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18/10/2010 | FRANCE | N°08MA02250

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 18 octobre 2010, 08MA02250


Vu la requête transmise par télécopie, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA02250, le 28 avril 2008 présentée pour M. Omar A, demeurant ..., par Me Donati, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701460 du 20 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 26 novembre 2007 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territ

oire français ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'...

Vu la requête transmise par télécopie, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA02250, le 28 avril 2008 présentée pour M. Omar A, demeurant ..., par Me Donati, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701460 du 20 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 26 novembre 2007 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de lui délivrer sans délai un titre de séjour, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de vingt jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 500 euros en application des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, son conseil renonçant à la part contributive de l'Etat versée au titre de l'aide juridictionnelle ;

Il soutient, en premier lieu, que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, le préfet, qui n'a pas fait référence dans l'arrêté attaqué à sa situation personnelle, n'a pas procédé à un examen circonstancié de sa situation ; que la motivation du jugement attaqué est irrégulière dès lors que, pour écarter le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal administratif s'est borné à relever qu'il ne fournissait aucun élément susceptible de faire regarder la décision attaquée comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale alors qu'il avait transmis un dossier volumineux sur sa vie privée ; que le Tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré du détournement de procédure ;

Il soutient, en deuxième lieu sur le fond, que, pour prendre l'arrêté contesté, le préfet n'a pas procédé à un examen circonstancié de sa situation personnelle et a insuffisamment motivé, en fait, ledit arrêté en tant qu'il emporte refus de titre de séjour et en tant qu'il emporte obligation de quitter le territoire français ; que la décision contestée a été prise à la suite d'une procédure irrégulière au mépris des droits de la défense et en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 dès lors que le préfet a pris la décision en litige sans tenir compte de sa correspondance du 19 juillet 2007 par laquelle il avait informé cette autorité que sa demande serait déposée ultérieurement une fois son dossier complet ; que l'arrêté attaqué est entaché d'un détournement de procédure dès lors qu'il a été pris dans le seul but de l'éloigner du territoire national sans que le préfet ne s'interroge sérieusement sur son droit au séjour ; que le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit en se fondant uniquement sur les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que sa situation est principalement régie par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que l'arrêté en litige a été pris en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il réside en France depuis le 10 mai 2000, qu'il vit en concubinage avec une ressortissante française depuis quatre ans, que deux de ses frères, l'un titulaire d'un certificat de résidence et l'autre de nationalité française, vivent en France, qu'il est orphelin de père et de mère et qu'il n'a plus de relations avec ses deux soeurs résidant dans son pays d'origine et qu'enfin il est titulaire d'un diplôme de plomberie ; que, pour les mêmes motifs, l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien ;

Vu l'exemplaire original de la requête susvisée, enregistré le 30 avril 2008 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 août 2008, présenté, au nom de l'Etat, par le préfet de la Haute-Corse qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que l'arrêté attaqué, qui comprend les considérations de fait et de droit qui le fondent, et notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte une motivation conforme aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 ; que si le requérant se prévaut de ses liens familiaux en France, il n'a été informé que le 20 juillet 2007 de ce que l'intéressé vivait en union libre avec une ressortissante française ; que l'ancienneté de cette union n'est pas établie par les pièces du dossier ; que, de plus, un courrier adressé à la préfecture le 8 décembre 2007 par Mme Pouyaud Simoni a indiqué que le requérant résidait chez cette personne jusqu'au mois de décembre 2007, soit plus de six mois après le début de sa relation avec sa compagne actuelle ; que l'intéressé, célibataire et sans enfant en France, est entré sur le territoire national à l'âge de 32 ans et si ses deux frères, dont l'un de nationalité française, résident en France, l'intéressé compte cinq autres frères et soeurs dont on ne connaît pas le lieu de résidence et deux soeurs résidant dans son pays d'origine ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, il a examiné sa demande au regard des stipulations de l'accord franco-algérien auxquelles l'intéressé ne satisfait à aucun titre, et notamment ni aux stipulations de l'article 5 de cet accord, qui concernent les ressortissants algériens souhaitant s'établir sur le sol français, ni celles de l'article 6 alinéa 5 ; que le détournement de procédure n'est pas établi ;

Vu la décision en date du 2 décembre 2009 du Bureau d'aide juridictionnelle (section administrative) près le Tribunal de Grande Instance de Marseille accordant l'aide juridictionnelle totale à M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2010 :

- le rapport de Mme Buccafurri, président assesseur,

- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant que M. A, de nationalité algérienne, relève appel du jugement n° 0701460 du 20 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 26 novembre 2007 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 26 novembre 2007 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Le présent code régit l'entrée et le séjour des étrangers en France métropolitaine, dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il régit l'exercice du droit d'asile sur l'ensemble du territoire de la République. Ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales.(...) ; qu'il suit de là que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, lesquels relèvent à cet égard des stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'examen de l'arrêté contesté du 26 novembre 2007, que si le préfet de la Haute-Corse a visé l'accord franco-algérien, cette autorité a rejeté l'admission au séjour de M. A au motif que l'intéressé ne pouvait prétendre entrer dans un des cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, il ressort des pièces du dossier que, comme le soutient l'appelant, le préfet de la Haute-Corse s'est exclusivement fondé pour refuser l'admission au séjour de M. A sur les seules dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas examiné le droit au séjour du requérant au regard de l'accord franco-algérien, seul applicable à sa situation ; qu'il suit de là, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués par M. A, que ce dernier est fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Corse a, de ce fait, entaché le refus de séjour contesté d'une erreur de droit ; que l'illégalité du refus de séjour entache, par voie de conséquence, d'illégalité l'obligation de quitter le territoire français dont il est assorti ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 20 mars 2008, le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral précité du 26 novembre 2007 ; qu'il est, dès lors, fondé à demander l'annulation tant du jugement dont s'agit que dudit arrêté portant refus de délivrance de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant que si, eu égard au motif d'annulation de la décision attaquée retenu par le présent arrêt, ce dernier implique que le préfet de la Haute-Corse procède à un nouvel examen de la situation de M. BEKKAOU, il n'implique pas, en revanche, nécessairement que soit délivré un titre de séjour à M. A ; que, par suite, les conclusions présentées par M. A, tendant uniquement à la délivrance d'un titre de séjour, doivent être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, par une décision en date du 2 décembre 2009 du bureau d'aide juridictionnelle, M. A a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat, Me Donati, peut se prévaloir des dispositions des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement desdites dispositions, le versement de la somme de 1 500 euros à Me Donati, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat due au titre de la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

D E C I D E :

Article 1er : le jugement n° 0701460 du 20 mars 2008 du Tribunal administratif de Bastia est annulé.

Article 2 : L'arrêté en date du 26 novembre 2007 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé à M. A la délivrance d'un titre de séjour et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à Me Donati, sur le fondement des dispositions des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sous réserve que Me Donati renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Omar A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2010, où siégeaient :

- M. Moussaron, président de chambre,

- Mme Buccafurri, président assesseur,

- Mme Lefebvre-Soppelsa, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2010.

Le rapporteur,

I. BUCAFFURRILe président,

R. MOUSSARON

Le greffier,

V. DUPOUY

La République mande et ordonne au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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N° 08MA022502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA02250
Date de la décision : 18/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Isabelle BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : DONATI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-10-18;08ma02250 ?
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