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25/03/2010 | FRANCE | N°07MA04927

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 25 mars 2010, 07MA04927


Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2007, présentée pour Mme Louisiane A et MM. Mohamed et Ali A, ..., par Me Mechinaud ;

Les consorts A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502370, 0505063 en date du 21 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation du département de l'Aude à les indemniser du préjudice moral qu'ils ont subi du fait du décès de M. O'Kacha B, leur fils et frère ;

2°) de condamner le département de l'Aude à verser à chacun des parents de M. A la som

me de 25 000 euros et à son frère la somme de 12 000 euros ;

3°) de mettre à la cha...

Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2007, présentée pour Mme Louisiane A et MM. Mohamed et Ali A, ..., par Me Mechinaud ;

Les consorts A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502370, 0505063 en date du 21 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation du département de l'Aude à les indemniser du préjudice moral qu'ils ont subi du fait du décès de M. O'Kacha B, leur fils et frère ;

2°) de condamner le département de l'Aude à verser à chacun des parents de M. A la somme de 25 000 euros et à son frère la somme de 12 000 euros ;

3°) de mettre à la charge du département de l'Aude la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne leur a pas été permis de répondre aux moyens développés en défense ; que la portion de route en cause doit être regardée comme un ouvrage exceptionnellement dangereux et entraîner la responsabilité sans faute du département ; que la chute de pierres à cet endroit est fréquente ; qu'aucune signalisation adéquate n'était présente ; que la portion de route n'est pas correctement entretenue dès lors que la dernière inspection datait de 2003, qu'aucune tournée de surveillance n'est établie, que le danger n'est pas signalé, qu'aucun dispositif de protection n'a été mis en place ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 juillet 2009, présenté pour le département de l'Aude, par Me Audouin, qui conclut au rejet de la requête et à ce que les consorts A lui verse la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'intérêt à agir des requérants n'est pas établi, en l'absence d'élément de preuve de leur lien avec la victime ; qu'il n'y a pas eu de défaut du contradictoire devant le tribunal ; que la route en cause ne peux être regardée comme un ouvrage exceptionnellement dangereux dès lors que le risque de chute de pierres n'est pas continu dans le temps, que la fréquence de ces chutes est très rare et que, inhérent aux routes de montagne, le risque de chute de pierres est normal ; qu'il a également normalement entretenu l'ouvrage dès lors que l'intégralité de la route ne peut être protégé, ni la totalité des chutes de pierres empêchées, que le danger était suffisamment signalé, qu'un contrat destiné à prévenir de tels risques a été passé avec une société spécialisée, que la direction départementale de l'équipement, suite à sa demande, effectuait des contrôles quotidiens de la chaussée, que le risque était connu de la victime, qui empruntait fréquemment cette route ; que l'accident n'était pas prévisible ; que le lien affectif n'est pas établi dès lors que les requérants habitaient à plus de 700 kilomètres de la victime ; que les montants demandés sont excessifs ;

Vu la production de pièces, enregistrée le 8 octobre 2009, présenté pour les consorts A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 février 2010 :

- le rapport de M. Iggert, conseiller ;

- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;

- et les observations de Me Audouin, pour le département de l'Aude ;

Considérant qu'alors qu'il circulait en automobile avec sa compagne et ses enfants sur la route départementale n°117, M. O'Kocha B a été frappé par une pierre de plus de trente kilogrammes qui s'était décrochée de la paroi dominant la route à une hauteur approximative de 5 mètres ; que les consorts A interjettent appel du jugement en date du 21 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation du département de l'Aude à les indemniser du préjudice moral qu'ils ont subi du fait du décès de M. O'Kacha B, leur fils et frère ;

Sur la fin de non recevoir opposées par le département de l'Aude :

