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30/09/2010 | FRANCE | N°07MA00672

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 30 septembre 2010, 07MA00672


Vu la requête enregistrée le 27 février 2007, présentée pour M. Georges A élisant domicile ..., par Me Bringer ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0303679 en date du 21 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 24 146 euros en réparation des conséquences dommageables des inondations périodiques qu'il subit du fait de la présence d'un ouvrage public appartenant à l'Etat ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de

mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code d...

Vu la requête enregistrée le 27 février 2007, présentée pour M. Georges A élisant domicile ..., par Me Bringer ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0303679 en date du 21 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 24 146 euros en réparation des conséquences dommageables des inondations périodiques qu'il subit du fait de la présence d'un ouvrage public appartenant à l'Etat ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens de référé, de première instance ainsi que les frais d'expertise ;

.........................................................................................................

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2010 :

- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ,

- et les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;

Considérant que M. A est propriétaire depuis 1987 d'une parcelle de 84,25 ares sur laquelle il exploitait des vignes ; qu'ayant constaté, à la suite de la construction par les services de l'Etat d'un remblai jouxtant l'autoroute A 75 à proximité de la déviation de Pézenas, une érosion marquée de son terrain ainsi que l'irruption de débris divers lors de chaque forte précipitation entraînant une crue de l'Hérault et du ruisseau d'Aires situés à proximité de sa parcelle, il a formé devant le Tribunal administratif de Montpellier une requête tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la présence de cet ouvrage public ; que M. A demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 21 décembre 2006 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;

Sur le principe de la responsabilité de l'Etat :

Considérant que la mise en jeu de la responsabilité sans faute d'une collectivité publique pour dommages de travaux publics à l'égard d'un justiciable qui est tiers par rapport à un ouvrage public ou une opération de travaux publics est subordonnée à la démonstration par cet administré de l'existence d'un dommage anormal et spécial directement en lien avec cet ouvrage ou cette opération ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment des conclusions du rapport d'expertise soumis au tribunal que la cause des dégradations subies par la parcelle de M. A réside dans la façon maladroite et par trop simpliste dont a été traité le passage de la voie rapide prolongeant l'A 75 pour la déviation de Pézenas au-dessus du ruisseau d'Aires ; que l'administration n'est pas fondée à soutenir que l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et les dommages subis ne serait pas démontrée au motif que le sinistre résulte du débordement du ruisseau d'Aires dès lors que le même rapport d'expertise souligne que ce ruisseau a été canalisé depuis la création de la voie rapide, que la direction du courant d'évacuation des eaux accumulées sur les terrains n'est désormais plus la même qu'antan et que la construction de l'ouvrage public en cause a entraîné une modification très nette de l'écoulement des eaux du secteur avec un courant qui emprunte maintenant un cheminement gravement préjudiciable à la vigne de M. A ;

Considérant, en second lieu, que l'expert a catégoriquement écarté les explications qui lui ont été transmises par la direction départementale de l'équipement de l'Hérault, selon lesquelles des études hydrauliques réalisées avant la construction de l'ouvrage en cause auraient démontré, qu'avec ou sans déviation, la parcelle du demandeur était surexposée aux risques de crues et d'inondations du fait de sa topographie et de la configuration de ses abords ; qu'il résulte enfin des conclusions du même rapport d'expertise que, contrairement à ce que soutient le défendeur, la parcelle du requérant était bien, antérieurement aux désordres constatés, couverte de vignes et qu'elle est devenue impropre à toute exploitation à la suite de la construction du remblai de l'autoroute A 75 ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'importance des préjudices subis et du fait que la propriété de M. A était particulièrement exposée du fait de sa localisation par rapport à l'ouvrage public aux dommages résultant de la présence de celui-ci, les préjudices subis par le requérant doivent être regardés comme présentant un caractère anormal et spécial ouvrant droit à indemnisation ;

Sur l'évaluation des préjudices subis par M. A :

Considérant que le rapport d'expertise chiffre, en retenant un produit annuel brut de 20 000 francs à l'hectare et une perte de 25 % de ce produit, à la somme de 8 348 euros le préjudice subi par M. A du fait des pertes de récoltes constatées pendant treize années de 1990 à 2002 ; que, si l'administration critique le montant annuel de 20 000 francs retenu par l'expert pour déterminer le produit brut, elle n'oppose aucun élément probant aux calculs de celui-ci ; que la perte de valeur vénale de la parcelle, réduite à l'état de lande, où la culture de la vigne est devenue impossible, sera indemnisée à hauteur de la somme de 9 633 euros telle que déterminée par l'expert par une évaluation qui n'est là encore pas utilement contestée par l'administration ; qu'enfin, l'expert a aussi évalué à 6 165 euros la perte subie par le requérant pendant la période de quatre années nécessaire à la replantation de vignes sur une autre parcelle, la sienne étant devenue impropre à l'exploitation ; que, sur ce point, le ministre n'est pas fondé à soutenir que cette indemnisation ferait double emploi avec celle de la perte de valeur vénale de la parcelle dès lors que la somme de 6 165 euros ne correspond pas aux fonds nécessaires à la replantation de vignes sur une autre parcelle, qui valoriserait celle-ci, mais seulement à la perte d'exploitation, constatée de façon certaine par le requérant pendant les quatre années au cours desquelles il s'est trouvé dans l'impossibilité, compte tenu de la nature de la culture de la vigne, d'exploiter aussi bien la parcelle ayant subi les dommages qu'une nouvelle parcelle nécessitant un délai de préparation avant d'être propre à l'exploitation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 24 146 euros ;

Sur les frais d'expertise exposés en première instance :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 5 836,06 euros qui ont été supportés par le requérant en première instance ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens aussi bien en première instance qu'en appel ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 21 décembre 2006 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A une indemnité de 24 146 euros.

Article 3 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 5 836,06 euros sont mis à la charge de l'Etat.

Article 4 : L'Etat versera à M. A la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Georges A et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

Copie en sera adressée à Me Bringer.

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N° 07MA00672


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07MA00672
Date de la décision : 30/09/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : BRINGER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-09-30;07ma00672 ?
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