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10/06/2010 | FRANCE | N°07MA03889

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 10 juin 2010, 07MA03889


Vu le recours, enregistré le 24 septembre 2007, présentée pour le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n°0406224 du 30 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a déchargé M. et Mme A de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1996, à raison des revenus d'origine indéterminée, et des pénalités y afférentes ;

2°) de remettre l'imposition à la charge

des contribuables ;

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Vu le recours, enregistré le 24 septembre 2007, présentée pour le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n°0406224 du 30 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a déchargé M. et Mme A de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1996, à raison des revenus d'origine indéterminée, et des pénalités y afférentes ;

2°) de remettre l'imposition à la charge des contribuables ;

.........................................................................................................

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'État du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisées à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n°2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2010 :

- le rapport de M. Iggert, conseiller,

- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;

- et les observations de Me North pour M. et Mme A ;

Considérant qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la société Socreac et d'un examen de situation fiscale personnelle au titre des années 1994 à 1996, l'administration a notifié des redressements à M. et Mme A relatifs, notamment, à une balance des espèces au titre de l'année 1996 ; que le Tribunal administratif de Marseille a, notamment, déchargé M. et Mme A de ces derniers redressements par l'article 2 de son jugement ; que le ministre interjette appel de l'article 2 du jugement en date du 30 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a déchargé M. et Mme A de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1996, à raison des revenus d'origine indéterminée, et des pénalités y afférentes ;

Sur les conclusions d'appel du ministre :

Considérant que le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la notification de redressements qui, selon l'article L. 48 du même livre, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les éléments qu'il envisage de retenir ; qu'en outre, dans sa version remise à M. et Mme A, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, rendue opposable à l'administration par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, exige que le vérificateur ait recherché un tel dialogue avant même d'avoir recours à la procédure écrite et contraignante de l'article L. 16 du même livre ;

Considérant que trois entretiens se sont tenus, le 7 octobre 1997, le 16 octobre 1997 et le 28 avril 1998, entre le vérificateur et les époux A avant l'envoi, le 5 mai 1998, de la demande de justification visée à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ; que le courrier du 4 avril 1998, par lequel le vérificateur proposait l'entretien du 28 avril, indiquait : j'analyserais avec vous les mouvements de vos comptes et qu'un dialogue contradictoire s'est effectivement tenu, notamment sur l'achat des bons de capitalisation en litige, ainsi que cela ressort des courriers des époux A du 19 juin 1998 et du 16 juillet 1998 qui comportent, sur le point en litige, les mentions suivantes : ainsi que nous vous l'avons expliqué , nous vous l'avons déjà expliqué à diverses reprises (...) et nous espérons que ces explications, déjà fournies au cours de nos entretiens (...) ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les époux A auraient été privés d'un dialogue contradictoire avant que l'administration ait recours à la procédure écrite et contraignante de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales manque en fait et doit dès lors être écarté ;

Considérant que le ministre est fondé à soutenir que les époux A n'ont pas été privés du dialogue auquel ils avaient droit en application des mentions de la charte et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a estimé que l'administration leur avait refusé ledit dialogue et leur a accordé pour ce motif la décharge des impositions en litige ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. et Mme A tant devant elle que devant le tribunal administratif ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Quant à la demande de justification :

Considérant que si les requérants font valoir qu'il ne leur a été accordé qu'un délai de 7 jours entre la restitution de leurs extraits bancaires, le 28 avril 1998, et la demande de justifications visée à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales intervenue le 5 mai 1998, aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige l'administration à laisser s'écouler un délai à cette occasion avant d'user de la procédure écrite et contraignante de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ;

Quant au droit de communication :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ; qu'en application de ces dispositions il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure de redressement mise en oeuvre, d'informer le contribuable dont elle envisage de rehausser les bases d'imposition de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication et qu'elle a effectivement utilisé ainsi qu'elle peut le faire, pour procéder aux redressements, afin que le contribuable ait la possibilité de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents ou les copies de documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition ;

Considérant qu'il est constant que les contribuables ont obtenu la communication du cahier placé sous scellé n°3 ayant servi à reconstituer les recettes de leur exploitation dont ils avaient demandé la mise à disposition par un courrier, non produit, du 18 décembre 1997 ; qu'en revanche, ils n'établissent pas, alors que l'administration le conteste, avoir demandé la mise à disposition des deux autres cahiers placés sous scellés, ainsi que le procès-verbal de police, qui étaient susceptibles d'établir le paiement en espèces de travaux effectués dans la résidence des intéressés en 1994 et 1995 et ainsi, auraient contribué à déterminer la balance des espèces au titre de l'année 1995 ; qu'aucun redressement des revenus d'origine indéterminée n'est intervenu au titre de l'année 1995, année d'ailleurs hors litige ; qu'ainsi, dès lors que l'administration n'est tenue de mettre à la disposition du contribuable qui le demande que les documents qui contiennent des renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements en litige et que la preuve d'une demande en ce sens n'est pas rapportée, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Quant à la durée de l'examen de situation fiscale personnelle :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. (...) Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification. (...) Cette période est prorogée du délai accordé, le cas échéant, au contribuable et, à la demande de celui-ci, pour répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications pour la partie qui excède les deux mois prévus à l'article L. 16 A. (...) Elle est également prorogée des trente jours prévus à l'article L. 16 A et des délais nécessaires à l'administration pour obtenir les relevés de compte lorsque le contribuable n'a pas usé de sa faculté de les produire dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l'administration ou pour recevoir les renseignements demandés aux autorités étrangères, lorsque le contribuable a pu disposer de revenus à l'étranger ou en provenance directe de l'étranger ;

