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25/03/2010 | FRANCE | N°10MA00125

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des référés, 25 mars 2010, 10MA00125


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 13 janvier 2010 sous le n°10MA00125, présentée pour l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) LES SAPINS, dont le siège est au lieu dit Villerase, BP 48, à Saint-Cyprien (66750), par Maîtres Geneste et Spy du CMS Bureau Francis Lefebvre ;

L'EARL LES SAPINS demande au juge des référés de la Cour administrative d'appel de Marseille :

1°) d'ordonner la suspension provisoire de l'exécution de l'ordre de reversement en date du 2 septembre 2008, édicté par l'office nat

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 13 janvier 2010 sous le n°10MA00125, présentée pour l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) LES SAPINS, dont le siège est au lieu dit Villerase, BP 48, à Saint-Cyprien (66750), par Maîtres Geneste et Spy du CMS Bureau Francis Lefebvre ;

L'EARL LES SAPINS demande au juge des référés de la Cour administrative d'appel de Marseille :

1°) d'ordonner la suspension provisoire de l'exécution de l'ordre de reversement en date du 2 septembre 2008, édicté par l'office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture (VINIFLHOR) et des titres de recettes des 22 et 23 septembre 2008, émis pour l'exécution de cet ordre de reversement, d'un montant total de 168 812,13 euros, et maintenus à sa charge par le jugement n°0804912 du 16 octobre 2009 du Tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de condamner l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer FranceAgriMer, venant aux droits de VINIFLHOR, à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

...........................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement CE n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour et de l'heure de l'audience ;

Après qu'aient été entendus à l'audience publique du 4 mars 2010 :

- le rapport de M. Perrier, président de chambre, juge des référés,

- les observations de Me Spy du cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre, avocat de l'EARL LES SAPINS, qui, tout en se référant à ses écritures, a exposé :

- que le respect du principe d'effectivité du droit communautaire ne peut justifier que soit écarté le recours à la procédure de référé suspension, comme le soutient en défense FranceAgriMer, qui se fonde à tort sur une jurisprudence non transposable de la CJCE, rendue dans une espèce où était en cause un effet suspensif automatique, ce qui n'est pas le cas de la présente procédure qui implique une appréciation juridictionnelle des droits revendiqués ;

- qu'aucune décision n'impose à FranceAgriMer de récupérer le montant des subventions en litige ;

- qu'un jugement rejetant une demande d'annulation d'un titre exécutoire n'entraînant, en lui-même, aucune mesure d'exécution susceptible de faire l'objet du sursis prévu par l'article R.811-17 du code de justice administrative, seule la procédure de référé de l'article L.521-1 était ouverte au requérant ;

- que les conséquences financières du remboursement demandé, sont au regard de la situation économique de l'entreprise, résultant de l'analyse de la comptabilité produite par mémoire enregistré ce jour, suffisamment graves pour caractériser une situation d'urgence ;

- que le préjudice en résultant est immédiat, un recouvrement forcé pouvant intervenir à tout moment ;

- qu'il n'y a en revanche pas urgence pour FranceAgriMer à récupérer les sommes en cause ;

- s'agissant des moyens de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions entreprises :

- que la mauvaise foi ne se présume pas ;

- que la position prise par le Tribunal administratif de Montpellier contredit celle retenue dans une affaire similaire par la Cour administrative d'appel de Marseille ;

- que le tribunal administratif a opéré une substitution de base légale sans respecter le principe du contradictoire ;

- que l'application de l'article L.341-3 du code rural impose l'existence préalable d'une exploitation, puis sa division ;

- que FranceAgriMer n'établit nullement l'existence préalable d'une exploitation unique ;

- qu'au demeurant le terrain d'assiette des serres est constitué de parcelles appartenant à deux propriétaires ;

- que chaque EARL fonctionne de manière indépendante ;

- que la conception unitaire du projet a été préalablement à sa réalisation portée à la connaissance d'ONIFLHOR, que le but recherché est de réaliser des économies d'échelle et non de maximiser l'aide ;

- que la preuve d'une telle intention est nécessaire à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L.341-3 du code rural ;

- et les observations de Me Aveline du cabinet Goutal et Alibert, avocat de FranceAgriMer, qui, en se référant à ses écritures, a exposé :

- que la requête n'est pas recevable, la procédure de référé suspension étant incompatible avec le respect du caractère effectif du droit communautaire ;

- qu'il appartenait au surplus à l'EARL requérante de recourir à la procédure de sursis à exécution du jugement de première instance ;

