Vu, en date du 9 décembre 2009 l'ordonnance n° 299755-299781 par laquelle le président de la 2ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat, après avoir annulé partiellement l'arrêt en date du 19 octobre 2006 par lequel la cour, statuant sur la requête de la SNC THORETIM, a, en premier lieu, déclaré solidairement responsables l'Etat et la commune du Rayol-Canadel du préjudice causé à la requérante par des décisions illégales relatives à la ZAC de la Teisonniere et, en second lieu, ordonné une expertise en vue de déterminer ce préjudice, a renvoyé à la cour administrative d'appel de Marseille le jugement de la requête n°05MA00828 ;
Vu cette requête, enregistrée le 4 avril 2005, présentée pour la société en nom collectif (SNC) THORETIM, dont le siège est 111 avenue Victor Hugo à Paris (75116), par Me Cocrelle, avocat ; la SNC THORETIM demande à la cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 03-03070 en date du 6 janvier 2005 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune du Rayol-Canadel et de l'Etat à lui verser la somme de 1.158.648 euros en réparation du préjudice subi à la suite de l'inconstructibilité de la zone d'aménagement concerté dite de la Tessonnière ;
2°/ de condamner solidairement la commune du Rayol-Canadel et l'Etat à lui verser la somme de 1.156.442 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 1996, avec capitalisation des intérêts à la date du recours ;
3°/ d'ordonner en tant que de besoin une mesure d'expertise avant dire droit sur le préjudice qu'elle a subi ;
4°/ de condamner l'Etat et la commune du Rayol-Canadel à lui verser une somme de 3.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions, et notamment son article 2 ;
Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 pris par le vice-président du Conseil d'Etat autorisant la cour administrative d'appel de Marseille à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2010 :
- le rapport de M. d'Hervé, rapporteur ;
- les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public ;
- les observations de Me Sirat, pour la SARL IMMOBILIERE MONTESPAN, la SARL International Amalgamated Investors et la SNC société d'immeubles commerciaux locatifs ;
- les observations de Me Monamy, pour la commune du Rayol-Canadel ;
- et les observations de M. Chrestian, de la direction départementale des territoires et de la mer, pour le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
Considérant que par jugement en date du 6 janvier 2005, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de la SNC THORETIM tendant à la condamnation solidaire de la commune du Rayol-Canadel et de l'Etat à lui verser la somme de 1.158.648 euros, en réparation du préjudice subi à la suite de l'inconstructibilité de la zone d'aménagement concerté de la Tessonnière au Rayol-Canadel dans laquelle elle avait acquis des terrains pour lesquels elle avait obtenu un permis de construire délivré illégalement par le maire du Rayol-Canadel ; que la SNC THORETIM, aux droits de laquelle vient la SARL IMMOBILIERE MONTESPAN, relève appel de ce jugement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 26 mai 1987, le conseil municipal de la commune du Rayol-Canadel (Var) a approuvé le plan d'occupation des sols de cette commune, qui classait en zone Nab le secteur du Haut-Rayol ; que le conseil municipal a, par délibérations des 16 juin et 21 juillet 1988, créé au sein du secteur du Haut-Rayol la zone d'aménagement concerté dite de la Tessonnière et approuvé son plan d'aménagement ; que le préfet du Var, saisi au titre des dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, a, préalablement aux délibérations des 16 juin et 21 juillet 1988, donné son accord à ces opérations, le 10 juin 1988 ; que, par une décision du 14 janvier 1994, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a confirmé l'annulation partielle du plan d'occupation des sols prononcée par le tribunal administratif de Nice, le 14 mars 1991, en tant qu'il créait la zone NAb, au motif que celle-ci s'inscrivait dans un site remarquable dans lequel aucune construction ne pouvait être légalement autorisée en application des dispositions de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme ; que, par jugement du tribunal administratif de Nice en date du 1er avril 1993, confirmé par décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux en date du 3 novembre 1997, les délibérations des 16 juin et 21 juillet 1998 du conseil municipal ont été annulées ; qu'entre temps, l'aménagement de la zone d'aménagement concerté de la Tessonnière, qui avait initialement été confié par convention à M. Ott, a été achevé par la SNC Empain Graham, qui a vendu la plus grande partie des lots créés ; que la SNC THORETIM a ainsi acquis les lots n° 10, 13 et 26 par acte du 1er août 1990 ;
