Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 18 mars 2010 sous le n° 1001083, présentée par le PREFET DES BOUCHES-DU-RHONE ; le PREFET DES BOUCHES-DU-RHONE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a, sur demande de M. M'hamed A, annulé sa décision, contenue dans un courrier du 16 juin 2009, refusant à ce dernier la délivrance du titre de séjour qu'il avait sollicité, et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. M'hamed A devant le Tribunal administratif de Marseille ;
Il soutient :
- que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu, pour annuler la décision par laquelle il a refusé de délivrer à M. A, de nationalité marocaine, une carte de séjour vie privée et familiale , le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation, caractérisée par l'emploi, chaque année depuis 1993, en tant qu'ouvrier agricole saisonnier, pour une durée annuelle de six mois, prolongée à six reprises jusqu'à huit mois sans que soit justifié le caractère exceptionnel de ces prolongations ;
- que M. A, qui n'a jamais occupé un emploi permanent, et ne peut soutenir que les engagements successifs mais discontinus dont il a bénéficié seraient assimilables à un tel emploi, est retourné au Maroc au terme de chacun de ses contrats de travail, et ne peut se prévaloir de sa présence habituelle en France depuis plus de dix ans;
- que M. A n'établit pas l'existence de motifs exceptionnels ou humanitaires justifiant qu'il soit admis au séjour sur le fondement de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que ces dispositions ne peuvent faire l'objet d'une lecture téléologique leur conférant le but de se substituer à celles, abrogées, de l'ancien article L.313-11-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;
- que M. A, qui est entré en France sous couvert de visas saisonniers OMI depuis 1993, ne peut contester avoir été informé des exigences de son statut, lui imposant notamment le maintien de sa résidence hors de France ;
- que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu, en date du 10 juin 2010, la notification aux parties d'un moyen d'ordre public susceptible d'être retenu par la Cour, tiré de la composition irrégulière de la formation de jugement de première instance ;
Vu, enregistré le 25 juin 2010, le mémoire en défense présenté pour M. A par Me Gonand, avocat au barreau de Marseille ; M. A demande à la Cour :
- de rejeter la requête du PREFET DES BOUCHES-DU-RHONE, subsidiairement, en cas d'annulation du jugement entrepris, d'annuler le refus de titre de séjour qui lui a été opposé ;
- d'enjoindre au PREFET DES BOUCHES-DU-RHONE de lui délivrer dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, un titre portant autorisation de séjour et de travail ;
- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à son bénéfice en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
...........................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'article 1er du décret du 27 janvier 2009 qui autorise la Cour administrative d'appel de Marseille à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret du 7 janvier 2009, situant l'intervention du rapporteur public avant les observations des parties ou de leurs mandataires ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2010
- le rapport de M. Perrier, président rapporteur ;
- les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public ;
- les observations de M. David Lambert, mandaté pour représenter le PREFET DES BOUCHES DU RHÔNE ;
- et les observations de Me Gonand, avocat de M. M'hamed A ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.113-1 du code de justice administrative : Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, (...) la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai ;
Considérant que le jugement attaqué, qui est signé de la présidente faisant fonction de présidente-rapporteure , a été rendu dans une formation présidée par un magistrat maintenu en activité en application de l'article L.233-7 du code de justice administrative ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.233-7 du code de justice administrative : Les membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, lorsqu'ils atteignent la limite d'âge résultant de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public, sont, sur leur demande, maintenus en activité, en surnombre, pour exercer l'une des fonctions dévolues aux premiers conseillers pendant une durée de trois ans non renouvelable ;
Considérant que l'article R.222-17 du même code dispose : Les chambres mentionnées aux articles R.221-4 et R.221-6 sont présidées soit par le président, soit par un vice-président du tribunal, et, au Tribunal administratif de Paris, par le président ou le vice-président du tribunal, le président ou le vice-président de la section. En cas d'absence ou d'empêchement du président de la chambre, celle-ci peut être présidée par un magistrat désigné à cet effet par le président du tribunal et ayant au moins le grade de premier conseiller ; qu'enfin l'article R.231-2 prévoit que les conseillers et premiers conseillers exercent les fonctions de rapporteur ou de rapporteur public ;
Considérant que la combinaison de ces dispositions conduit à s'interroger sur le point de savoir si une formation de jugement d'un tribunal administratif peut être présidée par un magistrat maintenu en activité en application de l'article L.233-7, et le cas échéant à quelles conditions ; que cette question constitue une question de droit nouvelle présentant une difficulté sérieuse et susceptible de se poser dans de nombreux litiges ; qu'ainsi il y a lieu de surseoir à statuer sur la requête du PREFET DES BOUCHES DU RHONE et de transmettre pour avis sur cette question le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat ;
D E C I D E :
Article 1er : Le dossier de la requête susvisée du PREFET DES BOUCHES DU RHONE est transmis au Conseil d'Etat pour examen de la question de droit définie dans les motifs du présent arrêt.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête du PREFET DES BOUCHES DU RHONE jusqu'à l'avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la transmission du dossier prévue à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DES BOUCHES DU RHONE, à M. M'Mhamed A, au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et au président de la Section du Contentieux du Conseil d'Etat.
''
''
''
''
N° 10MA01083 4
pr