- que la condition d'urgence n'est pas remplie, les incidences financières de l'exécution de la décision attaquée devant s'apprécier au regard des capacités de l'ensemble des EARL, qui constituent une exploitation unique, et dont les possibilités d'endettement sont supérieures à celles de chaque entité prise isolément ;

- que la position prise en formation collégiale par le tribunal administratif écarte a priori que le juge des référés puisse concevoir un doute sérieux sur la légalité de la décision en litige ;

- que la concordance des données économiques de l'ensemble des EARL caractérise le caractère fictif de la division effectivement opérée, que les produits des ventes sont décomptés globalement et divisés par douze pour être reversés à chaque EARL, sans prise en compte des résultats réels de chacun ;

- que le montage effectué doit s'analyser comme la partition d'un terrain, qui doit être regardé comme constituant l'exploitation initiale, en douze entités ayant pour seul objet d'écarter le plafonnement des subventions par exploitation ;

L'instruction ayant été close à l'issue de l'audience à laquelle assistait Mme Ranvier, greffier ;

Considérant que l'EARL LES SAPINS a perçu, en application d'un programme national de restructuration des secteurs des fruits et légumes prévu par le règlement 3816/92 du 28 décembre 1992 du Conseil des communautés européennes et approuvé par la Commission le 13 mars 1995, une subvention d'un montant de 169 345,70 euros qui lui a été versée par l'ONIFLHOR le 2 septembre 1998 pour la réalisation d'un projet de construction d'une serre verre destinée à la culture longue de la tomate ; qu'à la suite de contrôles effectués en 2000 et 2001 par l'agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA), au terme desquels l'agence a considéré que l'EARL LES SAPINS ne disposait pas d'une autonomie réelle mais constituait un élément d'une exploitation agricole unique regroupant douze EARL dont la création avait pour finalité le versement de ladite subvention, VINIFLHOR en a adressé un ordre de reversement d'un montant de 168 812,13 euros en date du 2 septembre 2008, suivi de deux titres de recettes des 22 et 23 septembre 2008 pour des montants respectifs de 126 609,10 et 42 203,03 euros ; que l'EARL LES SAPINS demande la suspension provisoire de cet ordre de reversement et de ces titres de recettes ;

Sur la demande de suspension provisoire :

Considérant qu'aux termes de l'article L.521-1 du code de justice administrative, issu de la loi du 30 juin 2000 : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision... ;

Sur les fins de non recevoir soulevées par FranceAgriMer :

Considérant que le principe d'effectivité du droit communautaire ne saurait avoir pour effet de priver le débiteur d'une créance se rattachant pour tout ou partie à l'application de ce droit de toute procédure visant à obtenir que soit provisoirement suspendue une décision en poursuivant le recouvrement ; que la procédure instituée par les dispositions précitées, qui n'implique aucun effet suspensif automatique, et comporte un examen par le juge tant de la probabilité d'une annulation contentieuse de la décision en litige que de la nécessité d'en paralyser immédiatement les effets, au regard de l'ensemble des intérêts en présence, n'est pas incompatible avec ce principe ;

Considérant que, faute pour le jugement de première instance, rejetant la demande d'annulation des titres de recettes contestés, d'entraîner, en tant que tel, une mesure d'exécution, l'EARL requérante ne pouvait utilement en rechercher le sursis à exécution sur le fondement des dispositions de l'article L.811-7 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les fins de non recevoir soulevées par FranceAgriMer doivent être écartées, que la requête susvisée est recevable ;

Sur l'existence d'un moyen de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées :

Considérant qu'une exploitation agricole consiste en l'ensemble des unités de production mises en valeur directement par une même personne, quels que soient le statut, la forme ou le mode d'organisation juridique de celle-ci ; qu'aux termes des dispositions de l'article L.341-3 du code rural : La division d'une exploitation agricole ne peut conduire les exploitations qui en sont issues à bénéficier d'aides ou de subventions publiques supérieures à celle dont l'exploitation initiale aurait bénéficié en l'absence de division. / Cette règle s'applique quelle que soit la forme des exploitations en cause. / Il peut toutefois y être dérogé lorsque la division est justifiée, d'une part, par la distance entre les fonds séparés ou l'autonomie des moyens de production desdits fonds et, d'autre part, par l'amélioration de la viabilité des exploitations ou le maintien de cette viabilité, notamment dans le cas d'une installation répondant aux conditions de l'article L.330-1. Pour l'appréciation de la viabilité des exploitations, il n'est pas tenu compte des aides publiques plafonnées. ;