Considérant que la SNC THORETIM soutient à l'appui de sa demande de condamnation solidaire de l'Etat et de la commune que les illégalités fautives commises respectivement par l'Etat et la commune dans les conditions ci-dessus rappelées sont la cause des préjudices qu'elle a subis et qui consistent notamment dans l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de construire sur ses lots et dans l'engagement à perte de l'ensemble des sommes qu'elle a dû exposer pour acquérir des terrains qui se sont révélés inconstructibles ;
Sur le préjudice lié à l'acquisition des terrains :
Considérant, en premier lieu, que la responsabilité d'une personne publique n'est susceptible d'être engagée que s'il existe un lien de causalité suffisamment direct entre les fautes commises par cette personne et le préjudice subi par la victime ; qu'il ressort des pièces du dossier que, si la commune du Rayol-Canadel, en classant les terrains en cause en zone constructible puis en créant la zone d'aménagement concerté de la Tessonnière et en approuvant le plan d'aménagement de cette zone, ainsi que l'Etat, en donnant son accord à la création de la zone, ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité, le préjudice résultant pour les acquéreurs des terrains de la différence entre le prix auquel ils ont acquis ces terrains et la valeur réelle de ces derniers, à leur date d'acquisition, compte tenu de l'interdiction de construire dont ils étaient frappés en vertu de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, trouve son origine directe non pas dans les actes ayant permis l'aménagement de la zone puis ultérieurement la vente des terrains, qui ne conféraient aucun droit à construire, mais dans les contrats de vente passés entre les acquéreurs et l'aménageur de la zone, lesquels pouvaient prévoir, en particulier, que la vente n'était conclue que sous réserve de l'obtention des permis de construire ; que, par suite, les préjudices que la SNC THORETIM soutient avoir subis du fait de l'annulation de l'opération d'aménagement et dont elle pouvait demander réparation en poursuivant l'aménageur devant le juge judiciaire, ne peuvent pas être regardés comme étant la conséquence directe des fautes commises par la commune et par l'Etat ; que si la requérante fait état du caractère difficilement prévisible de l'application faite en l'espèce des dispositions du code de l'urbanisme relatives à la protection du littoral, et notamment de l'article L.146-6, en soutenant qu'elle ne pouvait prévoir leurs conditions d'application sur l'emprise de la ZAC où elle a acquis un terrain, elle ne met pas ainsi en cause d'autres agissements administratifs de l'Etat et de la commune que ceux intervenus en méconnaissance directe des dispositions du code de l'urbanisme, dont l'illégalité fautive a certes été établie dans les conditions précitées mais qui ne sont pas, ainsi qu'il vient d'être dit, la cause directe des préjudices dont elle entend ainsi demander la réparation et qu'elle déduit de l'acquisition de terrains inconstructibles ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas de l'instruction que les mentions du certificat d'urbanisme positif, dont elle n'était ni le demandeur ni le destinataire et l'attestation de constructibilité du terrain, dont la délivrance se rattache à l'existence même de la ZAC, dont la requérante fait état et qu'elle mentionne comme ayant été joints à l'acte de vente par le vendeur ont été l'élément déterminant de l'acquisition du terrain à laquelle elle a procédé ; qu'il ne ressort pas davantage de l'instruction que l'Etat ou la commune auraient incité la requérante par d'autres actes ou comportements que ceux qualifiés par ailleurs comme constituant les illégalités fautives déjà évoquées, à acquérir le terrain en litige ;
Considérant, en troisième lieu, que la SNC Thoretim soutient que son appauvrissement, qu'elle déduit de l'acquisition de lots commercialisés par l'aménageur de la ZAC à un prix tenant compte du caractère réputé constructible de ces terrains, correspond à un enrichissement corrélatif de l'Etat et de la commune ; qu'elle expose que les indemnités auxquelles ces derniers ont été condamnés par le juge administratif par des décisions définitives pour réparer le préjudice directement subi par la société aménageur de la ZAC, en raison des illégalités fautives commises lors de la création de la zone, ont été minorées pour tenir compte des ventes déjà réalisées par l'aménageur ; que toutefois, le montant de la condamnation mise à la charge des personnes publiques condamnées a été déterminé par application des règles gouvernant la mise en oeuvre de la responsabilité pour faute des personnes