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08/11/2010 | FRANCE | N°08MA01606

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 08 novembre 2010, 08MA01606


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 21 mars 2008, sous le 08MA01606, présentée pour le GFA CHATEAU DU MINISTRE, dont le siège est Mas du Ministre à Mauguio (34130), par Me Mendes Constante, avocat ;

Le GFA CHATEAU DU MINISTRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 045786-046730 du 18 décembre 2007 du Tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté sa demande tendant l'annulation de la décision du Premier ministre refusant implicitement de réformer la décision de la commission nationale de dé

sendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée du...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 21 mars 2008, sous le 08MA01606, présentée pour le GFA CHATEAU DU MINISTRE, dont le siège est Mas du Ministre à Mauguio (34130), par Me Mendes Constante, avocat ;

Le GFA CHATEAU DU MINISTRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 045786-046730 du 18 décembre 2007 du Tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté sa demande tendant l'annulation de la décision du Premier ministre refusant implicitement de réformer la décision de la commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée du 12 mai 2004 le déclarant inéligible au bénéfice du dispositif prévu par le décret du 4 juin 1999 en faveur de certains rapatriés ;

2°) d'annuler cette décision implicite et d'enjoindre au Premier ministre de lui accorder le bénéfice de ce dispositif dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

............................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des français d'Outre-Mer ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi de finances rectificative n° 86-1318 du 30 décembre 1986 ;

Vu la loi n° 2002-73 du 14 janvier 2002 relative à la modernisation sociale ;

Vu le décret n° 99-469 du 4 juin 1999 relatif au désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée modifié par le décret n° 2002-492 du 10 avril 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2010 :

- le rapport de Mlle Josset, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant que le GFA CHATEAU DU MINISTRE fait appel du jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du jugement du 18 décembre 2007 en tant qu'il a rejeté son recours en annulation dirigé contre la décision du Premier ministre refusant implicitement de réformer la décision de la commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée du 12 mai 2004 le déclarant inéligible au bénéfice du dispositif prévu par le décret du 4 juin 1999 en faveur de certaines catégories de rapatriés ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative imposent que les jugements contiennent l'analyse des conclusions et des moyens ; qu'il ressort du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué est accompagnée de l'analyse des conclusions et des moyens contenus dans la requête et dans les mémoires produits devant le tribunal ; qu'ainsi, l'absence du visa de ces moyens dans la copie du jugement notifiée aux requérants n'est pas de nature à entacher ce dernier d'irrégularité ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'examen des fiches requête et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que les mémoires en défense du Premier ministre enregistrés les 7 août 2006 et 13 avril 2007 ont été transmis au GFA requérant ; que, dans ces conditions, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que l'absence de visa dans le jugement qui lui a été notifié ne lui permettrait pas de connaître les moyens invoqués par l'administration et porterait atteinte ainsi aux droits de la défense ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des écritures de première instance du GFA, que celui-ci n'a invoqué le défaut de motivation ni de la décision de la Commission, ni de celle du Premier ministre ; que, par suite, le GFA n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier pour avoir omis de répondre aux moyens dont s'agit ;

Considérant en quatrième lieu, que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait, par des motifs erronés, écarté le moyen tiré d'une part, de l'illégalité du retrait d'une décision créatrice de droit, d'autre part, du caractère non opposable des circulaires invoquées par l'administration n'est susceptible d'affecter que le bien-fondé du jugement attaqué et est, par suite, sans incidence sur sa régularité ;

