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25/02/2010 | FRANCE | N°08MA01803

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 25 février 2010, 08MA01803


Vu la requête, enregistrée le 3 avril 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA01803, présentée par Me Gourinchas, avocat, pour M. Frédéric B, demeurant ... ;

M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601209 du 21 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 28 juin 2005 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement pour motif économique, de la décision implicite par laquelle le ministre de l'emploi, de la

cohésion sociale et du logement a rejeté son recours hiérarchique formé à l...

Vu la requête, enregistrée le 3 avril 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA01803, présentée par Me Gourinchas, avocat, pour M. Frédéric B, demeurant ... ;

M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601209 du 21 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 28 juin 2005 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement pour motif économique, de la décision implicite par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a rejeté son recours hiérarchique formé à l'encontre de cette décision, et de la décision en date du 26 décembre 2005 par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a annulé la décision de l'inspectrice du travail et confirmé l'autorisation de son licenciement ;

2°) d'annuler la décision du 28 juin 2005 de l'inspectrice du travail et les décisions susmentionnées du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 2010 :

- le rapport de Mme Chenal-Peter, rapporteur ;

- les conclusions de M. Dieu, rapporteur public ;

Considérant que M. Frédéric B a été embauché le 20 octobre 1997 par la société Comptoir Languedocien de Produits Verriers (C.L.P.V) en qualité de chef d'équipe, responsable de ligne Lenhardt, qu'il y était délégué syndical, représentant syndical au sein du comité d'entreprise et membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; qu'à la suite du placement de cette société en redressement judiciaire, le Tribunal de commerce de Beziers, par jugement du 11 mai 2005, a prononcé la cession de l 'entreprise au profit de la société Riou Gestion et a autorisé l'administrateur judiciaire à procéder au licenciement économique de 43 salariés de la société Comptoir Languedocien de Produits Verriers ; que par décision en date du 28 juin 2005, l'inspectrice du travail a autorisé l'administrateur judiciaire à procéder au licenciement de M. B, dont le poste de responsable de ligne Lenhardt figurait parmi les licenciements économiques énumérés par le jugement précité ; qu'à la suite du recours hiérarchique exercé par M. B à l'encontre de cette décision, le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, par une décision en date du 26 décembre 2005, annulé la décision de l'inspectrice du travail, et a de nouveau accordé l'autorisation de licenciement sollicitée ; que, par un jugement du 21 décembre 2007, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. B tendant à l'annulation de la décision du 28 juin 2005 de l'inspectrice du travail, de la décision implicite par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement aurait rejeté son recours hiérarchique et de la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité du 26 décembre 2005 ; que M. B relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu' il résulte de l'examen de la minute dudit jugement que l'ensemble des moyens du requérant y sont mentionnés, et en particulier le moyen tiré de l'absence de motivation de la décision de l'inspectrice du travail et des décision ministérielles ; que les premiers juges ont considéré que la décision ministérielle du 26 décembre 2005 était suffisamment motivée en droit et en fait et qu'en ce qui concerne la décision de l'inspectrice ce moyen était inopérant ; qu'ainsi, M. B n'est pas fondé à soutenir que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à chaque argument de la demande, aurait omis de répondre au moyen tiré du caractère sélectif de la motivation des décisions attaquées ;

Considérant, en second lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la décision ministérielle du 26 décembre 2005 a, d'une part, annulé la décision de l'inspectrice du travail, et, d'autre part, a de nouveau accordé l'autorisation de licenciement sollicitée ; que toutefois, l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail n'était pas devenue définitive, dès lors que la décision du ministre avait été contestée devant le Tribunal administratif de Montpellier ; que par suite, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les conclusions de M. B tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail étaient irrecevables ; que dès lors, M. B est fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier sur ce point et par suite, à en demander l'annulation, en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail comme étant irrecevables ;

Considérant, d'une part, qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur lesdites conclusions ; que d'autre part, il y a lieu d'examiner les autres conclusions présentées par M. B dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel ;