Considérant que l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont ont fait l'objet M. ou Mme A a débuté le jour de la réception, le 22 septembre 1997, par les intéressés de l'avis de vérification qui leur a été adressé le 17 septembre 1997 ; qu'il s'est achevé le 1er octobre 1998 lors de l'envoi de la notification de redressement relative aux années 1995 et 1996 ;

Considérant que M. ou Mme A font valoir que leur réponse initiale en date du 19 juin 1998 aux demandes de justifications qui leur ont été adressées le 5 mai 1998 était suffisante et qu'ainsi les mises en demeure en date du 9 juillet 1998 étant sans objet, l'examen de leur situation fiscale personnelle ne pouvait être prorogé du délai de 30 jours ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que, par lettre en date du 19 juin 1998, s'agissant du solde excédentaire de la balance des espèces pour 1996 résultant d'achats de bons de capitalisation pour 1 950 000 francs, réglés en espèces, M. et Mme A ont répondu que cet argent provenait d'économies sur les revenus des 20 années précédentes, déjà imposés (salaires, BIC, revenus fonciers) ou non imposables (plus-value sur cession de fonds de commerce, pourboires lorsque M. exerçait l'activité de fossoyeur) , sans apporter une quelconque justification à cette explication lapidaire ; qu'au vu de ces éléments de réponse, et nonobstant la circonstance que la formulation de la demande de justification aurait été erronée, les contribuables ne s'étant au demeurant pas mépris sur le sens de celle-ci, l'administration était fondée à solliciter des précisions complémentaires sur l'origine des ressources ayant servi à financer la souscription en espèces de bons de capitalisation, ainsi que le train de vie espèces des requérants, pour un montant de près de deux millions de francs ; que, par suite, l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. ou Mme A pouvait régulièrement être prorogé du délai de 30 jours imparti au contribuable pour déférer à ladite mise en demeure ; que, par ailleurs, les moyens tirés de l'irrégulière prorogation supplémentaire du délai nécessaire pour obtenir les relevés de compte deviennent inopérants dès lors que la prorogation née de la mise en demeure de compléter la réponse à la demande de justification était suffisante ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

Considérant que les sommes ayant été régulièrement taxées d'office en application des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré de l'imposition incombe aux contribuables en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales ;

Considérant que M. et Mme A font valoir qu'une partie de leurs salaires a été versée en espèces ainsi que cela résulterait, selon eux, de l'absence de crédits bancaires correspondants et que leur balance des espèces devrait être réduite des montants en cause ; que, toutefois, ils n'établissent pas ce faisant avoir effectivement perçu des salaires en espèces ; que, de même, s'ils soutiennent qu'il y a lieu de diminuer le montant de la balance des espèces de la somme de 340 773 francs correspondant à des distributions occultes, notifiées au titre de l'année 1995, ils n'établissent pas que cette somme aurait été versée en espèces et qu'elle n'aurait pas trouvé d'emploi au titre de l'année 1995 ; qu'ainsi, ils n'établissent pas que la balance des espèces au titre de l'année 1996 ne tiendrait pas compte d'un reliquat de trésorerie constitué au titre d'années antérieures ;

Sur l'appel incident de M. et Mme A :

Considérant que M. et Mme A, qui n'ont pas introduit, dans le délai du recours contentieux, d'appel contre le jugement du tribunal administratif, ne sont pas recevables, par la voie du recours incident, à contester les compléments d'impôt sur le revenu et les contributions sociales établis au titre des années 1994 et 1995, dès lors que le ministre, dans son recours, n'a pas contesté le jugement sur ce point ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a déchargé M. et Mme A de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu, des contributions sociales et des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1996 en tant que revenus d'origine indéterminée, et, par suite est fondé à demander que ladite cotisation, les contributions sociales et les pénalités y afférentes soient remises à la charge de ces derniers ; que M. et Mme A ne peuvent ainsi prétendre au versement d'une quelconque somme en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Marseille du 30 mai 2007 est annulé.

Article 2 : La cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu, les contributions sociales et les pénalités y afférentes auxquelles M. et Mme A ont été assujettis au titre de l'année 1996 en tant que revenus d'origine indéterminée sont remises à leur charge.

Article 3 : Le surplus de la demande de M. et Mme A présentée devant le Tribunal administratif de Marseille et leurs conclusions d'appel sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA RÉFORME DE L'ÉTAT et à M. et Mme A Clément.

Copie en sera adressée à Me North et au directeur de contrôle fiscal Sud-Est.

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N° 07MA03889


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07MA03889
Date de la décision : 10/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. Julien IGGERT
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : SELARL AB CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-06-10;07ma03889 ?
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