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, que la décision implicite du Premier ministre rejetant le recours administratif préalable obligatoire formé par le GFA s'est substituée à la décision initiale de la Commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée ; que dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision de la Commission ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision du Premier ministre, dans la mesure où il s'agit d'un vice propre à la décision initiale qui a nécessairement disparu avec elle ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ; que si, en appel, le GFA fait état d'une lettre Tissot datée du 9 septembre 2004, par laquelle il aurait sollicité du Premier ministre, sur le fondement des dispositions législatives précitées, la communication des motifs de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par cette autorité sur son recours réceptionné le 15 juillet 2004, il n'établit pas que cette correspondance aurait été effectivement notifiée au Premier ministre dans le délai de recours contentieux ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier d'appel que, par un courrier de décembre 2009, réceptionné en janvier 2010, le GFA a demandé au Premier ministre les motifs de la décision implicite de rejet de sa demande, et que ce dernier n'a pas répondu ; qu'il n'est pas contesté qu'aucun accusé de réception de sa demande n'a été délivré au GFA ; que, toutefois, la formation d'un recours juridictionnel tendant à l'annulation d'une décision administrative établit que l'auteur de ce recours a eu connaissance de cette décision au plus tard à la date à laquelle il a formé ce recours ; que dans ce cas, le délai de recours contentieux court à compter de la date de la saisine du tribunal administratif ; qu'en l'espèce, le GFA a introduit un recours, enregistré au greffe du Tribunal administratif de Montpellier le 21 octobre 2004, tendant à l'annulation de la décision implicite en litige ; que dans ces conditions, la demande de communication des motifs de cette décision implicite, effectuée en décembre 2009, soit plus de deux mois après la date de saisine du tribunal, a été présentée après l'expiration des délais de recours contentieux ; que par suite, l'absence de réponse du Premier ministre à une telle demande est sans incidence sur la légalité de sa décision implicite de rejet ; que dès lors le GFA ne peut valablement soutenir que la décision attaquée serait entachée d'un défaut de motivation ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en application de l'article 4 du décret du 4 juin 1999, La commission peut entendre le demandeur qui dispose alors de la faculté de se faire assister ou représenter par un avocat, par une personne exerçant une activité professionnelle réglementée ou par un mandataire choisi sur une liste arrêtée par le ministre chargé des rapatriés... ; qu'il résulte clairement de ces dispositions que le GFA pouvait se faire assister ou représenter par l'avocat de son choix et n'était nullement tenu de prendre un mandataire choisi sur la liste arrêtée par le ministre chargé des rapatriés ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe général des droits de la défense doit être écarté ; que par voie de conséquence, le moyen tiré de ce que la décision du Premier ministre serait illégale en raison des vices de procédure entachant la procédure suivie devant la commission ne peut être qu'écarté ;

Considérant, en dernier lieu, que la commission concernée, qui doit statuer administrativement sur les demandes de désendettement qui lui sont soumises, ne dispose d'aucune compétence juridictionnelle et n'entre donc pas dans le champ des stipulations de l'article 6-1 de la convention susmentionnée ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

Considérant qu'à l'appui de son recours contre la décision implicite en cause, le GFA excipe de l'illégalité du décret du 4 juin 1999 en ce qu'il méconnaîtrait les stipulations de l'article 6-1 de la convention déjà mentionnée dès lors que les rapatriés ne disposent que d'une voix sur quatre au sein de la Commission nationale de désendettement des rapatriés chargée d'examiner les demandes d'aides et en ce que ce décret lui fait obligation de choisir un mandataire arrêté sur une liste établie par l'administration ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la commission dont s'agit ne disposant d'aucune compétence juridictionnelle, les stipulations invoquées ne peuvent s'appliquer au décret régissant le mode de fonctionnement de cette commission ; que dès lors l'exception d'illégalité ainsi soulevée n'est, en tout état de cause, pas fondée ;

