Vu la requête, enregistrée le 10 mars 2008, présentée pour Mme Claire A élisant domicile ..., par Me Mouly, avocat ; Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0502937 en date du 13 décembre 2007 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, rejeté le surplus de sa demande qui tendait à obtenir l'annulation de la décision du 9 novembre 2004 de la Caisse des dépôts et consignations lui refusant le bénéfice de la majoration pour enfant, une indemnité de 100 000 euros en réparation de ses préjudices, la prise en compte dans le calcul de sa pension de retraite des deux années de bonification pour enfant, le décompte des sommes payées au titre des arriérés de pensions pour la période du 17 avril 1999 au 30 septembre 2004 et, d'autre part, fixé au 6 juin 2005 la date à compter de laquelle les intérêts légaux avaient commencé à courir ;
2°) d'ordonner à la Caisse des dépôts et consignations de lui délivrer un décompte des sommes qui lui ont été payées à titre d'arriérés de pensions pour la période de 17 avril 1999 au 30 septembre 2004 sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir et d'intégrer les deux années de bonification dans le calcul de la pension retraite qui lui est due, de condamner la Caisse à lui verser, d'une part, la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et, d'autre part, les intérêts légaux de la somme de 8 733,17 euros à compter du 29 octobre 2004 et de dire que ces intérêts seront capitalisés à compter du 29 octobre 2005 et que la somme de 68 559,31 euros a produit intérêts à compter du 29 octobre 2004 ;
3°) de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance ;
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées que le jugement paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 2010,
- le rapport de Mme Massé-Degois, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Brossier, rapporteur public ;
- et les observations de Me Guedon, substituant Me Cermolacce, pour la Caisse des dépôts et consignations ;
Considérant que Mme A, infirmière au centre hospitalier de Narbonne, a été admise à la retraite d'office pour invalidité à compter du 17 avril 1999 ; que le brevet de pension notifié le 4 mai 1999 a été annulé le 2 décembre 2003, pour vice de procédure devant la commission de réforme, par un jugement du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'avait été retenu un taux d'invalidité de 52,50 % pour la liquidation de la pension de retraite de l'intéressée ; qu'à la suite du nouvel avis de la commission de réforme rendu le 21 septembre 2004, la Caisse des dépôts et consignations a concédé à Mme A une pension d'invalidité au taux de 63,14 % et lui a versé une somme de 69 447,25 euros correspondant au rappel d'arrérages dû à compter du 17 avril 1999 pour la pension principale et la majoration spéciale pour l'assistance d'une tierce personne ;
Considérant que Mme A relève appel du jugement du 13 décembre 2007, qui lui a été notifié le 9 janvier 2008, par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, rejeté le surplus de sa demande qui tendait à obtenir l'annulation de la décision du 9 novembre 2004 de la Caisse des dépôts et consignations lui refusant le bénéfice de la majoration pour enfant, une indemnité de 100 000 euros en réparation de ses préjudices, la prise en compte dans le calcul de sa pension de retraite des deux années de bonification pour enfant, le décompte des sommes payées au titre des arriérés de pensions pour la période du 17 avril 1999 au 30 septembre 2004 et, d'autre part, fixé au 6 juin 2005 la date à compter de laquelle les intérêts légaux avaient commencé à courir ;
Sur les conclusions tendant au versement de dommages et intérêts :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin... statue en audience publique (...) : (...) 2° sur les litiges relatifs à la situation individuelle des agents publics, à l'exception de ceux concernant l'entrée au service, la discipline et la sortie du service ; (...)
7° Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 (...) ; qu'aux termes de
l'article R. 222-14 du même code alors en vigueur : Les dispositions du 7° de l'article précédent sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 8 000 euros. ;
Considérant qu'il résulte des dispositions dérogatoires ci-dessus, lesquelles sont d'interprétation stricte, que la compétence du magistrat-délégué ne s'étendait pas aux conclusions indemnitaires présentées par Mme A tendant à obtenir la somme de 100 000 euros en réparation de ses préjudices ; que, dès lors, le magistrat-désigné du tribunal administratif de Montpellier n'était pas compétent pour statuer sur lesdites conclusions ; qu'ainsi, le jugement attaqué doit, dans cette mesure, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande indemnitaire présentée par Mme A ;
Considérant que Mme A ne peut prétendre à obtenir de la Caisse des dépôts et consignations la réparation du préjudice qu'elle allègue avoir subi du fait des six années d'attente de perception d'une retraite correspondant au taux réel de son invalidité dès lors qu'il résulte de l'instruction, et notamment des motifs du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 décembre 2003 devenu définitif, que l'annulation du brevet de pension qui lui a été notifié le 4 mai 1999 trouve son fondement dans un vice de procédure imputable à la seule commission départementale de réforme de l'Aude tiré de la méconnaissance de l'article 16 de l'arrêté du 5 juin 1998 susmentionné ; que, par suite, ces conclusions mal dirigées ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur la demande de prise en compte de la majoration pour enfants :
Considérant qu'aux termes de l'article 34 du décret du 9 septembre 1965 susvisé devenu l'article 39 du décret du 26 décembre 2003 également susvisé : Le fonctionnaire qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office dans les délais prévus au troisième alinéa de l'article 30. L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension. Le taux d'invalidité est déterminé compte tenu du barème indicatif prévu pour les fonctionnaires de l'Etat par le quatrième alinéa de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite. ; qu'aux termes de l'article 34 du même décret du 26 décembre 2003 : I - Lorsque le fonctionnaire est atteint d'une invalidité d'un taux au moins égal à 60 %, le montant de la pension prévue aux articles 36 et 39 ne peut être inférieur à 50 % du traitement visé à l'article 17 (...)
