Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2008, présentée par Me Don Simoni pour l'ASSOCIATION U LEVANTE, représentée par Mmes A et B, membres du bureau décisionnel de la direction collégiale en exercice, dont le siège est E Muchjelline RN 193 à Corte (20250) ; l'ASSOCIATION U LEVANTE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 novembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté en date du 4 juillet 2006 par lequel le maire de la commune de L'Ile-Rousse a délivré un permis de lotir à la SARL Belbori, ensemble la décision de rejet du recours gracieux ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de la commune de L'Ile-Rousse la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
..........................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions, et notamment son article 2 ;
Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 pris par le vice-président du Conseil d'Etat autorisant la cour administrative d'appel de Marseille à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mars 2010 :
- le rapport de M. Massin, rapporteur ;
- les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public ;
Considérant que par jugement du 8 novembre 2007, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de l'ASSOCIATION U LEVANTE dirigée contre l'arrêté en date du 4 juillet 2006 par lequel le maire de la commune de L'Ile-Rousse a délivré un permis de lotir à la SARL Belbori, ensemble la décision de rejet du recours gracieux ; que l'ASSOCIATION U LEVANTE interjette appel de ce jugement ;
Sur la légalité de l'arrêté du 4 juillet 2006 :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.146-4 du code de l'urbanisme : (...) III - En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée (...). ; que si un arrêté de lotir ne vaut pas par lui-même autorisation de construire, un lotissement implique nécessairement des constructions ou installations ; que, par suite, les dispositions de l'article L.146-4 du code de l'urbanisme sont opposables à une autorisation de lotir ;
Considérant que la superficie du terrain d'assiette du projet, vierge de toute construction, est de 7 604 m² ; que ce terrain situé en bordure de mer, est contigu, à l'est, d'un quartier déjà bâti en recul du littoral et jouxte à l'ouest et au sud une voie ferrée au delà de laquelle se trouve une zone urbanisée ; qu'eu égard à la barrière que forme la voie ferrée par rapport aux parties urbanisées de la commune de L'Ile-Rousse et à la superficie du terrain, ce terrain doit être regardé comme étant situé dans un espace non urbanisé ; que, par suite, l'arrêté de lotir en litige, qui comporte des prescriptions relatives à la construction, méconnaît l'article L.146-4- III du code de l'urbanisme ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L.146-4 du code de l'urbanisme : II - L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée doit être justifiée et motivée, dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau (...). ; que dès lors que les dispositions de l'article L.146-4-III du code de l'urbanisme interdisent, ainsi que cela vient d'être dit, un lotissement, les dispositions de l'article L.146-4 II du même code ne sauraient l'autoriser ; qu'en tout état de cause, en fixant à 3 802 m² la surface hors oeuvre nette maximale autorisée, pour une superficie du terrain de 7 604 m² situé dans un espace naturel, l'arrêté en litige autorise une extension non limitée de l'urbanisation et, par suite, méconnaît l'article L.146-4 II du code de l'urbanisme ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R.315-5 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : Le dossier joint à la demande est constitué des pièces ci-après : a) Une note exposant l'opération, précisant ses objectifs et indiquant les dispositions prévues pour assurer l'insertion dans le site, le respect de l'environnement et la qualité de l'architecture et pour répondre aux besoins en équipements publics ou privés découlant de l'opération projetée (...) ; g) S'il y a lieu, une copie de la lettre par laquelle l'autorité compétente fait connaître au demandeur que son dossier de demande d'autorisation de coupe ou d'abattage et, le cas échéant, d'autorisation de défrichement est complet ; h) L'étude d'impact définie à l'article R.122-3 du code de l'environnement, lorsque l'opération est située en dehors d'une commune ou partie de commune dotée d'un plan local d'urbanisme rendu public ou approuvé et permet la construction d'une surface hors oeuvre nette de 3 000 mètres carrés ou plus (...). ;
