les intérêts, en réparation du pré...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'Appel de Marseille le 30 mai 2008, présentée pour la société BG NETT anciennement dénommée BORGO NETT, représentée par son gérant en exercice dont le siège social est sis immeuble les Mimosas à Folello (20213), par Me Caporossi Poletti, avocat ;

La société BG NETT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Bastia n° 0700122 du 27 mars 2008 qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse à lui verser la somme de 437 287,32 euros, outre les intérêts, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de son éviction des marchés de nettoyage des locaux de la chambre de commerce et d'industrie ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la Chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse une somme de 3.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la Chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse a délibérément omis d'organiser la négociation dan le cadre des marchés ; qu'en effet, les marchés en question avaient été précédés d'un appel d'offres déclaré sans suite pour des motifs d'intérêt général, au titre duquel candidate, elle était la moins-disante et la mieux placée ; qu'elle a vainement sollicité le motif de l'attribution des marchés à la société Nettoyage insulaire en application des dispositions des articles 76 et suivants du code des marchés publics ; qu'il ne peut être soutenu qu'elle ne disposait d'aucune chance d'emporter le marché ; qu'en effet, pour les lots n° 1 et 2, elle avait été classée en deuxième position ; qu'il ne peut davantage être argué qu'elle était dépourvue de toutes chances sérieuses d'emporter les marchés ; qu'en ce qui concerne le lot n° 1, elle s'en est tenue à un strict respect des dispositions du cahier des charges techniques particulières ; que, dès lors que les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue sont dissimulés, les motifs de rejet opposés par la chambre de commerce et d'industrie ne peuvent être appréciés ; qu'en outre, le poids des critères de l'offre économiquement la plus avantageuse n'était pas précisé dans le règlement de consultation ; qu'il est constant qu'elle était la moins-disante ; qu'en ce qui concerne le lot n° 2, les mêmes observations valent ; que la Chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse n'allègue pas que son offre pour le lot n° 2 aurait été anormalement basse ; que, par suite, elle est fondée à être indemnisée du manque à gagner ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 3 novembre 2010, présenté pour la Chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse, par Me Muscatelli, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à ce qu'il soit prescrit une mesure d'expertise et à la condamnation de la société BG NETT à lui verser à la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que la société appelante ne justifie, à aucun moment de la procédure, avoir subi une perte de chance de remporter le marché ; que cette possibilité ne résulte pas de l'examen des offres analysées par le cabinet CTIP ; qu'en effet, il aurait fallu que le nombre de soumissionnaires soit supérieur à deux ; qu'en outre, en dehors du nombre des soumissionnaires, la chance sérieuse de remporter le marché aurait pu se déduire de la qualité des prestations qu'elle présentait ; que rien de tel ne peut être induit ; que, contrairement à ce que soutient la société, l'appel public à la concurrence prévoyait les critères d'attribution pondérés ; que l'absence d'indication dans le règlement de consultation du choix de la méthode de notation retenu n'a pu fausser la concurrence ; qu'en outre, la société requérante ne peut soutenir une volonté de dissimulation de sa part ; que la société BG NETT ne justifie pas des éventuels frais qu'elle aurait été susceptible d'exposer pour élaborer ses offres et dont elle n'allègue pas même l'existence ; que le calcul du préjudice est erroné ; qu'il n'est pas produit de justificatif du montant du bénéfice net ; qu'à titre subsidiaire, l'expertise non datée qui est une simple évaluation arrêtée à partir de la valeur ajoutée moyenne alléguée sur les trois dernières années et dépourvue de caractère contradictoire, repose sur un calcul succinct et ne s'accompagne d'aucun élément comptable permettant de s'assurer de sa pertinence ; qu'à titre infiniment subsidiaire, il conviendrait d'organiser une mesure d'expertise ;

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'État, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2010 :

