La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/2010 | FRANCE | N°08MA05035

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 10 novembre 2010, 08MA05035


Vu I) la requête, enregistrée le 9 décembre 2008 sous le numéro 08MA05035, présentée pour M. Xavier A, demeurant ... par la SCP d'avocats Delaporte-Briard-Trichet ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°0700264 du 9 octobre 2008, par lequel le tribunal administratif de Bastia, sur demande de l'Association Bonifacienne Comprendre et Défendre l'Environnement (ABCDE), a annulé l'arrêté du 10 janvier 2007, par lequel le maire de Bonifacio lui avait délivré un permis de construire ;

2°) d'ordonner, par mesure avant-dire-droit, un déplacement sur les lie

ux de la chambre d'instruction de la cour ;

3°) de rejeter, en toute hypot...

Vu I) la requête, enregistrée le 9 décembre 2008 sous le numéro 08MA05035, présentée pour M. Xavier A, demeurant ... par la SCP d'avocats Delaporte-Briard-Trichet ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°0700264 du 9 octobre 2008, par lequel le tribunal administratif de Bastia, sur demande de l'Association Bonifacienne Comprendre et Défendre l'Environnement (ABCDE), a annulé l'arrêté du 10 janvier 2007, par lequel le maire de Bonifacio lui avait délivré un permis de construire ;

2°) d'ordonner, par mesure avant-dire-droit, un déplacement sur les lieux de la chambre d'instruction de la cour ;

3°) de rejeter, en toute hypothèse, la requête en annulation dirigée contre le permis qui lui a été délivré le 10 janvier 2007 ;

4°) de condamner l'association ABCDE à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

...................................................................................

Vu II) la requête, enregistrée le 9 décembre 2008, présentée pour l'Association Bonifacienne Comprendre et Défendre l'Environnement (ABCDE), représentée par sa présidente en exercice, dont le siège est sis lieu-dit Palmentile à Bonifacio (20169) par Me Busson, avocat ; l'A.B.C.D.E. demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n°0700264 du 9 octobre 2008 du tribunal administratif de Bastia, qui a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Bonifacio et de M. Delsol au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner la commune et M. Delsol à lui verser, chacun, la somme de 2000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative

..........................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 92-129 du 7 février 1992 ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions, et notamment son article 2 ;

Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 pris par le vice-président du Conseil d'Etat autorisant la cour administrative d'appel de Marseille à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2010 ;

- le rapport de Mme Carassic, rapporteur ;

- les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public ;

- et les observations de Me Paloux pour M. A ;

Considérant que, par jugement n°0700264 du 9 octobre 2008, le tribunal administratif de Bastia, sur demande de l'Association Bonifacienne Comprendre et Défendre l'Environnement (ABCDE), a annulé l'arrêté du 10 janvier 2007, par lequel le maire de Bonifacio avait délivré à M. A un permis de construire afin d'édifier une maison individuelle ; que ce même jugement a, dans son article 2, rejeté les conclusions présentées par cette association sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative ; que, par requête 08MA05035, M. A relève appel de ce jugement ; que, par requête n° 08MA05037, l'ABCDE demande l'annulation de l'article 2 de ce jugement ;

Sur la jonction :

Considérant que les requêtes n° 08MA05035 et n° 08MA05037 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : Les jugements sont motivés ;

Considérant qu'il ressort des motifs du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'argumentation du bénéficiaire du permis litigieux, ont apprécié tous les faits particuliers relatifs au terrain de M. A ; que les caractéristiques particulières de ce projet et notamment sa consistance et sa situation par rapport aux constructions avoisinantes sont analysées; que, par suite, la méconnaissance de l'obligation fixée par l'article 9 du code de justice administrative manque en fait ;

Sur les conclusions dirigées contre le jugement en tant qu'il annule le permis de construire :

Considérant que le tribunal administratif a annulé l'arrêté susmentionné du 10 janvier 2007, au seul motif que le projet méconnaît l'article L 146-4 I du code de l'urbanisme au terme duquel : L'extension de l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. ;

Considérant que l'article 13 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 a abrogé l'article L. 144-2 du code de l'urbanisme aux termes duquel : Le schéma d'aménagement de la Corse vaut schéma de mise en valeur de la mer, tel qu'il est défini par l'article 57 de la loi no 83-8 du 7 janvier 1983, notamment en ce qui concerne les orientations fondamentales de la protection, de l'aménagement et de l'exploitation du littoral. ; qu'en vertu des mêmes dispositions le schéma reste en vigueur jusqu'à l'approbation du plan d'aménagement et de développement durable de Corse ;

