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08/09/2010 | FRANCE | N°10MA02689

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des référés, 08 septembre 2010, 10MA02689


Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2010, présentée pour Mme Louise A, élisant domicile ..., par Me Louit ;

Mme A demande au juge des référés de la Cour administrative d'appel de Marseille d'ordonner la suspension du recouvrement des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période 2000 à 2003, ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;

Elle soutient, en premier lieu, que sa requête s'appuie sur des moyens propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaqu

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Elle relève, tout d'abord, concernant la procédure d'imposition que l'administ...

Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2010, présentée pour Mme Louise A, élisant domicile ..., par Me Louit ;

Mme A demande au juge des référés de la Cour administrative d'appel de Marseille d'ordonner la suspension du recouvrement des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période 2000 à 2003, ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;

Elle soutient, en premier lieu, que sa requête s'appuie sur des moyens propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;

Elle relève, tout d'abord, concernant la procédure d'imposition que l'administration n'apportait pas la preuve que M. Gérard Rousseau a été signataire des déclarations fiscales et des mémoires en réplique des 30 et 26 novembre 2008 ; que lors du début de la vérification, l'administration n'a établi aucun procès-verbal de carence la concernant, ce qui confirme que ladite vérification a bien commencé le 9 novembre 2008, hors la présence d'un représentant de l'entreprise ; que, lors d'une seconde réunion, qui s'est déroulée le 19 novembre 2008, il a été établi, sous la dictée de M. Gimenez, vérificateur, par M. Rousseau, la lettre en date du 21 novembre, demandant que la vérification se déroule dans les locaux de l'expert comptable ;

Elle renvoie, ensuite, sur le fond, à son mémoire introductif d'appel enregistré à la Cour le 22 décembre 2008 lequel fait valoir que les écarts de taxe sur la valeur ajoutée sont bien dus à un problème d'incompréhension sur des écritures de régularisation effectuées par le cabinet d'expertise comptable en charge du dossier à l'époque ;

La requérante relève, en second lieu, que l'urgence est établie, dès lors que M. Rousseau est décédé et que la requérante, âgée de 87 ans et invalide à 80%, a besoin d'une assistance médicale permanente financièrement lourde au regard de ses revenus ; que la seule garantie dont dispose l'administration, largement insuffisante au regard des sommes mises en recouvrement, est sa résidence principale ; que, selon une jurisprudence constante, le risque de perte de cette dernière est regardé comme satisfaisant à la condition d'urgence établie par la loi ; que l'administration fiscale a déjà émis à son encontre un commandement de payer ; que les sommes dues au titre de la taxe sur la valeur ajoutée sont excessivement importantes et s'élèvent à 2 541 224 euros ; qu'il s'ensuit que l'exécution du jugement entraînerait pour elle des conséquences suffisamment graves et immédiates ;

Vu, enregistrée le 22 décembre 2008 sous le n° 08MA05190, la requête par laquelle Mme A fait appel du jugement n° 0700430 en date du 13 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2000 à 2003 ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;

Vu, enregistré le 6 août 2010, le mémoire présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique (direction générale des finances publiques-direction de contrôle fiscal sud-est) ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient, tout d'abord, concernant la régularité de la vérification de comptabilité et, en premier lieu, qu'à la date prévue sur l'avis de vérification de comptabilité n° 3927, soit le 9 novembre 2004, le vérificateur s'est présenté à l'adresse permanente de correspondance de l'entreprise ; que le représentant de l'entreprise dûment mandaté ne pouvait être présent ce jour et proposait la date du 25 novembre 2004 ; que l'ensemble des opérations de vérification dans les locaux du comptable à la demande expresse de l'entreprise s'est déroulé en présence du fils de Mme A, M. Gérard Rousseau dûment mandaté par cette dernière ; que le mandat de représentation ayant été remis au vérificateur le 25 novembre 2004, les opérations de rapprochement des éléments comptables et des pièces justificatives ainsi que le débat oral et contradictoire n'ont pu commencer qu'à cette date ; qu'afin de concrétiser la réalité du débat oral et contradictoire, le service a fait émarger une feuille de présence à M. Gérard Rousseau pour chacune des douze interventions qui ont eu lieu du 25 novembre 2004 au 11 mars 2005 ; que le service s'est trouvé dans l'obligation de dresser divers procès-verbaux de défaut de présentation de documents comptables et de pièces justificatives contresignés par M. Gérard Rousseau qui en a reçu copies ; qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier que contrairement à ce que soutient la requérante, l'administration apporte la preuve, conformément à la jurisprudence du Conseil d'Etat, que la date de début effectif des opérations de vérification n'est pas celle qui est mentionnée sur l'avis de vérification reprise sur la notification de redressement n° 3924 en date du 29 mars 2005 ; que Mme A n'étant pas privée, à l'époque, de ses capacités juridiques, le mandat donné à son fils ne peut être frappé de nullité ; qu'en revanche, l'état de santé de l'intéressée permet de conclure que, depuis cette date, le dirigeant de fait était bien son fils ; qu'il n'est, en effet, pas contesté, que ce dernier a géré l'affaire de septembre 1995 jusqu'à sa cessation ; qu'il s'ensuit que l'ensemble des opérations de vérification s'est donc régulièrement déroulé en sa présence et les garanties, tenant à la fois au débat oral et contradictoire ainsi qu'à la procédure de vérification prévue à l'article L.57 du livre des procédures fiscales, ont bien été respectées ;