publiques et notamment celles tenant à la détermination des préjudices indemnisables ; que cette circonstance s'oppose à ce que la requérante puisse se prévaloir d'un lien suffisamment direct entre un enrichissement de la commune et de l'Etat, qui découlerait de la détermination juridictionnelle des indemnités mise à leur charge respective et son propre appauvrissement, intervenu au seul bénéfice du vendeur dont elle a acquis les lots et dont elle n'a pu obtenir la rétrocession des sommes versées à perte ; qu'ainsi, et alors qu'elle disposait d'une action contre son vendeur, elle n'est pas fondée à demander la condamnation, en raison de leur enrichissement réputé sans cause, de la commune et de l'Etat sur ce fondement quasi contractuel qui relève, en tout état de cause, d'une autre cause juridique que celle invoquée devant les premiers juges ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'eu égard à l'office du juge d'appel, dont un précédent arrêt avant dire droit a été annulé par le juge de cassation qui lui a renvoyé le jugement de l'affaire, la requérante ne peut fonder sa demande indemnitaire en soutenant que la décision du juge de cassation serait de nature à méconnaître son droit au respect de ses biens, garanti par le protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et qu'elle révèle une différence de traitement au regard des décisions juridictionnelles intervenues dans d'autres litiges ;
Sur le préjudice lié à la délivrance d'un permis de construire illégal sur le lot13 ;
Considérant que pour rejeter la demande de la société tendant à l'indemnisation du préjudice né de la délivrance d'un permis de construire illégal, la commune a opposé le moyen, reconnu fondé par le tribunal administratif, de ce que la créance relative à ce préjudice était atteinte par la prescription, en application de la loi du 31 décembre 1968, lorsque le tribunal administratif avait été saisi d'une demande de condamnation de la commune à réparer les dommages causés par sa décision fautive ; que pour contester le jugement sur ce point, la société requérante, qui demande la condamnation de la commune à lui verser une somme de 12.772 euros, ne peut utilement ni se prévaloir des actions contentieuses engagées par des tiers qui sont relatives à des créances indemnitaires distinctes, ni, en tout état de cause des autres actions et réclamations relatives aux autres fautes commises par la commune et l'Etat dans la mise en oeuvre de leurs compétences d'urbanisme dans l'aménagement du secteur de la Tessonnière ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SNC THORETIM n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses demandes ;
Sur les conclusions à fin de garantie présentées par la commune du Rayol-Canadel et l'Etat :
Considérant que le rejet des conclusions indemnitaires de la SNC THORETIM rend sans objet les conclusions à fin de garantie présentées par la commune et l'Etat ;
Sur les conclusions de la SARL Empain-Graham, de la SNC société d'immeubles commerciaux locatifs (SICL) et de la société International Amalgamated Investors (IAI) :
Considérant qu'en l'absence de condamnation de l'Etat, qui demandait dans cette hypothèse à être garanti par les sociétés précitées, leurs conclusions tendant au rejet de cette demande qu'elles ont présentées dans un mémoire en intervention sont également sans objet ;
Sur les dépens :
Considérant que les frais d'expertise exposés devant la cour, liquidés et taxés à la somme de 997 euros par ordonnance du président de la cour le 4 octobre 2007, doivent être mis dans les circonstances de l'espèce à la charge de la commune du Rayol-Canadel ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de la COMMUNE DU RAYOL-CANADEL, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la SNC THORETIM et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune du Rayol-Canadel au titre de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SNC THORETIM est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de se prononcer sur les appels en garanties formés par l'Etat et la commune du Rayol-Canadel et les conclusions en intervention de la SARL Empain-Graham, de la SNC société d'immeubles commerciaux locatifs (SICL) et de la société International Amalgamated Investors (IAI).
Article 3 : Les frais d'expertise d'un montant de 997 euros sont mis à la charge de la commune du Rayol-Canadel.
Article 4 : Les conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL IMMOBILIERE MONTESPAN, à la commune du Rayol-Canadel et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Copie en sera adressée à la SARL Empain-Graham, la SNC société d'immeubles commerciaux locatifs (SICL) et la société International Amalgamated Investors (IAI).
''
''
''
''
N° 05MA008282
RP