Considérant qu'aux termes du 4ème alinéa de l'article 4 du décret susvisé du 4 juin 1999 modifié : La commission peut entendre le demandeur qui dispose alors de la faculté de se faire assister ou représenter par un avocat, par une personne exerçant une activité professionnelle réglementée ou par un mandataire choisi sur une liste arrêtée par le ministre chargé des rapatriés ; qu'il résulte clairement de ces dispositions que le GFA pouvait se faire assister ou représenter notamment par l'avocat de son choix et n'était nullement tenu de prendre un mandataire choisi sur la liste arrêtée par le ministre chargé des rapatriés ; qu'en conséquence, le GFA ne peut en tout état de cause valablement prétendre que l'article 4 en cause méconnaîtrait les droits de la défense ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 4 juin 1999 susvisé : Il est institué un dispositif de désendettement au bénéfice des personnes mentionnées à l'article 2 qui, exerçant une profession non salariée ou ayant cessé leur activité professionnelle ou cédé leur entreprise, rencontrent de graves difficultés économiques et financières, les rendant incapables de faire face à leur passif ; qu'aux termes de l'article 2 dudit décret : Bénéficient des dispositions du présent décret les personnes appartenant à l'une des deux catégories suivantes : 1° Personnes mentionnées au I de l'article 44 de la loi de finances rectificative pour 1986 (...) ; qu'aux termes de l'article 44-I de la loi de finances rectificative pour 1986 du 30 décembre 1986 : Les sommes restant dues au titre des prêts accordés aux rapatriés avant le 31 mai 1981 par des établissements de crédits ayant passé convention avec l'Etat sont remises en capital, intérêts et frais. Peuvent bénéficier de cette mesure : les Français rapatriés tels qu'ils sont définis à l'article 1er de la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des Français d'Outre-Mer, installés dans une profession non salariée ; les Français rapatriés susmentionnés qui ont cessé ou cédé leur exploitation ; les héritiers légataires universels ou à titre universel de ces mêmes rapatriés ; les enfants de rapatriés, mineurs au moment du rapatriement, qui ont repris une exploitation pour laquelle leurs parents avaient obtenu l'un des prêts mentionnés ci-dessous ; les sociétés industrielles et commerciales dont le capital est détenu par les rapatriés définis à l'article 1er de la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 précitée, à concurrence de 51 %, si la société a été créée avant le 15 juillet 1970, ou de 90 %, si la société a été constituée après cette date; que les groupements fonciers agricoles sont des sociétés de personnes ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 26 décembre 1961 : Les Français, ayant dû ou estimé devoir quitter, par suite d'événements politiques, un territoire où ils étaient établis et qui était antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France, pourront bénéficier de la solidarité nationale affirmée par le préambule de la Constitution de 1946, dans les conditions fixées par la présente loi (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le capital de la société requérante est détenu à hauteur de 33,33 % par M. Jean-Louis Tissot, 33,33 % par M. Emile Tissot et 33,33 % par M. Denis Tissot ; que le GFA qui ne conteste pas sérieusement que MM. Jean-Louis, Emile et Denis Tissot sont entrés en France en 1981 et 1980, soit près de 25 années après l'indépendance du Maroc, n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'éléments de nature à établir que ceux-ci auraient dû quitter le Maroc par suite d'évènements politiques en relation avec l'ancienne administration du Maroc par la France ;

Considérant que le décret du 4 juin 1999 institue au bénéfice de certaines catégories de rapatriés un dispositif de désendettement entièrement distinct des régimes similaires, résultant notamment des lois des 30 décembre 1986 et 16 juillet 1987 ; que, par suite, la circonstance selon laquelle M. Emile Tissot aurait bénéficié des dispositifs d'aides aux rapatriés en application des dispositions des lois des 30 décembre 1986 et 16 juillet 1987 n'est pas de nature à avoir créé un droit acquis au bénéfice du régime institué par le décret du 4 juin 1999 en cause ; qu'il suit de là également que la décision contestée ne peut être regardée comme ayant retiré un acte créateur de droit ;

Considérant que le GFA CHATEAU DU MINISTRE n'établit ainsi pas, au vu des pièces versées au dossier, que son capital est détenu à concurrence de 90 % par des rapatriés lui permettant ainsi de bénéficier du dispositif de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée prévu par le décret du 4 juin 1999 ; que, par suite, le Premier ministre a pu, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation considérer que la condition relative à la détention du capital par des rapatriés n'était pas satisfaite et refuser pour ce motif de réformer la décision du 12 mai 2004 de la commission ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le GFA CHATEAU DU MINISTRE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions susvisées doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le GFA CHATEAU DU MINISTRE demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er: La requête du GFA CHATEAU DU MINISTRE est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au GFA CHATEAU DU MINISTRE et au Premier ministre.

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N° 08MA016062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA01606
Date de la décision : 08/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Melle Muriel JOSSET
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL LYSIAS PARTNERS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-11-08;08ma01606 ?
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