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18/10/2010 | FRANCE | N°08MA02715

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 18 octobre 2010, 08MA02715


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA02715, le 30 mai 2008, présentée pour la COMMUNE D'EGUILLES, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par une délibération du conseil municipal en date du 1er avril 2008, par la SCP d'avocats Lesage-Berguet-Gouard-Robert ;

La COMMUNE D'EGUILLES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602704 du 25 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés interministériels des 2

2 novembre et 20 décembre 2005 du ministre de l'intérieur et de l'aménagement d...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA02715, le 30 mai 2008, présentée pour la COMMUNE D'EGUILLES, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par une délibération du conseil municipal en date du 1er avril 2008, par la SCP d'avocats Lesage-Berguet-Gouard-Robert ;

La COMMUNE D'EGUILLES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602704 du 25 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés interministériels des 22 novembre et 20 décembre 2005 du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat relatifs à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour les dommages causés par les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols de juillet à septembre 2003 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdits arrêtés ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur dans l'appréciation des faits de l'espèce en retenant une méthode privilégiant une approche purement climatologique sans prendre en compte les six facteurs retenus par le Bureau de Recherche Géologique et Minière (BRGM) concourant aux mouvements différentiels du sol, alors que la COMMUNE D'EGUILLES dispose d'un sol argileux et donc sensible aux variations en teneur en eau ; que, d'une part, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, le ministre, qui a limité son appréciation au seul phénomène météorologique sans tenir compte de la cause naturelle additionnelle tenant au caractère exceptionnel de la canicule de l'été 2003, a commis une erreur de droit dans l'application des dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances qui précisent que doit être pris en compte l'intensité anormale d'un agent naturel ; qu'il ressort des mentions mêmes de l'étude de Météo France, produite par le ministre, qu'elle constitue une simple étude météorologique sans prise en compte de la nature des sols ; que, d'autre part, il résulte de l'étude produite par le ministre que la sécheresse de l'été 2003 présentait un caractère exceptionnel ; qu'ainsi, en considérant que l'intensité anormale d'un agent naturel n'était pas établie, le ministre et le tribunal administratif ont commis une erreur d'appréciation des faits de l'espèce ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense transmis par télécopie, enregistré le 29 juillet 2010, présenté au nom de l'Etat, par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient, en premier lieu, à titre principal, que la requête est irrecevable ; qu'en effet, d'une part, le maire n'a pas produit la délibération du conseil municipal l'autorisant à faire appel du jugement attaqué ; que, d'autre part, dès lors qu'aucune décision sur l'application de la législation relative aux catastrophes naturelles à la COMMUNE D'EGUILLES n'a été prise par l'arrêté ministériel du 22 novembre 2005, la requête en tant qu'elle est dirigée contre cet arrêté est irrecevable ;

Il soutient, en second lieu, à titre subsidiaire, sur le fond, qu'il ne saurait être reproché tant aux pouvoirs publics qu'au tribunal administratif d'avoir retenu une approche purement climatologique dès lors que l'administration s'est fondée également sur la nature argileuse des sols de la commune demanderesse ; que les critères retenus pour apprécier l'intensité anormale de l'agent naturel sont mesurés en tenant compte de la spécificité des sols argileux ; qu'ainsi c'est vainement que l'appelante invoque l'absence de prise en compte de facteurs qui figureraient dans un rapport du BRGM, qu'au demeurant elle ne produit pas ; que si la sécheresse de l'été 2003 présentait une spécificité certaine par rapport aux sécheresses des années antérieures, eu égard à son caractère rapide et concentré sur la période estivale, les ministres concernés ont précisément tenu compte de cette spécificité en adoptant des critères, dits du réservoir hydrique et de la durée de retour, qui étaient plus adaptés que celui du bilan hydrique utilisé pour les sécheresses plus longues des années précédentes ; que les rapports de Météo France n'évoquent l'aspect exceptionnel de cette sécheresse que pour caractériser sa spécificité par rapport aux sécheresses des années antérieures et ne concluent pas à une intensité anormale ou exceptionnelle généralisée de cette sécheresse, et notamment pas pour la station de référence de Marignane à laquelle se trouve rattachée la COMMUNE D'EGUILLES ;