III - Pour le fonctionnaire mis à la retraite au titre de l'article 36, le montant garanti prévu au premier alinéa du I ci-dessus s'applique à la seule pension rémunérant les services, la rente d'invalidité prévue à l'article 37 et la majoration spéciale prévue ci-dessus au deuxième alinéa
du I étant accordées en sus de ce montant (...) ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la majoration pour enfants est calculée non sur le montant de la pension d'invalidité mais sur le montant de la pension de retraite dont le minimum est égal à 50 % des émoluments de base ; que si le taux d'invalidité de la requérante était de 36 % au titre du brevet de pension établi en 1999, il est constant qu'il a été porté à 63,14 % en 2004 ; qu'ainsi, la bonification pour enfants prise en compte initialement ne pouvait plus l'être à l'issue du nouveau calcul de sa pension ; que, par suite, en liquidant la majoration pour enfants sur la base de la pension de retraite dont le montant a été porté à 50 % des émoluments de base, le directeur de la Caisse des dépôts et consignations a fait, ainsi que l'a jugé le tribunal, une exacte application des dispositions précitées ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts sur la somme de 68 559,31 euros :
Considérant qu'en cas de manquement par un débiteur à une obligation de payer, la réparation des conséquences du retard de paiement est régie par les dispositions de l'article 1153 du code civil aux termes duquel : Dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal (...). Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance. ;
Considérant qu'à la suite de l'annulation du brevet de pension notifié le 4 mai 1999 à Mme A, il ressort des pièces du dossier que l'administration a informé Mme A de la régularisation de sa situation par lettres des 5 avril et 4 mai 2007 à hauteur de 68 559,31 euros et de 8 733,17 euros en procédant à un rappel des arriérés de pension pour la période du 1er janvier 2000 au 30 septembre 2004 et pour celle du 17 avril au 31 décembre 1999 ; qu'il n'est pas soutenu que lesdites sommes intégreraient lesdits intérêts sollicités ; qu'ainsi, Mme A a droit aux intérêts au taux légal calculés sur les sommes de 68 559,31 euros et de 8 733,17 euros correspondant aux arriérés de pension perçus à compter, non de la date du 6 juin 2005 correspondant à la date d'enregistrement de sa requête devant le tribunal administratif, mais à compter du 9 novembre 2004, date à laquelle la Caisse des dépôts et consignations a répondu à la première mise en demeure de Mme A tendant à obtenir lesdits intérêts sur les sommes dues à compter du 17 avril 1999 ; qu'à compter de la date du 9 novembre 2004, les intérêts n'étaient pas dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, de ne faire droit à la demande de capitalisation des intérêts des sommes de 68 559,31 euros et de 8 733,17 euros qu'à la date du 9 novembre 2005 et à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;
Considérant, d'une part, que la présente décision n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de Mme A tendant à ce que la Cour ordonne à la Caisse des dépôts et consignations de lui délivrer un décompte des sommes qui lui ont été payées à titre d'arriéré de pensions pour la période du 17 avril 1999 au 30 septembre 2004, à supposer qu'elles soient fondées sur les dispositions précitées du code de justice administrative, ne sont, dès lors, pas recevables ;
Considérant, d'autre part, qu'en dehors du cas prévu par l'article L. 911-1 précité du code de justice administrative, il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration ; que, par suite, les conclusions de Mme A tendant à ce que la Cour ordonne que la Caisse des dépôts et consignations lui délivre un décompte des sommes qui lui ont été payées à titre d'arriéré de pensions pour la période du 17 avril 1999 au 30 septembre 2004 sont irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme de 1 500 euros que la Caisse des dépôts et consignations demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations le versement à Mme A de la somme de 1 500 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 0502937 du 13 décembre 2007 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires de Mme A.
Article 2 : La Caisse des dépôts et consignations est condamnée à verser à Mme A les intérêts calculés sur la somme de 68 559,31 euros (soixante-huit mille cinq cent
cinquante-neuf euros et trente et un centimes) et sur la somme de 8 733,17 euros (huit mille
sept cent trente-trois euros et dix-sept centimes) à compter de la date du 9 novembre 2004 capitalisés à compter du 9 novembre 2005.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.
Article 4 : Le jugement n° 0502937 du 13 décembre 2007 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : La Caisse des dépôts et consignations versera à Mme A la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des frais d'instance.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Claire A et à la Caisse des dépôts et consignations et au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
''
''
''
''
N° 08MA01233 2