Vu la requête, enregistrée le 31 octobre 2007, présentée pour Mme Andrée A, demeurant ...), par Me Ascencio ; Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0425449-0425451 du 3 avril 2007 du Tribunal administratif de Nîmes en tant que, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance, prononcé la réduction des impositions contestées et ordonné une mesure d'expertise portant sur le montant de la plus-value réalisée par l'intéressée en 1998, le tribunal a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1998, 1999 et 2000 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.........................................................................................................
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2010 :
- le rapport de Mme Menasseyre,
- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public,
- et les observations de Me Ascencio ;
Considérant que Mme A, exploitante agricole a fait l'objet, en 2001, d'une vérification de comptabilité de cette activité portant sur les exercices clos en 1998 et 1999, qui a donné lieu à des redressements, dans la catégorie des bénéfices agricoles, et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la SCEA La Grand'Ribe, dont M. et Mme A étaient associés à parts égales, ces derniers ont été imposés au titre des années 1999 et 2000, notamment dans la catégorie des revenus fonciers ; que les avis d'impositions découlant des conséquences de ces contrôles sur l'imposition du foyer fiscal pour les années 1998, 1999 et 2000 ont été établis au nom de M. ou Mme A le 31 octobre 2003 ; que Mme A, devenue veuve, a contesté devant le Tribunal administratif de Nîmes les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre des années 1998, 1999, et 2000 et, par une demande du même jour, a demandé au tribunal administratif la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er novembre 1997 au 31 octobre 1999 ; que Mme A demande à la Cour d'annuler l'article 9 du jugement du 3 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes, après avoir joint les deux instances, constaté un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance, prononcé la réduction des impositions contestées et ordonné une mesure d'expertise portant sur le montant de la plus-value réalisée par l'intéressée en 1998, a rejeté le surplus des conclusions des requêtes, en tant seulement que le tribunal a rejeté les conclusions de sa requête enregistrée sous le n° 0425449, dirigées contre les redressements afférents d'une part au montant des plus-values réalisées lors de la reprise par Mme A de bâtiments agricoles dans son patrimoine privé, et, d'autre part, à la déductibilité des intérêts résultant d'un emprunt souscrit en août 1997 ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que le Tribunal administratif de Nîmes a été saisi initialement de deux demandes, l'une émanant de Mme A et ayant trait aux compléments d'impôt sur le revenu auxquels elle et son époux ont été assujettis au titre des années 1998, 1999 et 2000, l'autre, également présentée par Mme A mais ayant trait aux droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a seule été assujettie à raison de l'exercice de son activité professionnelle ; qu'ainsi qu'il a été dit, le tribunal a joint les demandes pour statuer par une seule décision ; que, cependant, compte tenu de la nature de l'impôt sur le revenu et de celle de la taxe sur la valeur ajoutée, et quels que fussent en l'espèce les liens de fait et de droit entre ces deux impositions, le tribunal administratif devait statuer par deux décisions séparées à l'égard de deux contribuables distincts, M. et Mme A d'une part, Mme A, en tant que seule redevable de la taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part, et ce alors même que Mme A était veuve lors de l'introduction de sa requête ; que, dans ces conditions, c'est en méconnaissance de cette règle d'ordre public que le Tribunal administratif de Nîmes a prononcé la jonction des instances ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions encore en litige de la demande présentée par Mme A sous le n° 0425449 devant le Tribunal administratif de Nîmes ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que, devant les premiers juges, Mme A soutenait que les impositions résultant de l'évaluation par le service du stock de vin de la SCEA La Grand'Ribe, établies au vu d'un avis irrégulier de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, étaient irrégulières ; que le moyen est, en tout état de cause, inopérant sur les redressements en litige, qui ne procèdent pas de cette évaluation ; que si elle critiquait également la motivation de la notification de redressement du 18 décembre 2001, en ce qu'elle aurait été insuffisamment précise sur les termes de référence retenus pour fonder le redressement portant sur la plus-value réalisée à l'occasion du transfert de ses plantations de vignes de son patrimoine professionnel vers son patrimoine personnel, le moyen est inopérant à l'appui de sa contestation des chefs de redressements encore en litige, qui ne correspondent pas à cette plus-value ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne les intérêts d'emprunt :