Sur les conclusions de M. B tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a rejeté son recours hiérarchique :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 436-6 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2001-522 du 20 juin 2001 : Le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que le salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. (...) Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet. ; qu'il résulte de ces dispositions que le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement pouvait retirer la décision prise le 28 juin 2005 par l'inspectrice du travail, en raison de son illégalité, à condition que sa décision fût prise dans un délai de quatre mois à compter de la réception du recours hiérarchique formé par M. B contre cette décision, soit le 26 août 2005 ; que le ministre a pris sa décision le 26 décembre 2005, soit avant l'expiration du délai de quatre mois dont il disposait ; que la circonstance que cette décision n'a été notifiée à M. B que le 28 décembre 2005, et donc après l'expiration du délai de quatre mois imparti au ministre, est sans incidence sur sa légalité ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient le requérant, le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement n'a pris aucune décision rejetant implicitement son recours hiérarchique, dès lors que sa décision expresse de rejet est intervenue dans le délai de quatre mois prévu à l'article R. 436-6 du code du travail ; que dans ces conditions, le ministre est fondé à soutenir que les conclusions de M. B tendant à l'annulation d'une telle décision implicite de rejet sont irrecevables ;

Sur la légalité de la décision du 28 juin 2005 de l'inspectrice du travail et de la décision du 26 décembre 2005 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 321-1 du code du travail : Constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou des mutations technologiques ;

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, en particulier celles de son article L. 425-1, le licenciement des délégués syndicaux et des membres du comité d'entreprise, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié concerné, y compris lorsque l'entreprise fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ;

Considérant que, par un jugement du 9 février 2005, le Tribunal de commerce de Béziers a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Comptoir Languedocien de Produits Verriers ; que, par un jugement du 11 mai 2005, ce même Tribunal a ordonné la cession de l'entreprise au profit de la société Riou Gestion et a autorisé l'administrateur judiciaire à procéder au licenciement économique de 43 salariés de la société Comptoir Languedocien de Produits Verriers ;

Considérant que si la décision du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement du 26 décembre 2005 mentionne que Me A, l'administrateur judiciaire, a constaté l'impossibilité de reclassement de M. B au sein de la société cessionnaire, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cette possibilité ait été examinée dès lors que tant dans le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 8 juin 2005 que dans la lettre du 1er juillet 2005 notifiant son licenciement à M. B, Me A précise n'avoir examiné que les possibilités de reclassement au sein du groupe CLPV, qui comprenait la société CLPV et la société Glaces et verres du Languedoc, pour en conclure que cela n'était pas possible, et les possibilités de reclassement externe, dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'il résulte ainsi des termes mêmes de cette lettre que la matérialité des efforts de Me A pour reclasser M. B n'est pas établie, et en particulier qu'il n'a pas examiné les possibilités de reclassement au sein de la société Riou Gestion, alors que ce groupe est spécialisé dans la transformation de verre et comptait 200 employés ; que, par suite, M. B est fondé à soutenir qu'en s'abstenant d'examiner si une possibilité d'assurer son reclassement dans la société Riou Gestion existait, l'administrateur judiciaire ne peut être regardé comme ayant satisfait à l'obligation lui incombant, et que par suite, l'inspectrice du travail et le ministre étaient tenus, pour ce seul motif, de refuser l'autorisation sollicitée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B est fondé à demander l'annulation de la décision en date du 28 juin 2005 de l'inspectrice du travail, de la décision du 26 décembre 2005 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement et du jugement en date du 21 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0601209 du 21 décembre 2007 du Tribunal administratif de Montpellier, la décision en date du 28 juin 2005 de l'inspectrice du travail et la décision du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement du 26 décembre 2005 sont annulés ;

Article 2 : L'Etat versera à M. B une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3: Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Frédéric B, au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement et à Me A en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société CLPV.

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N° 08MA01803 5

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA01803
Date de la décision : 25/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: Mme Anne-Laure CHENAL-PETER
Rapporteur public ?: M. DIEU
Avocat(s) : MICHEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-02-25;08ma01803 ?
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