Vu l'exemplaire original du mémoire susvisé, enregistré le 2 août 2010 ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 16 août 2010, présenté pour la COMMUNE D'EGUILLES qui conclut aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ;

Elle fait valoir, en outre, qu'elle produit la délibération du conseil municipal habilitant régulièrement le maire de la commune à faire appel en son nom ; que, compte tenu de la connexité existant entre les deux arrêtés ministériels en date des 22 novembre et 22 décembre 2005, elle est fondée à solliciter l'annulation ensemble de ces deux décisions ; que les arrêtés contestés refusent de prendre en compte la sensibilité particulière des sols existant sur son territoire, spécificité que relève l'étude menée par la BRGM, jointe à son mémoire ; que près de 60 habitations ont connu des fissures allant jusqu'à 7 cm et qu'un tel phénomène présente une intensité anormale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les ordonnances en date des 19 juillet et 17 août 2010 du magistrat rapporteur ordonnant la clôture puis la réouverture de l'instruction ;

Vu le code des assurances, notamment son article L. 125-1 ;

Vu la loi n° 82-600 du 12 juillet 1982 ;

Vu la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2010 :

- le rapport de Mme Buccafurri, président assesseur,

- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant qu'à la suite de la sécheresse ayant caractérisé la période estivale de l'année 2003, la COMMUNE D'EGUILLES, s'estimant en état de catastrophe naturelle, a présenté au préfet de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, préfet des Bouches-du-Rhône, le 5 janvier 2004, une demande tendant à la reconnaissance de cet état ; que, par un arrêté interministériel du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat en date du 22 novembre 2005, l'état de catastrophe naturelle a été constaté pour certaines communes du territoire national au nombre desquelles ne figurait pas la COMMUNE D'EGUILLES ; que, par un arrêté interministériel du 20 décembre 2005, émanant des mêmes départements ministériels, les demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle au titre des mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols de juillet à septembre 2003 présentées par certaines communes du territoire, dont celle déposée par la COMMUNE D'EGUILLES, ont été rejetées ; que la COMMUNE D'EGUILLES relève appel du jugement en date du 25 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés interministériels des 22 novembre et 20 décembre 2005 précités en tant qu'ils rejettent sa demande ;