Considérant que l'administration a réintégré dans les bénéfices imposables des exercices clos en 1998 et 1999, pour des montants respectifs de 210 261 francs et de 187 344 francs, des charges financières correspondant aux intérêts d'un emprunt contracté le 21 août 1997, pour un montant de trois millions de francs, au motif qu'il n'était pas suffisamment justifié que cet emprunt avait été conclu dans l'intérêt de l'exploitation ; que Mme A soutient que, à hauteur de 200 253 francs en 1998, et 178 427 francs en 1999, ces charges étaient déductibles ;
Considérant d'une part, qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 ; qu'en adoptant le premier alinéa de l'article L. 192 précité, le législateur n'a pas entendu déroger aux principes généraux ci-dessus énoncés en exigeant de l'administration fiscale qu'elle justifie qu'une charge n'est pas déductible dans son principe, dès lors que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires, saisie, a rendu un avis favorable au contribuable ; que Mme A ne saurait, dès lors, s'exonérer du fardeau de la preuve, qui lui incombe initialement, en invoquant l'avis, selon elle favorable à l'abandon des redressements, rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
Considérant que Mme A produit pour la première fois en appel une attestation émanant de son notaire, datée du 27 mai 2008, et qui indique que l'emprunt souscrit le 25 août 1997 a eu pour objet le remboursement de six emprunts précédemment souscrits dont quatre dont il donne les références, présentaient un caractère professionnel, ainsi que d'un crédit de trésorerie souscrit auprès de la banque Chaix pour deux millions de francs ; que cette attestation concorde avec les termes de l'attestation du 6 avril 2005, précédemment produite par la requérante, émanant du même officier ministériel et qui se bornait à indiquer qu'à la suite de cet emprunt avaient été effectués des remboursements de prêt professionnels, ainsi que des remboursements de prêts privés, pour un montant, s'agissant de ces derniers, de 141 808,43 francs ; qu'elle produit au dossier les courriers qui lui ont été adressés par sa banque, le Crédit agricole, lors de la réalisation de chacun des quatre prêts en cause, et sur lesquels apparaît un objet clairement en lien avec sa profession d'exploitante agricole ; que le courrier daté du 3 septembre 1997 qui lui a été adressé par cette banque précise les montants remboursés pour chacun de ces prêts ; qu'au vu des éléments ainsi produits, Mme A doit être regardée comme justifiant de ce que, à hauteur de 2 858 225,23 francs, soit 95,27 % des sommes empruntées, l'emprunt souscrit en août 1997 a été contracté dans le cadre de son activité professionnelle pour rembourser ou se substituer à des emprunts précédemment souscrits pour les besoins de son activité d'exploitante agricole, le solde soit 4,73 % des sommes en cause ayant eu pour objet le remboursement anticipé d'emprunts à caractère personnel ; qu'elle justifie, dans cette mesure, du principe de la déductibilité des intérêts afférents à cet emprunt ;
Considérant qu'il incombe dès lors au service d'apporter la preuve de ce que la charge en cause a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ; que l'administration se borne à soutenir que les documents produits ne justifieraient pas de ce que le prêt a été engagé dans l'intérêt de l'entreprise individuelle de Mme A ; que ce faisant, elle ne peut être regardée comme ayant produit des éléments de nature à laisser penser que cet emprunt a été dans sa totalité effectué dans un intérêt autre que celui de l'exploitation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée, dans la limite de ses prétentions, à demander que les intérêts afférents à l'emprunt souscrit en août 2007 soient déduits de ses bénéfices imposables ; qu'elle est donc fondée à demander que ses bases imposables soient réduites d'une somme de 200 253 francs en 1998, et de 178 427 francs en 1999 ;
En ce qui concerne le montant de la plus-value réalisée lors du transfert de bâtiments d'exploitation dans le patrimoine privé de Mme A :
Considérant qu'aux termes de l'article 38 sexdecies D de l'annexe III au code général des impôts : I. Les immeubles bâtis ou non bâtis appartenant à l'exploitant et utilisés pour les besoins de l'exploitation sont obligatoirement inscrits à l'actif du bilan. / Toutefois, le redevable peut demander de conserver les terres dans son patrimoine privé, à la condition de faire connaître son choix au plus tard lors de la déclaration des résultats du troisième exercice au titre duquel il est imposé d'après le régime du bénéfice réel. / L'option ainsi exercée s'applique à la totalité des terres dont l'exploitant est propriétaire, ou qu'il acquiert pendant la durée de l'option. Elle est valable quinze ans et renouvelable tacitement au terme de chaque période de quinze ans. (...) ; que le transfert dans le patrimoine privé du contribuable d'un élément d'actif affecté à l'exercice de la profession constitue une réalisation de ce bien, susceptible de donner lieu à l'imposition de la plus-value correspondante ;