Le ministre relève, en second lieu, que le contrôle sur pièces du dossier a mis en évidence une discordance entre le chiffre d'affaires mentionné sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et celui porté sur les déclarations de résultat pour 2000 ; que lors du contrôle sur place, le vérificateur a constaté une discordance entre la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les déclarations mensuelles CA3 déposées et la taxe sur la valeur ajoutée due ressortant des éléments comptables fournis ; que lors des entretiens avec le comptable, le service a constaté l'application d'une méthode de comptabilité erronée des produits, fondée sur les bons de commande et non sur les bons de livraison ; que les écritures de régularisation invoquées par la requérante et qui étaient justifiées ont été admises ; qu'il s'ensuit que seule la taxe sur la valeur ajoutée réellement omise a fait l'objet d'un rappel et que, dès lors, le service n'a procédé à aucun rappel faisant double emploi ; que la taxe sur la valeur ajoutée collectée et non déclarée reste due, quel que soit le compte de taxe sur la valeur ajoutée dans lequel elle a été inscrite ; qu'en conséquence, les rappels importants résultent exclusivement de la constatation d'anomalies comptables et, notamment, de graves irrégularités dans la comptabilisation de la taxe sur la valeur ajoutée sur les ventes ; que cette importance est donc uniquement imputable au non-respect des règles fiscales et comptables par le contribuable et non à une prétendue exagération des chiffres retenus par le service vérificateur ; qu'à défaut d'éléments probants et justifiés, toutes les rectifications effectuées par le service sont fondées et les rehaussements afférents à l'incidence financière en impôt sur le revenu des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ne peuvent qu'être maintenus ;

Le ministre fait valoir, ensuite et concernant la condition d'urgence, que la requérante ne fait, a priori, état d'aucune mesure déjà prise à son encontre susceptible de justifier, au regard des impositions litigieuses, une urgence au sens des dispositions de l'article L.521-1 du code de justice administratif ; qu'à la suite des mises en demeure qui ont été envoyées à Mme A, les avis à tiers détenteur adressés auprès des établissements financiers teneurs de comptes ouverts au nom de l'intéressée se sont avérés négatifs et la saisie vente d'un véhicule s'est soldée par un procès-verbal de carence ; que la SIE d'Aix-en-Provence Sud envisage la saisie immobilière d'anciens locaux commerciaux, actuellement vacants, autrement dit, ne concernant pas sa résidence principale ; que l'appelante n'est, en conséquence, pas fondée à se prévaloir de la jurisprudence du Conseil d'Etat selon laquelle le risque de perte de sa résidence principale doit être regardée, pour un contribuable, comme satisfaisant à la condition d'urgence établie par la loi ; que Mme A, en déclarant uniquement un montant de pension de 29 588 euros, a soustrait délibérément de ses revenus imposables de l'année 2008, la somme de 62 277 euros correspondant à des revenus de capitaux mobiliers ;

Vu l'arrêté en date du 1er septembre 2010 par lequel le président de la Cour a, notamment, désigné M. Jean-Pierre DARRIEUTORT, président de chambre, pour juger les référés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour et de l'heure de l'audience ;

