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01/06/2010 | FRANCE | N°07MA04872

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 01 juin 2010, 07MA04872


Vu l'arrêt n° 299215 du 3 décembre 2007 par lequel le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a :

- d'une part, annulé l'arrêt n° 03MA00697 du 21 septembre 2006 par lequel la Cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête de la SOCIETE FICI tendant à l'annulation du jugement n° 9601022 du 2 janvier 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nice avait rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Vallauris soit condamnée à réparer le préjudice qu'elle a subi du fait de la délivrance à la Fondation Asturion d'un permis de construire illégal, et à c

e que soit, avant dire droit, désigné un expert ;

- et, d'autre part, re...

Vu l'arrêt n° 299215 du 3 décembre 2007 par lequel le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a :

- d'une part, annulé l'arrêt n° 03MA00697 du 21 septembre 2006 par lequel la Cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête de la SOCIETE FICI tendant à l'annulation du jugement n° 9601022 du 2 janvier 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nice avait rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Vallauris soit condamnée à réparer le préjudice qu'elle a subi du fait de la délivrance à la Fondation Asturion d'un permis de construire illégal, et à ce que soit, avant dire droit, désigné un expert ;

- et, d'autre part, renvoyé l'affaire à juger devant la Cour ;

Vu la requête ouverte au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille et enregistrée sous le n° 07MA04872 pour qu'il soit jugé de la requête d'appel ainsi renvoyée ;

Vu la requête, transmise par télécopie et enregistrée le 11 avril 2003, présentée pour la SOCIETE FICI, société anonyme dont le siège social est le Quercy 1 place Magenta à Nice (06000), représentée par son directeur général en exercice, par la SCP Klein, avocat ;

La SOCIETE FICI demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9601022 du 2 janvier 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Vallauris à réparer le préjudice qu'elle a subi du fait de la délivrance à la Fondation Asturion d'un permis de construire illégal et avant dire droit de désigner un expert avec mission de donner au tribunal tous éléments d'appréciation dudit préjudice, de lui allouer une provision de 3 millions de francs et de condamner la commune de Vallauris à lui payer la somme de 25.000 francs au titre des frais irrépétibles de l'instance ;

2°) de désigner, avant dire droit, un expert avec mission de donner à la juridiction tous éléments d'appréciation de son préjudice ;

3°) de lui allouer d'ores et déjà une provision de 3.000.000 francs (457.347,05 euros) ;

4°) de condamner la commune de Vallauris à réparer l'intégralité du préjudice qu'elle subit du fait de l'octroi à la Fondation Asturion de l'arrêté de permis de construire du 3 juillet 1992 précité, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du tribunal administratif ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Vallauris une somme de 6.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.............

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 avril 2010 :

- le rapport de Mme Favier, rapporteur ;

- les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public,

- les observations de Me Bouzou, représentant la SOCIETE FICI et de Me Persico, représentant la commune de Vallauris ;

Considérant que par un arrêté du 3 juillet 1992, le maire de Vallauris a délivré à la Fondation Asturion un permis de construire autorisant une extension de 1.576 m² de la villa l'Aurore et la construction d'un mur anti-bruit destiné à protéger cette extension contre les nuisances sonores en provenance de la voie ferrée et de la route nationale 7 qui la longent ; que par un jugement du 22 décembre 1994, rendu à la demande de la SOCIETE FICI, propriétaire d'un bâtiment dénommé Château Latour situé de l'autre côté de la route nationale 7, le Tribunal administratif de Nice a annulé ledit permis de construire ; que l'appel formé contre cette décision a été rejeté par la Cour administrative d'appel de Lyon le 8 juillet 1997 ; que par un arrêt du 30 juin 1999, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a rejeté le pourvoi en cassation dirigé contre cet arrêt ; que par un nouveau jugement du 2 janvier 2003, le Tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de la SOCIETE FICI tendant à la condamnation de la commune de Vallauris à réparer le préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de la délivrance à la Fondation Asturion du permis de construire illégal ; que par un arrêt du 21 septembre 2006, la Cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la SOCIETE FICI contre ce jugement ; que le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, par un arrêt du 3 décembre 2007, annulé cet arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille et a renvoyé l'affaire à juger devant elle ;

Sur la recevabilité des conclusions d'appel de la SOCIETE FICI :