Considérant que l'administration a imposé la plus-value réalisée par Mme A lors du transfert, en 1998, de bâtiments d'exploitation dans son patrimoine privé en calculant la différence entre la valeur vénale des biens et leur valeur nette comptable figurant à l'actif de l'entreprise ; que, pour déterminer cette valeur vénale, elle a appliqué à la valeur d'acquisition des biens, respectivement acquis en 1991 et 1972 un coefficient d'érosion monétaire, conduisant à une évaluation de 1 334 007 francs et 1 184 062 francs ; que la requérante conteste ce mode de calcul au motif qu'il ne tient pas compte de l'obsolescence des bâtiments et demande que la valeur vénale du bâtiment d'exploitation acquis en 1991 soit fixée à la somme de 1 006 670 francs déterminée par référence à sa valeur nette comptable réévaluée du coefficient d'érosion monétaire, et que la valeur de la cave acquise en 1972 et totalement amortie soit fixée à la somme de 409 710 francs, déterminée par référence à sa seule valeur d'origine non réévaluée ;
Considérant que, Mme A ayant refusé les redressements, l'administration supporte la charge de la preuve ;
Considérant que l'administration se borne à soutenir que la requérante ne justifie pas de son mode de calcul, que le tribunal a justement apprécié les conséquences d'une dépréciation subie du fait de l'usage et du temps en relevant que les biens concernés avaient fait l'objet d'un amortissement, et que rien ne justifiait la mise en oeuvre d'un coefficient de vétusté ; qu'elle ne justifie pas, ce faisant, de la correction de son propre mode de calcul, retenu sans faire nullement référence par exemple à la valeur d'une transaction relevée à une date voisine pour un bien comparable ou au prix de la vente ultérieure de ces biens ; que ledit mode de calcul conduit, ainsi que le relève justement Mme A, à retenir comme étant la valeur réelle du bien celle de sa valeur à neuf, l'évaluation retenue par l'administration ayant seulement permis de corriger les conséquences de l'érosion monétaire sur le prix d'achat du bâtiment, sans prendre en compte les conséquences de l'écoulement du temps sur leur valeur vénale ; qu'en outre Mme A fait valoir que, lors de la vente du domaine effectuée en 2007, la valeur des bâtiments a été fixée à 150 000 euros ; que dans ces conditions, l'administration ne peut être regardée comme justifiant de la correction de la valeur vénale retenue pour les immeubles dont s'agit ; que le prix de vente pratiqué en 2007 ainsi que l'ensemble des circonstances de l'affaire permettent de tenir pour établi que les valeurs du bâtiment et de la cave au moment de leur incorporation dans le patrimoine de la requérante n'étaient pas supérieures aux sommes respectives de 1 006 670 francs et de 409 710 francs ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A est fondée à demander la réduction des impositions en litige, dans la mesure qui résulte de la motivation exposée ci-dessus ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nîmes en date du 3 avril 2007 est annulé en tant qu'il a statué sur les impositions à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles M. et Mme A ont été assujettis à raison de la réintégration dans les bénéfices imposables de Mme A des années 1998 et 1999 d'intérêts d'emprunt, et à raison de l'imposition de la plus-value réalisée lors du transfert de bâtiments d'exploitation dans le patrimoine privé de Mme A.
Article 2 : Les bases des impositions à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles M. et Mme A ont été assujettis au titre des années 1998 et 1999 sont réduites d'une somme respective de 30 528,37 euros (200 253 francs), et de 27 201,02 euros (178 427 francs).
Article 3 : Les valeurs vénales à retenir pour le calcul du montant de la plus-value imposable à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l'année 1998 réalisée par Mme A lors du transfert dans son patrimoine privé d'un bâtiment d'exploitation et d'une cave sont arrêtées aux sommes respectives de 153 465,85 euros (1 006 670 francs) et de 62 459,89 euros (409 710 francs).
Article 4 : Mme A est déchargée, au titre des années 1998 et 1999, des droits et pénalités correspondant à la réduction des bases d'impositions définies aux articles 2 et 3 ci-dessus.
Article 5 : L'Etat versera à Mme A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Andrée A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Copie en sera adressée à Me Ascensio et au directeur de contrôle fiscal du Sud Est.
''
''
''
''
2
N° 07MA04282