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04/11/2010 | FRANCE | N°08MA00216

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 04 novembre 2010, 08MA00216


Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2008, présentée pour la SARL 3 C AUTOMOBILES, dont le siège social est sis 39 avenue Pasteur à Le Pontet (84130) représentée par Me Ripert mandataire-liquidateur, par Me Luherne ;

La SARL 3 C AUTOMOBILES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0403376-5 en date du 12 novembre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et de la contribution à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujetti au titr

e des exercices clos au titre des années, 1999 et 2000 et des pénalités y afférente...

Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2008, présentée pour la SARL 3 C AUTOMOBILES, dont le siège social est sis 39 avenue Pasteur à Le Pontet (84130) représentée par Me Ripert mandataire-liquidateur, par Me Luherne ;

La SARL 3 C AUTOMOBILES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0403376-5 en date du 12 novembre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et de la contribution à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujetti au titre des exercices clos au titre des années, 1999 et 2000 et des pénalités y afférentes ;

2°) de la décharger desdites impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 100 euros au titre des frais non compris dans les dépens en première instance et la somme de 5 000 euros pour les frais exposés en appel ;

..................................

Vu le jugement attaqué ;

.................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 septembre 2010,

- le rapport de M. Maury, premier conseiller;

- et les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;

Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, la SARL 3 C AUTOMOBILES, qui a pour activité principale l'achat et la revente de véhicules d'occasion, a fait l'objet de redressements en matière d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt au titre des exercices clos en 1999 et 2000, par suite de la réintégration dans son résultat imposable de sommes d'un montant respectif de 554 262 francs et de 1 505 029 francs, correspondant selon l'administration à une marge indûment réalisée par la société International Car Ltd, qui achetait des véhicules neufs qu'elle revendait à la requérante, ainsi que de la réintégration de charges correspondant à deux factures émises par la société Saint Gilles Import au titre de l'exercice clos en 2000, pour des montants respectifs de 3 820 francs HT et 12 280 francs HT, et d'une charge correspondant à une facture émise par le cabinet De Favre au titre de l'exercice clos en 1999 pour un montant de 12 000 francs ; qu'elle demande à la Cour d'annuler le jugement du 12 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et de la contribution additionnelle à cet impôt, ainsi que des majorations y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1999 et 2000 ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue ... équitablement ... par un tribunal qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) 2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. 3. Tout accusé a droit notamment à : a) être informé, dans le plus court délai, (...) de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; b) de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense (...) ;

Considérant que la SARL 3 C AUTOMOBILES conteste des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et de la contribution à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie ; qu'un tel litige n'est relatif ni à une contestation de caractère civil ni à une accusation en matière pénale au sens des stipulations précitées de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que dès lors, le moyen soulevé par la SARL 3 C AUTOMOBILES, tiré de ce que la procédure d'imposition aurait méconnu ces stipulations, est inopérant et doit être, pour ce motif, écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que la SARL 3 C AUTOMOBILES soutient, comme en première instance, que l'administration a mis en oeuvre, implicitement mais nécessairement, la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, sans respecter les garanties qui y sont attachées ; que pour écarter ce moyen, les premiers juges ont relevé que, si l'administration est tenue de mettre en oeuvre la procédure de l'abus de droit dans le cas où elle souhaite rendre inopposables des actes juridiques qu'elle regarde comme fictifs, elle peut également, sans recourir à cette procédure, réintégrer les dépenses lorsque la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs ainsi retenus par les premiers juges, d'écarter le moyen articulé par la SARL 3 C AUTOMOBILES qui ne comporte aucun élément de fait ou droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le Tribunal administratif de Marseille ;

Considérant, en troisième lieu, que la SARL 3 C AUTOMOBILES fait valoir que la notification de redressement en date du 23 novembre 2001 est insuffisamment motivée au motif qu' elle n'indiquerait pas la manière dont ont été déterminés les redressements et en particulier les frais de transport dont aurait été minorée la marge brute ; qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : L'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que la notification de redressements doit indiquer la nature et les motifs des redressements envisagés pour permettre au contribuable d'engager une discussion contradictoire et de présenter ses observations ; que, dans le cas de l'espèce, la notification en date du 23 novembre 2001 précise que les redressements procèdent de la réintégration, dans sa totalité, de la marge réalisée par la société CJB International Car Ltd, et renvoie, pour le calcul de cette marge, à une annexe détaillant l'ensemble des transactions concernées et les marges correspondantes ; qu'elle permettait ainsi au contribuable de formuler ses observations ; que, par suite, ce moyen ne peut être qu'écarté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ; que l'administration peut, sans remettre en cause le caractère probant de la comptabilité d'une entreprise, procéder à des rectifications du résultat déclaré en remettant en cause le caractère déductible de dépenses qui n'auraient pas été exposées dans l'intérêt de la société ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

Considérant qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;