Considérant, d'une part, que le lien de parenté entre la victime et les requérants est établi ; que, d'autre part, la circonstance, au demeurant erronée en l'espèce, que le lien affectif entre la victime et les requérants ne serait pas établi est sans incidence sur l'intérêt à agir ; qu'ainsi, la fin de non recevoir opposée par le département de l'Aude tirée du défaut d'intérêt à agir des consorts B doit être écartée ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'après avoir joint la requête n°0505063 présentée par la compagne et les enfants de la victime à la requête n°0502370 présentée par les parents et le frère de M. B, le tribunal a rejeté la totalité des demandes qui lui étaient présentées ; que les consorts A font valoir que le contradictoire n'aurait pas été respecté dès lors qu'ils n'auraient pas eu connaissance des éléments présentés en défense par le département ; qu'il résulte de l'instruction que dans l'affaire n°0502370, aucun mémoire en défense n'a été présenté par le département, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée et l'envoi d'une ordonnance de clôture de l'instruction ; qu'ainsi, le département, qui devait être regardé comme ayant acquiescé aux faits, ne pouvait apporter ce faisant la preuve qui lui incombe de l'entretien normal de la route ; que la circonstance que l'affaire n°0505063 comportait un mémoire en défense produit par le département ne pouvait avoir d'influence sur le sens de la décision à prendre dans l'affaire n°0502370 concernant les consorts A, nonobstant la jonction à laquelle avait procédé le tribunal ; qu'ainsi, le jugement du tribunal, dès lors qu'il a statué sur la requête n°0502370 en se fondant sur les éléments produits exclusivement dans l'affaire n°0505063, est irrégulier ; que les consorts A sont dès lors fondés à demander l'annulation du jugement en cause en tant qu'il a statué sur la requête les concernant ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par eux devant le Tribunal administratif de Montpellier ;

Sur la responsabilité sans faute du département :

Considérant que si la portion de route en cause était, pendant certaines périodes de l'année, exposée à des chutes de pierres en raison de la nature des fonds dominants, cette circonstance ne conférait pas à cette voie le caractère d'ouvrage exceptionnellement dangereux de nature à engager la responsabilité du département de l'Aude envers les usagers en l'absence d'un vice de conception, d'un défaut d'aménagement ou d'un défaut d'entretien normal ; que la demande présentée sur le terrain de la responsabilité sans faute ne peut dès lors qu'être rejetée ;

Sur la responsabilité pour faute du département :

Considérant, en premier lieu, que la circonstance qu'aucun dispositif spécial destiné à empêcher les chutes de pierres n'a été installé en bordure de cette route de montagne ne caractérise pas en l'espèce un défaut d'entretien normal de l'ouvrage, eu égard notamment au fait que les lieux de l'accident n'étaient pas particulièrement exposés à ce danger et à l'impossibilité de protéger efficacement la totalité de la route compte tenu du coût et des difficultés techniques que l'édification de tels ouvrages aurait comportés ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, que la signalisation appropriée avertissait les usagers du risque encouru et ce, notamment, par un panneau situé à moins de 200 mètres du lieu où est survenu l'accident ; qu'au surplus, M. B qui empruntait fréquemment cet itinéraire, connaissait le risque de chutes de pierres existant sur cette route et rappelé, ainsi qu'il a été dit-ci dessus, par une signalisation adaptée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'une surveillance régulière était exercée sur cette route, d'une part, de façon quotidienne par les agents des services de la direction départementale de l'équipement dans le cadre du plan d'exploitation de viabilité hivernale, en application au jour de l'accident, et d'autre part, par les alpinistes d'une société spécialisée dans l'inspection et l'entretien des fonds de cette nature dont le département s'était, par un marché du 3 octobre 2003, assuré les services ; que si cette surveillance n'avait permis de déceler aucun danger concernant le rocher à l'origine du décès de M. B, la chute de cette pierre s'est révélée, après expertise, imprévisible ;

Considérant que, dans ces conditions, le département de l'Aude doit être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe de l'entretien normal de la voie publique ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts A ne sont pas fondés à demander la condamnation du département de l'Aude à les indemniser du préjudice subi du fait du décès de leur fils et frère ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce et en tout état de cause, de mettre à la charge du département quelque somme que ce soit en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas plus lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts A la somme que le département de l'Aude demande en application des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 21 septembre 2007 est annulé en tant qu'il statue sur la requête présentée par les consorts A.

Article 2 : La demande des consorts A présentée devant le Tribunal administratif de Montpellier et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : La demande présentée par le département de l'Aude tendant aux versements des frais irrépétibles est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux consorts A et au département de l'Aude.

Copie en sera adressée à Me Audouin et à Me Mechinaud.

Délibéré après l'audience du 25 février 2010, où siégeaient :

M. Darrieutort, président,

M. Bédier, président assesseur,

M. Iggert, conseiller,

Lu en audience publique, le 25 mars 2010.

Le rapporteur,

J. IGGERTLe président,

J-P. DARRIEUTORT

Le greffier,

M-C. CHAVET

La République mande et ordonne M. le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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N° 07MA04927


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07MA04927
Date de la décision : 25/03/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. Julien IGGERT
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : SCP RAIMBOURG MECHINAUD MATHYS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-03-25;07ma04927 ?
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