Vu la requête, enregistrée le 14 août 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 08MA03896, présentée pour M. et Mme Damien A, demeurant ... à Saint-Hyppolyte-du-Fort (30170), par Me Margall, avocat ;
M. et Mme A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701641 du 6 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 9 mars 2007 par lequel le préfet de la région Languedoc-Roussillon a inscrit au titre des monuments historiques le domaine des Graves à Saint-Hyppolyte-du-Fort, en particulier les façades et toitures du moulin et de la ferme, la maison de maître, le jardin, le parc et le domaine agricole avec son mur de clôture ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code du patrimoine ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu le décret n° n°84-1006 du 15 novembre 1984 ;
Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2010 :
- le rapport de M. Chanon, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;
- les observations de Me Weisburch, du cabinet d'avocats Gilles Margall, avocat de Mme A ;
Considérant que, par arrêté du 9 mars 2007, le préfet de la région Languedoc-Roussillon a inscrit au titre des monuments historiques le domaine des Graves à Saint-Hyppolyte-du-Fort, en particulier les façades et toitures du moulin et de la ferme, la maison de maître, le jardin, le parc et le domaine agricole avec son mur de clôture ; que M. et Mme A, qui doivent être regardés comme contestant cet arrêté en tant qu'il vise les immeubles dont ils sont propriétaires, relèvent appel du jugement du 6 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande d'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que les premiers juges ne sauraient avoir entaché d'irrégularité leur décision au seul motif qu'ils auraient commis une erreur sur la matérialité de faits ou une erreur d'appréciation, lesquelles relèvent du bien-fondé du jugement ;
Sur la légalité de l'arrêté du 9 mars 2007 :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1er de la loi du 11 juillet 1979 et 24 de la loi du 12 avril 2000 que les décisions d'inscription d'un immeuble au titre des monuments historiques, qui ne présentent pas le caractère de décisions individuelles, ne sont pas au nombre de celles qui doivent être motivées et qui ne peuvent intervenir qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ; que dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué aurait été pris en violation de ces textes ; qu'aucune autre disposition législative ou réglementaire n'impose à l'autorité administrative de motiver la décision de classement, ni d'inviter le propriétaire à présenter des observations préalablement à l'intervention d'une telle décision ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu de l'article 1er du décret du 15 novembre 1984, l'initiative de l'inscription d'un immeuble au titre des monuments historiques relève du préfet de région, la demande d'inscription pouvant être également présentée par le propriétaire d'un immeuble ainsi que par toute personne physique ou morale y ayant intérêt ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que M. et Mme A n'ont pas sollicité l'inscription doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 621-25 du code du patrimoine : Les immeubles ou parties d'immeubles publics ou privés qui, sans justifier une demande de classement immédiat au titre des monuments historiques, présentent un intérêt d'histoire ou d'art suffisant pour en rendre désirable la préservation peuvent, à toute époque, être inscrits, par décision de l'autorité administrative, au titre des monuments historiques. Peut être également inscrit dans les mêmes conditions tout immeuble nu ou bâti situé dans le champ de visibilité d'un immeuble déjà classé ou inscrit au titre des monuments historiques ; que les immeubles dont sont propriétaires M. et Mme A sont principalement constitués de vignes et d'une ferme implantés à l'intérieur du mur d'enceinte du domaines des Graves ; que celui-ci comprend également une maison de maître, un jardin, un parc et un moulin, appartenant à un tiers ; que les requérants ne contestent pas que cette dernière partie du domaine présente un intérêt d'histoire et d'art suffisant pour en justifier légalement l'inscription au titre des monuments historiques ; qu'il ressort des pièces du dossier que, outre sa proximité avec la maison de maître, particulièrement intéressante au plan architectural et en raison de sa riche décoration intérieure, l'ensemble du domaine à l'intérieur du mur de clôture a conservé une grande authenticité, en particulier l'espace viticole avec son système hydraulique ; que la ferme, construite sur un terrain jouxtant les parcelles à usage de vigne, est également à proximité immédiate du moulin ; que, dans ces conditions, les immeubles dont sont propriétaires M. et Mme A présentent, tant par eux-mêmes que du fait de leur insertion dans l'ensemble du domaine, un intérêt historique et artistique suffisant pour en rendre désirable la préservation ; que, par suite, ainsi que l'ont estimé les premiers juges sans erreur sur la matérialité des faits ni erreur d'appréciation, le préfet de région n'a pas entaché sa décision d'illégalité sur ce point ;
Considérant, en quatrième lieu et en tout état de cause, que la circonstance que l'arrêté préfectoral en litige ne comprend aucun élément permettant de connaître les motifs pour lesquels le domaine des Graves présente un intérêt historique et artistique suffisant sans préciser en quoi il se distinguerait des autres domaines de la région édifiés à la même époque, et qui n'ont pas fait l'objet d'une mesure identique, n'a aucune incidence sur la légalité de la décision critiquée et n'est pas de nature à établir que le préfet aurait commis une erreur d'appréciation ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article 23-1 de l'ordonnance modifiée du 7 novembre 1958 : Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé (...) ; que M. et Mme A soutiennent que l'arrêté attaqué porte atteinte au droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à laquelle renvoie le préambule de la Constitution ; que le préfet de région s'étant borné à mettre régulièrement en oeuvre les dispositions législatives précitées du code du patrimoine, les requérants doivent être entendus comme mettant en cause la conformité de la loi à la Constitution ; que ce moyen, qui n'a pas été présenté dans un écrit distinct, est, par conséquent, irrecevable ;
Considérant, en sixième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ; qu'aux termes de l'article L. 621-27 du code du patrimoine, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : L'inscription (...) est notifiée aux propriétaires et entraînera pour eux l'obligation de ne procéder à aucune modification de l'immeuble ou partie de l'immeuble inscrit, sans avoir, quatre mois auparavant, avisé l'autorité administrative de leur intention et indiqué les travaux qu'ils se proposent de réaliser. L'autorité administrative ne peut s'opposer auxdits travaux qu'en engageant la procédure de classement au titre des monuments historiques telle qu'elle est prévue par le présent titre. Toutefois, si lesdits travaux avaient pour dessein ou pour effet d'opérer le morcellement ou le dépeçage de l'édifice ou de la partie d'édifice inscrit à l'inventaire dans le seul but de vendre en totalité ou en partie les matériaux ainsi détachés, l'autorité administrative dispose d'un délai de cinq années pour procéder au classement au titre des monuments historiques et peut, en attendant, ordonner qu'il soit sursis aux travaux dont il s'agit ; qu'au regard des contraintes limitées que ces dispositions imposent, la décision portant inscription d'un immeuble au titre des monuments historiques ne porte pas, par elle-même, aux droits du propriétaire une atteinte disproportionnée au but d'intérêt général qu'elle poursuit, alors même qu'elle ne prévoit aucun mécanisme d'indemnisation ; qu'ainsi les requérants ne sont pas fondés à invoquer la violation des stipulations rappelées ci-dessus du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A et au ministre de la culture et de la communication.
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