Considérant ainsi que le schéma d'aménagement de la Corse produit les mêmes effets que les directives territoriales d'aménagement définies en application de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme ; que, selon ces dispositions, des directives territoriales d'aménagement peuvent préciser, sur les parties du territoire qu'elles couvrent, les modalités d'application (...) adaptées aux particularités géographiques locales des dispositions particulières au littoral codifiées aux articles L. 146-1 et suivants du code de l'urbanisme et que celles de leurs dispositions comportant de telles précisions s'appliquent aux personnes et opérations qui y sont mentionnées ; que ces dispositions sont reprises au dernier alinéa de l'article L. 146-1, selon lequel les directives territoriales d'aménagement précisant les modalités d'application des dispositions particulières au littoral ou, en leur absence, lesdites dispositions sont applicables à toute personne publique ou privée pour tout projet d'occupation ou d'utilisation du sol mentionné au même alinéa ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d 'occupation ou d'utilisation du sol mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 146-1 du code de l'urbanisme, de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral ; que, dans le cas où le territoire de la commune est couvert par une directive territoriale d'aménagement définie à l'article L. 111-1-1 du même code, ou par un document en tenant lieu, cette conformité doit s'apprécier au regard des éventuelles prescriptions édictées par ce document d'urbanisme, sous réserve que les dispositions qu'il comporte sur les modalités d'application des dispositions des articles L. 146-1 et suivants du code de l'urbanisme soient, d'une part, suffisamment précises et, d'autre part, compatibles avec ces mêmes dispositions ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que le bénéficiaire ne pouvait utilement se prévaloir en défense des dispositions du schéma d'aménagement de la Corse et qu'il a annulé le permis de construire dont M. Delsol était titulaire en se fondant uniquement et directement sur les dispositions de l'article L. 146-4-I du code de l'urbanisme, sans examiner au préalable si les dispositions du schéma d'aménagement de la Corse portant application des dispositions de l'article L. 146-4-I du code de l'urbanisme n'étaient pas suffisamment précises et compatibles avec ces dernières dispositions ;

Considérant, à cet égard, que le schéma d'aménagement de la Corse prescrit que l'urbanisation du littoral demeure limitée ; que, pour en prévenir la dispersion, il privilégie la densification des zones urbaines existantes et la structuration des espaces péri-urbains , en prévoyant, d'une part, que les extensions, lorsqu'elles sont nécessaires, s'opèrent dans la continuité des centres urbains existants, d'autre part, que les hameaux nouveaux demeurent l'exception ; que de telles prescriptions apportent des précisions claires relatives aux modalités d'application des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme et ne sont pas incompatibles avec elles ; que, par suite, les dispositions du schéma d'aménagement de la Corse sont directement opposables aux demandes de permis de construire ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de photographies aériennes que les parcelles n° 545 et n° 546, qui bordent sur un grand côté la parcelle cadastrée n° 1000 servant de terrain d'assiette au projet de construction de M. A, ne supportent aucune construction; que les parcelles 268 et 758 proches du projet supportent chacune une maison isolée ; que l'hôtel Torreano ainsi qu'un ensemble de bungalows formant le Village des Italiens , sont séparées du projet par une route ; que le terrain d'assiette de la construction litigieuse est aussi situé en bordure de l'ensemble pavillonnaire Marina Di Cavu 1 et 2 ; que parmi ces différents bâtiments à usage touristique, certains ont fait l'objet d'un attentat, les autres sont majoritairement occupées de manière saisonnière ;

Considérant que le schéma d'aménagement de la Corse prévoit, d'une part, des espaces à dominante de structuration urbaine, dans lesquels la centralité urbaine est renforcée et l'urbanisme existant, comprenant des coupures à l'urbanisation, est densifié et, d'autre part, des espaces à dominante de préservation de l'environnement, où l'extension de l'urbanisation est limitée dans des conditions strictes d'intégration au site de la commune de Bonifacio ; qu'il ressort de la carte jointe à ce schéma que la propriété de M. A, qui tente de faire valoir que son projet participe à la densification autorisée par le schéma d'aménagement, est, en réalité, située dans une zone d'extension limitée de l'urbanisation, et non, comme il le prétend, dans une zone où la densification permet de participer à sa structuration ;

Considérant en outre qu'il résulte des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les zones déjà urbanisées, caractérisées par une densité significative des constructions, mais qu'aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres constructions, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées des agglomérations ; qu'en l'absence de densité significative des bâtiments édifiés à proximité du terrain d'assiette du projet de M. Delsol, ces constructions ne constituent pas un village ou une agglomération avec lesquels il serait en continuité ; que, pour les mêmes raisons, la construction prévue ne saurait constituer, avec celles existant à proximité, eu égard à leur caractère dispersé, un hameau nouveau intégré à l'environnement ;

Considérant qu'il s'ensuit que les règles du schéma d'aménagement de la Corse, comme celles de la loi littoral applicables, s'opposent au projet de construction en litige ; qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une visite sur les lieux, que M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé le permis de construire qui lui a été délivré le 10 janvier 2007 ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'ABCDE, qui n'est pas la partie perdante au litige, soit condamnée à verser quelque somme que ce soit au titre des frais engagés dans l'instance d'appel ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de M. A le paiement à l'ABCDE de la somme de 500 euros et une autre somme de 500 euros à la charge de la commune de Bonifacio au titre des dispositions de cet article, tant en première instance, contrairement à l'article 2 du jugement attaqué, qu'en appel ;

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 0700264 du 9 octobre 2008 est annulé.

Article 2 : La requête de M. A est rejetée.

Article 3 : M. A et la commune de Bonifacio verseront chacun la somme de 1000 (mille) euros à l'Association Bonifacienne Comprendre et Défendre l'Environnement, au titre de la première instance et de l'appel, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. A, à l'Association Bonifacienne Comprendre et Défendre l'Environnement, à la commune de Bonifacio. Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

''

''

''

''

5

N° 08MA05035 - 08MA05037


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA05035
Date de la décision : 10/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAMBERT
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. BACHOFFER
Avocat(s) : SCP DELAPORTE BRIARD TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-11-10;08ma05035 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award