Considérant, d'une part, que l'administration a réintégré dans les résultats imposables de la SARL 3 C AUTOMOBILES, la fraction des achats effectués auprès de la société britannique CJB International Car Ltd correspondant à la marge de cette dernière ; que toutefois, la requérante, en produisant les factures émises par la société CJB International Car Ltd, établit, la correction de l'inscription de ces charges en comptabilité ; que, pour regarder les prestations facturées comme ne correspondant à aucune prestation effectivement réalisée, l'administration fait valoir que ladite société, qui ne disposait d'aucun moyen matériel ou humain, se contentait d'acheter les voitures pour le compte de la requérante et les faisait livrer directement au siège social de cette dernière, et, d'autre part, que la requérante aurait pu acquérir au même prix les voitures en question auprès du vendeur belge ; que la circonstance qui n'est pas établie qu'elle aurait pratiqué des prix similaires avec d'autres sociétés ne saurait constituer une telle preuve ; que, par suite, ce moyen ne peut être qu'écarté ;

Considérant, d'autre part, que le service a remis en cause le caractère déductible de charges correspondant à deux factures émises par la société Saint Gilles Import au titre de l'exercice clos en 2000, pour des montants respectifs de 3 820 francs HT et 12 280 francs HT, dès lors que ces factures correspondent à des commissions rémunérant les prestations fournies par cette entreprise ; que toutefois, les factures présentées ne comportaient aucun numéro SIRET et la société Saint Gilles Import n'avait pas d'existence juridique ; que, dans ces conditions, l'administration a pu à bon droit refuser la prise en compte des sommes litigieuses dans les charges de la société ;

Considérant, enfin, que la SARL 3 C AUTOMOBILES soutient que c'est à tort que le service a remis en cause le caractère déductible d'une charge correspondant à une facture émise par le cabinet De Favre au titre de l'exercice clos en 1999 pour un montant de 12 000 francs, au motif que cette facture correspondait à une étude de marché qui devait lui permettre de diversifier ses sources d'approvisionnement ; que toutefois, cette dépense portait sur la création de la société CJB International Car Ltd, dont il n'est pas démontré qu'elle pouvait bénéficier à la requérante ; que, par suite, ce moyen doit également être écarté ;

Sur l'application des pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionné à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 p. 100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvre frauduleuse ou d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales (...) ; qu'aux termes de l'article L.195 A du livre des procédures fiscales : En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ;

Considérant, d'une part, que c'est à bon droit que l'administration a infligé à la requérante des pénalités pour manoeuvre frauduleuses dès lors qu'elle démontre que la société CJB International Car Ltd avait été créée dans le but de localiser hors de France une partie de la marge bénéficiaire réalisée par la requérante ; que, d'autre part, c'est également à bon droit que l'administration a infligé à la requérante des pénalités pour mauvaise foi s'agissant des autres charges dès lors qu'elle ne pouvait ignorer, d'une part, le fait que la consultation du cabinet De Favre n'était pas effectuée dans son intérêt puisqu'elle concernait la création de la société CJB International Car Ltd, et, d'autre part, le fait que l'entreprise Saint Gilles n'avait pas d'existence juridique ; que, par suite, ces moyens ne peuvent être qu'écartés ;

Considérant que selon les dispositions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) 2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ;

Considérant que les principes que fixe ledit article 6 sont applicables à la contestation, devant les juridictions compétentes, des majorations d'impositions prévues à l'article 1729-1 du code général des impôts en cas de manoeuvres frauduleuses qui, dès lors qu'elles présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent et n'ont pas pour objet la seule réparation pécuniaire d'un préjudice, constituent même si le législateur a laissé le soin de les établir et de les prononcer à l'autorité administrative, des accusations en matière pénale au sens des dispositions de l'article 6 précité ;

Considérant, toutefois, que les dispositions dudit article 6 ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur les accusations en matière pénale ; que le paragraphe 2, qui énonce en matière pénale le principe de présomption d'innocence, concerne les règles d'instruction et de preuve applicables devant les juridictions, se bornant ainsi à préciser les modalités de contestation, devant ces dernières, des accusations en matière pénale, sans qu'une telle circonstance fasse obstacle à ce que les pénalités pour manoeuvres frauduleuses, qui doivent être assimilées à des sanctions pénales au sens des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 6, soient prononcées par une autorité administrative ; qu'ainsi la SARL 3 C AUTOMOBILES n'est pas fondée à soutenir que lesdites pénalités auraient été établies en violation des dispositions susmentionnées de la convention européenne ;

Considérant, enfin, que la société invoque au soutien de ses prétentions les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme le caractère irrégulier des pénalités qui lui ont été appliquées en raison de bénéfices qu'elle n'a pas réalisés ; qu'en conséquence de ce qui a été dit précédemment sur le bien fondé des impositions, le moyen sera écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL 3 C AUTOMOBILES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête ;

Sur l'application des dispositions de l'article L 761-1 du CJA :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la requérante la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La requête de la SARL 3 C AUTOMOBILES est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL 3 C AUTOMOBILES et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

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N° 08MA00216


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA00216
Date de la décision : 04/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. André MAURY
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : LUHERNE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-11-04;08ma00216 ?
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