Considérant que si dans un mémoire enregistré le 4 septembre 2006, la SOCIETE FICI a présenté des conclusions tendant à la garantie de l'Etat ce n'est que dans son dernier mémoire, enregistré le 14 avril 2010, qu'elle a expressément demandé la condamnation solidaire de la commune de Vallauris et de l'Etat à l'indemniser ; que ces conclusions, formulées pour la première fois en appel, et au surplus, après l'expiration du délai d'appel, sont irrecevables et doivent être rejetées en tant qu'elles sont dirigées contre l'Etat ;

Sur la recevabilité de la demande présentée devant le Tribunal administratif de Nice :

Considérant que la commune de Vallauris soutient que la demande indemnitaire de la SOCIETE FICI devant le Tribunal était irrecevable faute d'avoir été précédée d'une demande chiffrée et faute d'avoir été elle-même chiffrée dans le délai du recours contentieux ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que tant la demande préalable, qui n'était, au demeurant, soumise à aucune obligation de chiffrage, que la demande devant le Tribunal administratif tendaient à l'indemnisation d'un préjudice qui serait évalué après une expertise sollicitée dans le cadre de la même demande ; que dans ces conditions, l'absence de chiffrage des conclusions ne saurait constituer un motif d'irrecevabilité de la demande contentieuse ; que la fin de non recevoir correspondante doit donc être rejetée ;

Considérant, en outre, et contrairement à ce qu'affirme la commune de Vallauris, que bien que la demande préalable n'ait pas tendu à l'allocation d'une provision, cette circonstance n'a pas eu pour effet de rendre irrecevable la demande présentée pour la première fois en ce sens devant le Tribunal ;

Considérant, enfin, que la possibilité dont disposait la SOCIETE FICI de demander également une indemnisation de ses préjudices en assignant le bénéficiaire du permis de construire devant les juridictions judiciaires, n'a pas eu pour effet de la priver du droit de demander une indemnisation à raison de la faute commise par la commune à avoir délivré l'autorisation de construire ; qu'aucune irrecevabilité ne saurait dès lors être retenue de ce chef ;

Sur le fait générateur des dommages :

Considérant que pour rejeter la demande de la SOCIETE FICI, les premiers juges ont estimé que l'illégalité du permis de construire relevée par le Conseil d'Etat dans sa décision du 30 juin 1999 se rattachait exclusivement au non-respect des dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme relatives aux adaptations mineures et non pas au caractère inconstructible de la parcelle de la Fondation Asturion ;

Considérant toutefois qu'aux termes de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme (...) III - En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée. (...) ; qu'il résulte de l'instruction que si les terrains situés au dessus de la route nationale 7 et de la voie ferrée Marseille-Vintimille, au droit des parcelles appartenant à la fondation Asturion, font partie d'un espace urbanisé eu égard notamment à la densité des constructions qu'ils accueillent, les parcelles appartenant à cette fondation et sur lesquelles a été édifiée la construction litigieuse, sont séparées du reste du secteur par la route à deux fois deux voies et la voie ferrée ; qu'elles sont elles-mêmes situées directement en bordure du domaine public maritime et ne jouxtent aucune parcelle construite ; qu'elles sont donc situées en dehors des espaces urbanisés et ne pouvaient dès lors, en application des dispositions précitées de l'article L. 146-4, recevoir aucune construction nouvelle ;

Considérant, en conséquence, qu'en délivrant le permis de construire portant sur l'extension de la villa l'Aurore malgré l'inconstructibilité de son terrain d'assiette, la commune de Vallauris a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'il résulte de l'instruction que la construction dont s'agit est visible depuis la propriété de la SOCIETE FICI et en altère notamment la vue sur la mer ; que cette altération est constitutive d'un préjudice en lien direct avec l'illégalité commise à avoir autorisé cette construction ; que la SOCIETE FICI est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a rejeté sa demande;

