Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2008, présentée pour Mlle Sadenur A, élisant domicile à ..., par la SCP d'avocats Dessalces-Ruffel ; Mlle A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0801292 du tribunal administratif de Montpellier en date du 30 mai 2008, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 février 2008 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire national dans le délai d'un mois et a fixé la Turquie comme pays de renvoi ;
2°) d'annuler les décisions litigieuses ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer son dossier dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement ;
4°) de condamner l'Etat à verser la somme de 1 196 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à elle-même ou à son avocat qui renoncerait alors à percevoir l'aide juridictionnelle ;
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mai 2010 :
- le rapport de Mme Gaultier, rapporteur,
- les conclusions de M. Brossier, rapporteur public,
- et les observations de Me Bonomo, de la SCP d'avocats Dessalces-Ruffel, pour Mlle A ;
Considérant que Mlle A fait appel du jugement n° 0801292 du 30 mai 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 21 février 2008 rejetant sa demande d'admission au séjour et l'obligeant à quitter le territoire national dans le délai d'un mois ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet tient ses pouvoirs en matière de refus de délivrance d'un titre de séjour de
l'article R. 311-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel est de nature réglementaire ; que, par arrêté en date du 9 juillet 2007, régulièrement publié, et pris en application de l'article 43 du décret n° 2004-374 du 23 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements, le préfet de l'Hérault a donné délégation de signature régulière à M. Bernard Huchet, sous-préfet de Béziers, pour prendre les décisions de refus de séjour et décisions s'y rapportant ; qu'ainsi que l'a décidé le tribunal administratif de Montpellier, Mlle A n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de séjour litigieuse aurait été prise par une autorité incompétente ;
Considérant, en second lieu, qu'ainsi que l'a décidé le tribunal administratif, la décision de refus de séjour opposée à Mlle A satisfait à l'obligation de motivation en fait et en droit prescrite par la loi du 11 juillet 1979 susvisée ; que l'article L. 511-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle l'arrêté litigieux a été pris, dispensait la décision d'obligation de quitter le territoire d'une telle motivation ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
Considérant que Mlle A, née en 1983 en Turquie, soutient qu'elle est entrée en France en 2003 pour échapper à un mariage qui lui était imposé par sa famille, qu'elle est hébergée par son frère et l'épouse de ce dernier, lesquels sont en situation régulière en France, qu'elle est soutenue par de nombreux autres membres de sa famille également en situation régulière, qu'elle est dans l'impossibilité de retourner en Turquie dès lors que sa famille l'a abandonnée et qu'elle a désormais en France ses liens privés et familiaux ; que si des témoignages produits au dossier, et notamment celui d'une personne déclarant disposer d'un mandat électif dans le village d'origine de l'intéressée accréditent le fait que Mlle A a quitté sa famille pour échapper à un arrangement matrimonial, cette seule circonstance ne suffit pas à établir que l'intéressée serait exposée à la torture ou des traitements inhumains ou dégradants, en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi Mlle A n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté litigieux aurait été pris en violation de l'article 3, précité, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en tant qu'il autorise son retour en Turquie ;
Considérant, en quatrième lieu, que l'article 8 de cette même convention européenne dispose : Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2 - Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : ...7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L.311-7 soit exigée ; que l'article L. 313-14 du même code autorise le préfet à accorder un titre de séjour à un étrange dont l'admission au séjour se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir.. ;
Considérant qu'ainsi que le précise l'arrêté litigieux ainsi que la requête d'appel, Mlle A est célibataire et sans charge familiale ; que la circonstance que la requérante dispose du soutien de membres de sa famille depuis son arrivée en France ne suffit pas à établir qu'elle y a désormais fixé ses liens privés et familiaux, ni qu'elle serait dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 20 ans ; qu'ainsi que l'a décidé le tribunal administratif, Mlle A ne démontre pas que la décision de refus de séjour attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'il n'est pas établi que la décision d'octroi d'un titre de séjour se justifierait pour des raisons humanitaires, lesquelles n'ont d'ailleurs pas été invoquées expressément dans la demande de titre de séjour ; qu'il suit de là que Mlle A n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de séjour qui lui a été opposée a été prise en violation des dispositions précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ce refus n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'en vertu des articles L. 312-1 et L. 312-2 du même code : La commission (du titre de séjour) est saisie par l'autorité administrative lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11... ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;
Considérant que la requérante n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application des dispositions précitées de l'article 12 bis 3° et 7°, le préfet n'était pas tenu, en application de l'article 12 quater de la même ordonnance, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;
Considérant enfin, que la seule circonstance que l'arrêté attaqué vise l'absence de visa long séjour de l'intéressée est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué dès lors qu'il est constant que le préfet a procédé à l'examen de la demande et des possibilités de régularisation du séjour de l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions en annulation ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant que l'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public... prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution ;
Considérant que le présent arrêt rejette les conclusions présentées aux fins d'annulation présentées par Mlle A et n'implique, par suite, aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par Mlle A aux fins d'injonction au préfet de lui délivrer le titre de séjour demandé ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à Mlle A une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mlle A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Sadenur A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
''
''
''
''
N° 08MA031362