La séance publique a été ouverte le 1er septembre 2010 à 15 heures et a été levée à 15 heures 20 ; au cours de celle-ci, Me Louit, pour Mme A a souligné que l'hypothèque légale a été inscrite sur la résidence principale du contribuable, que les redressements s'élèvent à trois millions d'euros environ, alors que le chiffre d'affaires annuel de l'entreprise au cours de trois dernières années n'a pas dépassé 500 000 euros ; que la procédure de contrôle est irrégulière dans la mesure où M. Gérard Rousseau ne bénéficiait pas d'un mandat pour représenter l'entrepreneur le 19 novembre 2004 ; que, s'agissant de la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée, la méthode retenue par le vérificateur est incompréhensible et conduit à des résultats exagérés ; qu'enfin, le tribunal administratif a omis de viser toutes les notes en délibéré déposées dans les intérêts de Mme A ; M. Schabo, pour l'administration fiscale rappelle, s'agissant de la condition d'urgence, qui ne lui paraît satisfaite, que le contribuable n'est pas complètement démuni et indique que la résidence principale de l'intéressée a été évaluée à 290 000 euros, qu'elle est propriétaire, par ailleurs, de deux locaux commerciaux de surface respective de 140 m2 et 351 m2 évalués à 173 000 euros et 345 000 euros ; que les pensions qu'elle perçoit s'élèvent annuellement à environ 30 000 euros ; le représentant de l'administration indique, en outre, que le contrôle fiscal a commencé le 25 novembre 2004, alors que le mandat en cause est daté du 21 novembre ;

Vu enregistrée le 2 septembre 2010, la note en délibéré présentée pour Mme A ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision ;

Considérant que le contribuable qui a saisi le juge de l'impôt de conclusions tendant à la décharge d'une imposition à laquelle il a été assujetti est recevable à demander au juge des référés, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L.521-1 du code de justice administrative, la suspension de la mise en recouvrement de l'imposition, dès lors que celle-ci est exigible ; que le prononcé de cette suspension est subordonné à la double condition, d'une part, qu'il soit fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la régularité de la procédure d'imposition ou sur le bien-fondé de l'imposition et, d'autre part, que l'urgence justifie la mesure de suspension sollicitée ; que pour vérifier si la condition d'urgence est satisfaite, le juge des référés doit apprécier la gravité des conséquences que pourraient entraîner, à brève échéance, l'obligation de payer sans délai l'imposition ou les mesures mises en oeuvre ou susceptibles de l'être pour son recouvrement, eu égard aux capacités du contribuable à acquitter les sommes qui lui sont demandées ;

Considérant qu' eu égard au montant des impositions en litige s'élevant à 2 300 000 euros environ au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, aux ressources actuelles de l'intéressée constituées par des pensions d'un montant de 30 000 euros environ, de la valeur de sa résidence principale estimée à 290 000 euros, et de deux locaux commerciaux évalués à 173 000 euros et 345 000 euros et à l'étendue des mesures susceptibles d'être mises en oeuvre par le comptable chargé du recouvrement, l'obligation de payer celles-ci entraînerait pour Mme A des conséquences d'une gravité telle que la condition d'urgence mentionnée aux dispositions susvisées doit être regardée comme remplie ;

Considérant que la requérante soutient que des erreurs et incohérences affectent la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période en cause et s'appuie sur les analyses effectuées à la demande de son conseil par un expert-comptable ; que, de son côté, l'administration soutient que les chiffres arrêtés par le vérificateur ne sont pas exagérés et que l'importance des rappels de taxe sur la valeur ajoutée serait due au fait d'écritures d'isolement de la taxe sur la valeur ajoutée ; que ces circonstances sont de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'il résulte de ce qui précède que la mesure de suspension demandée doit être accueillie ;

O R D O N N E :

Article 1er : Jusqu'à ce qu'il soit statué an fond par la Cour sur la requête d'appel n° 08MA05190, l'exécution des avis de mise en recouvrement portant sur la taxe sur la valeur ajoutée de la période coïncidant aux années 2000 à 2003 délivrés à Mme A est suspendue.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Louise A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Copie en sera adressée à Me Louit et au directeur de contrôle fiscal sud-est.

Fait à Marseille, le 8 septembre 2010.

Le président,

J-P. DARRIEUTORT

La République mande et ordonne au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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N° 10MA02689


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 10MA02689
Date de la décision : 08/09/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Suspension sursis

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre DARRIEUTORT
Avocat(s) : LOUIT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-09-08;10ma02689 ?
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