Sur le montant du préjudice indemnisable :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE FICI a acquis le château Latour en 1990 pour y entreprendre d'importants travaux de rénovation en vue de le revendre ensuite ; qu'elle n'a donc pas la qualité d'occupant de cet immeuble et ne peut en conséquence demander à être indemnisée de troubles de jouissance ; qu'en sa qualité de propriétaire non occupant, et dans le cadre de son activité de marchand de biens, elle a cependant droit à l'indemnisation de la dépréciation qu'a subie sa propriété du fait de la gêne occasionnée par la construction illégalement autorisée et des frais - travaux supplémentaires et frais financiers - liés à la difficulté de revendre au cas où cette difficulté serait imputable à la dépréciation dont s'agit ; que toutefois, la Cour ne trouve pas au dossier les éléments permettant d'apprécier l'importance de cette dépréciation et de ces éventuels frais ; qu'en outre, compte tenu des motifs de l'arrêt et des chefs de préjudices retenus, la Cour n'a pu acquérir de certitude sur le point de savoir si la condamnation à verser 100.000 euros prononcée à l'encontre de la fondation Asturion, bénéficiaire du permis de construire, au profit de la SOCIETE FICI, par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, le 12 janvier 2010, a permis l'indemnisation intégrale du préjudice subi ; qu'il y a donc lieu, d'ordonner une expertise destinée à l'éclairer sur ces différents points ;

Sur la demande de provision formulée par la SOCIETE FICI :

Considérant qu'en l'absence de toute certitude sur le montant du préjudice indemnisable, la demande de la SOCIETE FICI tendant à l'allocation d'une indemnité provisionnelle doit être rejetée ;

Sur l'appel en garantie dirigé contre l'Etat :

Considérant, d'une part, que la commune demande à être garantie par l'Etat, dont les services ont procédé à l'instruction du dossier de permis de construire litigieux et ont préparé la décision soumise à la signature du maire, des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ; que toutefois, les services de l'Etat mis à la disposition des communes pour l'élaboration des documents d'urbanisme et l'instruction des demandes d'occupation des sols agissent en concertation permanente avec le maire qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qui leur sont confiées ; que la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée à ce titre envers les communes que lorsqu'un de ses agents commet une faute en refusant ou en négligeant d'exécuter un ordre ou une instruction du maire ; qu'il ne ressort pas de l'instruction qu'une faute de cette nature ait été commise en l'espèce ; que, dès lors, il n'y a pas lieu d'accueillir les conclusions de la commune de Vallauris tendant à ce que l'Etat la garantisse de la totalité des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société requérante ;

Considérant, d'autre part, que la commune invoque également la faute lourde qu'auraient commise les services de l'Etat dans l'exercice du contrôle de légalité des actes des collectivités locales ; qu'il ne résulte toutefois pas de l'instruction qu'en ne déférant pas au Tribunal administratif le permis de construire litigieux, qui a, au demeurant été contesté par la SOCIETE FICI et dont la légalité a ainsi pu être examinée par le Tribunal, le préfet des Alpes maritimes ait commis une faute lourde ; que les conclusions d'appel en garantie doivent donc être rejetées sur ce point également ; qu'il y a donc lieu de mettre l'Etat hors de cause ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de réserver les droits de chacune des parties en ce qui concerne les frais exposés par elles et non compris dans les dépens jusqu'en fin d'instance ;

D E C I D E :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur l'étendue du préjudice dont la SOCIETE FICI peut obtenir réparation procédé à une expertise destinée à déterminer :

- si, et dans quelle mesure, la propriété de la SOCIETE FICI située avenue Edith Joseph à Golfe Juan a subi une dépréciation liée à l'édification par la Fondation Asturion de l'extension de la villa l'Aurore et du mur anti-bruit autorisés par le permis de construire du 3 juillet 1992,

- si, et dans quelle mesure, la SOCIETE FICI a dû, en raison de cette édification, adapter son projet de rénovation et exposer des dépenses de travaux et des frais supplémentaires pour pouvoir procéder à la revente de son bien,

- si, et dans quelle mesure, elle a exposé des frais financiers liés à des difficultés de revente, elles-mêmes liées à l'extension de la villa l'Aurore.

Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-1 et R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la SOCIETE FICI tendant à la condamnation de l'Etat et à l'allocation d'une indemnité provisionnelle sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions d'appel en garantie formulées par la commune de Vallauris à l'encontre de l'Etat sont rejetées.

Article 5 : L'Etat est mis hors de cause.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE FICI, à la commune de Vallauris, et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.

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N° 07MA04872


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07MA04872
Date de la décision : 01/06/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Sylvie FAVIER
Rapporteur public ?: M. MARCOVICI
Avocat(s) : SCP KLEIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-06-01;07ma04872 ?
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