Sur la légalité des arrêtés interministériels attaqués :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées à la requête d'appel et à la demande de première instance par le ministre de l'intérieur ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 125-1 du code des assurances, dans sa rédaction, applicable au présent litige, issue de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile : (....) Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. / L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'Etat dans le département, assortie d'une motivation. L'arrêté doit être publié au Journal officiel dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture. De manière exceptionnelle, si la durée des enquêtes diligentées par le représentant de l'Etat dans le département est supérieure à deux mois, l'arrêté est publié au plus tard deux mois après la réception du dossier par le ministre chargé de la sécurité civile. (...) ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 125-1 du code des assurances que l'état de catastrophe naturelle n'est constaté par arrêté interministériel que dans le cas où les dommages qui résultent de cette catastrophe ont eu pour cause déterminante l'intensité anormale de l'agent naturel en cause ; qu'en se fondant sur les critères dits du réservoir hydrique et de l'occurrence statistique, retenus par la commission interministérielle relative à l'indemnisation des victimes de catastrophe naturelle, et qui ont été établis en tenant compte des particularités présentées par la sécheresse intervenue au cours de l'été 2003 par rapport aux années précédentes, ainsi que des précipitations et des phénomènes d'évaporation et d'évapotranspiration, et en définissant des seuils de sécheresse, en deçà desquels une commune ne peut être regardée comme ayant connu une sécheresse d'une intensité anormale, l'administration n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la lettre du 4 janvier 2006 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a notifié à la COMMUNE D'EGUILLES l'arrêté interministériel précité du 20 décembre 2005 que, contrairement à ce que soutient l'appelante, les ministres n'ont pas ignoré la nature argileuse des sols de la commune mais ont estimé qu'une étude des sols plus approfondie n'était pas nécessaire dès lors que les critères des réserves et réservoirs hydriques et de l'occurrence statistique n'étaient pas, en l'espèce, remplis ; qu'en fondant leur appréciation de l'intensité de la sécheresse dans la COMMUNE D'EGUILLES sur l'étude de Météo France et sur les données météorologiques locales, notamment sur les moyennes des réserves et réservoirs hydriques au cours des dernières années, les ministres ont retenu des critères appropriés pour leur permettre de constater le caractère anormal de l'intensité du phénomène, sans qu'il ait été nécessaire d'ordonner des études géotechniques supplémentaires ; que la circonstance, invoquée par la commune appelante, que les ministres concernés n'auraient pas pris en compte les six facteurs retenus par le Bureau de Recherche Géologique et Minière (BRGM) concourant aux mouvements différentiels des sols, alors que l'étude menée par le BRGM ne porte que sur le phénomène du retrait-gonflement des sols argileux, phénomène déjà pris en compte par les pouvoirs publics, n'est pas de nature à démontrer que les critères appliqués par l'administration n'étaient pas appropriés pour apprécier l'intensité anormale du phénomène ; qu'il suit de là que la COMMUNE D'EGUILLES n'est pas fondée à soutenir que les autorités ministérielles auraient commis une erreur de droit dans l'application des dispositions précitées du code des assurances ;

Considérant, enfin, que l'administration a considéré que l'intensité anormale du phénomène n'était avérée que lorsque la moyenne de la réserve hydrique du troisième trimestre de l'année 2003 était inférieure à 21 % de la réserve hydrique normale et que le nombre de décades, au cours desquelles le réservoir hydrique était vide, avait été l'un des trois plus élevés de la période 1989-2003 ou lorsque l'occurrence statistique du phénomène était égale ou supérieure à 25 ans ; que, si l'étude produite en première instance par le ministre de l'intérieur fait état du caractère exceptionnel de la sécheresse de l'été 2003, la COMMUNE D'EGUILLES ne conteste pas que la station météorologique de Marignane à laquelle elle a été rattachée présentait une réserve hydrique de 146,83 %, que l'année 2003 avait été classée comme la deuxième année la plus sèche sur les quinze dernières années et que la durée de retour sur cette station de référence était de 1,44 an ; que, par ailleurs, la COMMUNE D'EGUILLES n'établit pas que les désordres constatés sur son territoire auraient eu pour origine, nonobstant leur importance, l'intensité anormale du phénomène climatique constitué par la sécheresse de l'été 2003, et non une inadaptation des normes de construction des bâtiments à la nature argileuse de leur terrain d'assiette ; qu'ainsi, en estimant au vu des chiffres non contestés établis, pour la station de référence de Marignane, en fonction des critères ci-dessus rappelés, que l'intensité anormale d'un agent naturel dans la survenance des mouvements de terrains différentiels n'était pas établie pour la COMMUNE D'EGUILLES, les ministres concernés n'ont pas commis une erreur d'appréciation des faits de l'espèce ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE D'EGUILLES n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaquée du 25 mars 2008, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés ministériels susvisés des 22 novembre et 20 décembre 2005 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la COMMUNE D'EGUILLES, une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la COMMUNE D'EGUILLES est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE D'EGUILLES et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Copie pour information en sera adressée au préfet de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2010, où siégeaient :

- M. Moussaron, président de chambre,

- Mme Buccafurri, président assesseur,

- Mme Lefebvre-Soppelsa, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2010.

Le rapporteur,

I. BUCAFFURRILe président,

R. MOUSSARON

Le greffier,

V. DUPOUY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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N° 08MA027152


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA02715
Date de la décision : 18/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Isabelle BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP LESAGE - BERGUET - GOUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-10-18;08ma02715 ?
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