Considérant que, d'une part, la note de présentation ne donne aucune information sur les objectifs ni sur les dispositions prévues pour assurer l'insertion dans le site, le respect de l'environnement, pour répondre aux besoins en équipements publics ou privés découlant de l'opération projetée et très peu d'information sur la qualité de l'architecture ; que ces insuffisances ne sont pas compensées par les autres pièces du dossier ; que, d'autre part, la commune de L'Ile-Rousse, en raison de l'annulation de son plan d'occupation des sols par la décision du Conseil d'Etat du 30 décembre 1998, n'étant pas dotée d'un plan d'occupation des sols à la date à laquelle l'autorisation de lotir a été délivrée et la surface hors oeuvre nette maximale autorisée étant fixée à 3 802 m², le dossier joint à la demande aurait dû comporter l'étude d'impact définie à l'article R.122-3 du code de l'environnement ; que, par suite, l'arrêté en litige méconnaît l'article R.315-5 du code de l'urbanisme en ce que la note de présentation jointe au dossier est insuffisante et en ce qu'elle ne comporte pas l'étude d'impact définie à l'article R.122-3 du code de l'environnement ; qu'en revanche, l'ASSOCIATION U LEVANTE n'établit pas par sa seule affirmation selon laquelle le caractère boisé du terrain d'assiette nécessitait une demande d'autorisation de coupe ou d'abattage et, le cas échéant, d'autorisation de défrichement, que le dossier devait comporter la lettre prévue par le g) de l'article R.315-5 du code de l'urbanisme ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R.315-8 du code de l'urbanisme : Les statuts de l'association syndicale mentionnée à l'article R.315-6 doivent prévoir : a) Que seuls le lotisseur et les membres de l'association attributaires des lots qui ont donné lieu à l'obtention du certificat prévu au a ou au b de l'article R.315-36 participeront aux dépenses de gestion des équipements communs ; b) Que l'association a notamment pour objet l'acquisition, la gestion et l'entretien des terrains et équipements communs ainsi que leur cession éventuelle à une personne morale de droit public ; c) Les modalités de la désignation des organes de l'association et leur rôle aussi longtemps que l'organe d'administration de l'association n'a pas été désigné en application des dispositions de l'article R.315-6 (c) ; d) La possibilité pour tout attributaire de lot de provoquer, par ordonnance sur requête du président du tribunal de grande instance, la réunion d'une assemblée générale si le lotisseur n'a pas respecté l'engagement prévu à l'article R.315-6 (c). ;
Considérant que l'ASSOCIATION U LEVANTE soutient que les statuts de l'association syndicale méconnaissent ces dispositions ; que la SARL Belbori fait valoir que le nombre de lots destinés à l'implantation des bâtiments n'étant pas supérieur à cinq, son projet entre dans les prévisions de l'article R.315-7 du code de l'urbanisme ; qu'aux termes de l'article R.315-7 du code de l'urbanisme : Les dispositions de l'article R.315-6 ne sont pas applicables si le nombre de lots destinés à l'implantation des bâtiments n'étant pas supérieur à cinq, le lotisseur s'engage à ce que les équipements communs soient attribués en propriété divise ou indivise aux acquéreurs de lots. Il en est de même si le lotisseur justifie de la conclusion avec une personne morale de droit public d'une convention prévoyant le transfert dans le domaine de cette personne morale de la totalité des équipements communs une fois les travaux achevés. ; que la SARL Belbori ne soutient ni n'allègue avoir pris de telles dispositions ; par suite, l'arrêté en litige méconnaît l'article R.315-8 du code de l'urbanisme ;
Considérant que, pour l'application de l'article L.600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen soulevé devant le tribunal administratif de Bastia et la présente cour ne paraît, en l'état du dossier, de nature à justifier l'annulation de l'arrêté attaqué ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que l'ASSOCIATION U LEVANTE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 4 juillet 2006 par lequel le maire de la commune de L'Ile-Rousse a délivré un permis de lotir à la SARL Belbori, ensemble la décision de rejet du recours gracieux ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ASSOCIATION U LEVANTE, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande la commune de L'Ile-Rousse au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de L'Ile-Rousse une somme de 1 500 euros à payer à l'ASSOCIATION U LEVANTE au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia en date du 8 novembre 2007 et l'arrêté en date du 4 juillet 2006, ensemble la décision de rejet du recours gracieux, sont annulés.
Article 2 : La commune de L'Ile-Rousse et la SARL Belbori verseront chacune à l'ASSOCIATION U LEVANTE une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'ASSOCIATION U LEVANTE, à la commune de L'Ile-Rousse, à la SARL Belbori et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
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N° 08MA001642