Considérant que l'ONIFLHOR a accusé réception le 17 septembre 1996 de la demande de concours financier présentée par l'EARL LES SAPINS relative à un projet d'investissement pour la construction et l'équipement d'une serre verre d'une surface de 9 000 m2 sur des terres en friche, située sur le site de Villerase à Saint-Cyprien, appartenant au groupement foncier agricole (GFA) Bruno et Franck ; que cette demande de subvention s'inscrivait dans le cadre d'un projet global de construction et équipement de 81 000 m2 de serres verre impliquant initialement neuf exploitations sur un même site, permettant de mettre en commun certaines installations ; qu'en réponse à cette demande de concours financier, et après validation de son projet par la direction départementale de l'agriculture et de la forêt (DDAF) puis par le centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) et avec l'aval de l'ONIFLHOR, l'EARL LES SAPINS a obtenu le paiement d'une subvention en 1998, de même que les onze autres EARL finalement créées ; que, toutefois, FranceAgriMer, venant aux droits de l'office, fait valoir, à l'appui des décisions en litige édictées pour obtenir le remboursement de cette subvention, que la création de douze EARL, suivie de douze demandes de subvention, n'a eu pour objet que d'échapper au plafonnement des aides par exploitation, alors que l'investissement subventionné doit être regardé comme consenti au bénéfice d'une seule exploitation, divisée en douze entités dans des conditions prohibées par les dispositions précitées du code rural et autorisant la répétition des subventions indûment perçues ;

Considérant que FranceAgriMer fonde notamment sa position sur des constatations opérées par les services de l'inspection de l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA) les 26 mai 2000, 9 et 10 janvier et 21 et 22 février 2001, et fait valoir que l'EARL LES SAPINS fait partie d'un ensemble d'EARL créées simultanément et implantées sur un site unique en une seule entité physique, que l'investissement subventionné a été réalisé concomitamment à la création des EARL, que M. Francis A est actionnaire dans huit d'entre elles et que les autres EARL sont détenus en majorité par des membres de sa famille ;

Considérant toutefois que le moyen tiré de ce que l'EARL LES SAPINS n'étant pas issue de la division d'une exploitation antérieure, les décisions attaquées ne pouvaient être légalement fondée sur les dispositions de l'article L.341-3 du code rural, est de nature, en l'état du dossier, à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'ordre de reversement émis à l'encontre de l'EARL requérante et des titres de recettes pris pour son exécution ;

Sur la condition d'urgence :

Considérant qu'il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une décision, d'apprécier concrètement, compte tenu des justificatifs fournis par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de l'intéressé sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;

Considérant qu'il résulte de l'examen des documents comptables produits en l'instance par la requérante que le recouvrement des titres de recettes litigieux aurait une incidence importante sur la situation financière de l'exploitation qu'elle gère, quelque soit, au demeurant, son degré d'autonomie réel, pouvant l'exposer à un état de cessation de paiement et à une procédure de règlement ou de liquidation judiciaire ; que si FranceAgriMer expose, dans ses écritures, qu'un échéancier de paiement est envisageable, il n'assortit l'évocation de cette possibilité d'aucun engagement, ni d'aucune précision permettant au juge des référés de la prendre en considération dans son appréciation de l'urgence à suspendre les décisions attaquées ; qu'ainsi, cette urgence est établie au regard des intérêts de la requérante, qui sont l'objet d'une atteinte suffisamment grave et immédiate ;

Considérant que FranceAgriMer n'établit pas, ni même ne soutient, que le remboursement des subventions versées à la requérante présente, compte tenu de la situation de l'établissement ou pour tout autre motif, un caractère d'urgence ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les deux conditions auxquelles l'article L.521-1 précité subordonne le prononcé d'une mesure de suspension étant réunies, l'EARL LES SAPINS est fondée à demander à la cour d'ordonner la suspension provisoire de l'exécution de l'ordre de reversement et des titres de recettes en litige, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la requête d'appel susvisée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de condamner FranceAgriMer, venant aux droits de VINIFHLOR, à verser à l'EARL LES SAPINS la somme de 300 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'EARL LES SAPINS qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à FranceAgriMer la somme que cet établissement demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

Article 1er : La suspension provisoire de l'exécution de l'ordre de reversement du 2 septembre 2008 et des titres de recettes des 22 et 23 septembre 2008 émis à l'encontre de l'EARL LES SAPINS est ordonnée jusqu'à ce qu'il soit statué au fond par la Cour sur la requête d'appel n°09MA04280.

Article 2 : FranceAgriMer versera à l'EARL LES SAPINS une somme de 300 (trois cents) euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à l'EARL LES SAPINS et à FranceAgriMer.

Copie en sera adressée au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

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N° 10MA00125

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 10MA00125
Date de la décision : 25/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain PERRIER
Avocat(s) : CABINET GOUTAL et ALIBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-03-25;10ma00125 ?
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