- le rapport de Mme Lopa Dufrénot, rapporteur,

- les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public,

- et les observations de Me Tiberi représentant la société BG NETT ;

Considérant que la société BORGO NETT a saisi le Tribunal administratif de Bastia d'une demande tendant à la condamnation de la Chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse à lui verser la somme de 437 287,32 euros, augmentée des intérêts au taux légal ; que par un jugement en date du 27 mars 2008, le Tribunal administratif l'a rejetée ; que la société BG NETT anciennement dénommée BORGO NETT relève appel dudit jugement ;

Sur le principe de responsabilité :

Considérant que, par jugement du 31 mars 2005, devenu définitif, le tribunal administratif de Bastia a annulé les décisions du 28 mars 2003 par lesquelles le président de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse a rejeté les offres de la société BORGO NETT au motif que les règles propres à la procédure prévues par les dispositions de l'article 67 du code des marchés publics dans sa rédaction issue du décret du 7 mars 2001 avaient été méconnues ;

Considérant que l'illégalité des décisions précitées du 28 mars 2003 est de nature à engager la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse à l'égard de la société BG NETT ;

Sur la réparation :

Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;

Considérant que la société BG NETT soutient qu'eu égard à la conformité des prestations proposées aux dispositions du cahier des charges des clauses techniques particulières et aux prix envisagés, elle avait des chances sérieuses d'emporter les marchés dont elle a été évincée ; que la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse qui se prévaut de la pondération des critères de sélection des offres en fonction de la valeur technique et du prix, n'établit, toutefois, pas l'insuffisance de la valeur technique des offres soumises par la société candidate ; qu'en outre, il est constant que les prix proposés correspondaient au minimum annuel figurant aux avis d'attribution du marché parus dans la presse ; qu'enfin, il résulte de l'instruction et, au demeurant, il n'est pas sérieusement contesté que la société requérante était classée en seconde position tant en ce qui concerne le lot n°1 que le lot n°2 ; que, dès lors, la société anciennement dénommée BORGO NETT a été, du fait du caractère irrégulier de la procédure de passation des marchés, privée d'une chance sérieuse d'obtenir lesdits marchés ; que, par suite, la société requérante a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner en résultant pour elle, incluant nécessairement, en l'absence de stipulation contraire du contrat, les frais de présentation des offres intégrés dans ses charges ; qu'en outre, le manque à gagner précité doit être déterminé en fonction de la marge nette bénéficiaire habituellement pratiquée dans ce type de marché en Corse que lui aurait procurée les marchés si elle les avait obtenus ; que l'état du dossier ne permet pas d'évaluer ce chef de préjudice ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire une expertise à fin d'évaluer le manque à gagner pour la société BG NETT, induit par son éviction irrégulière ;

D É C I D E :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la demande d'indemnité de la société BG NETT relative au manque à gagner qu'elle a subi, procédé à une expertise.

Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions fixées par les articles R.621-2 à R.621-14 du code de justice administrative.

Article 3 : Il aura pour mission, après avoir pris connaissance de l'entier dossier des marchés et des offres présentés par la société anciennement dénommée BORGO NETT ainsi que les pièces comptables de l'entreprise, d'évaluer le manque à gagner subi par cette dernière du fait de son éviction irrégulière, correspondant aux frais de présentation des offres, intégrés dans ses charges ainsi que la marge nette bénéficiaire habituellement pratiquée dans les marchés de nettoyage en Corse.

Article 4 : L'expertise sera réalisée en présence de la société BG NETT et de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse.

Article 5 : Les frais d'expertise ainsi que tous droits et moyens des parties autres que ceux sur lesquels il a été statué par le présent arrêt sont réservés.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à société BG NETT, de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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08MA02711


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA02711
Date de la décision : 13/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Micheline LOPA-DUFRENOT
Rapporteur public ?: M. MARCOVICI
Avocat(s) : CAPOROSSI POLETTI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-12-13;08ma02711 ?
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