La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/2009 | FRANCE | N°07MA02534

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 11 juin 2009, 07MA02534


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 07MA02534, le 6 juillet 2007, présentée pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MARSEILLE-PROVENCE agissant par son représentant légal en exercice et dont le siège est ..., par la SCP d'avocats Uettwiller, Grelon, Gout, Canat et associés ;

La CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MARSEILLE-PROVENCE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401541 du 9 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de

la société Catering Aérien au versement d'une somme de 714 896,68 euros ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 07MA02534, le 6 juillet 2007, présentée pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MARSEILLE-PROVENCE agissant par son représentant légal en exercice et dont le siège est ..., par la SCP d'avocats Uettwiller, Grelon, Gout, Canat et associés ;

La CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MARSEILLE-PROVENCE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401541 du 9 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Catering Aérien au versement d'une somme de 714 896,68 euros TTC au titre de la part variable de la redevance domaniale, et l'a condamnée au versement d'une somme de 717 320, 12 euros en faveur de la société Catering ;

2°) de condamner la société Catering Aérien à payer à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE MARSEILLE-PROVENCE la somme de 714 896, 68 euros augmentée des intérêts moratoires à compter de la demande ;

3°) de condamner la société Catering Aérien à lui verser une somme de 5000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2009 :

- le rapport de Mlle Josset, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Dieu, rapporteur public ;

- les observations de Me Neckebroeck substituant Me Marfaing pour la Société Catering Aérien et les observations de Me Hansen substituant Me Dal Farra pour la CCI Marseille-Provence ;

Considérant que, par une convention en date du 4 octobre 2000, la société Catair Marseille devenue Catering Aérien a été autorisée par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE MARSEILLE-PROVENCE (CCIMP) à occuper en zone de fret de l'aéroport de Marseille Provence une parcelle d'une superficie de 5770 m² en vue d'y édifier un bâtiment à usage de fabrication de plateaux repas et de stockage de marchandises ; qu'en contrepartie de cette autorisation, la société s'est engagée à verser une redevance annuelle, comportant une part fixe correspondant à l'occupation des entrepôts et une part variable représentant 12% du chiffre d'affaires HT réalisé par l'activité de fabrication des prestations alimentaires destinées à être mises à bord des avions ; que la société Catering Aérien estimant que cette partie variable de la redevance était indue ne s'est plus acquittée du paiement de ladite part variable de la redevance ; que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE MARSEILLE-PROVENCE a alors demandé au Tribunal administratif de Marseille de condamner la société Catering Aérien au versement d'une somme de 714 896,68 euros TTC au titre de la part variable de la redevance domaniale ; que la CCIMP fait appel du jugement du 9 mai 2007 par lequel le tribunal a rejeté sa demande et l'a condamnée à rembourser à cette société une somme de 717 320, 12 euros qu'elle avait acquittée au titre de cette redevance jusqu'au 31 juin 2002 ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 224-1 du code de l'aviation civile dans sa rédaction applicable au présent litige : Sur tout aérodrome ouvert à la circulation Aérienne publique, les services rendus aux usagers et au public donnent lieu à une rémunération, sous la forme de redevances perçues au profit de la personne qui fournit le service, notamment à l'occasion des opérations suivantes : Atterrissage des aéronefs ; Usage des dispositifs d'assistance à la navigation Aérienne ; Stationnement et abri des aéronefs ; Usage des installations aménagées pour la réception des passagers et des marchandises ; Usage d'installations et d'outillages divers ; Occupation de terrains et d'immeubles ; Visite de tout ou partie des zones réservées de l'aérodrome. Les redevances devront être appropriées aux services rendus... ; que l'article D. 216-6 du même code dispose que la rémunération perçue par le gestionnaire de l'aérodrome pour l'accès aux installations dans le cadre des services d'assistance en escale doit être déterminée en fonction de critères pertinents, objectifs, transparents et non discriminatoires ;

Considérant que la rémunération perçue par le gestionnaire de l'aérodrome pour l'accès aux installations dans le cadre des services d'assistance en escale est, en raison même de son objet, au nombre des redevances visées par les dispositions précitées de l'article R. 224-1 et non par l'article R. 56 du code du domaine de l'Etat, devenu l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques ; qu'en conséquence, la rémunération perçue par le gestionnaire de l'aéroport sur les prestataires des services d'assistance en escale qui occupent une dépendance du domaine aéroportuaire doit tenir compte de la valeur du terrain, s'agissant de la part fixe, et du service rendu par le gestionnaire de l'aéroport envers les usagers du service aéroportuaire, s'agissant de la part variable ;

Considérant que, pour être légalement établie, une redevance pour services rendus doit essentiellement trouver une contrepartie directe dans la prestation fournie par le service ou, le cas échéant, dans l'utilisation de l'ouvrage public et , par conséquent, doit correspondre à la valeur de la prestation ou du service ; que si l'objet du paiement que l'administration peut réclamer à ce titre est en principe de couvrir les charges du service public, il n'en résulte pas nécessairement que le montant de la redevance ne puisse excéder le coût de la prestation fournie ; qu'il s'ensuit que le respect de la règle d'équivalence entre le tarif d'une redevance et la valeur de la prestation ou du service peut être assuré non seulement en retenant le prix de revient de ce dernier , mais aussi, en fonction des caractéristiques du service, en tenant compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire ; que, dans tous les cas, le tarif doit être établi selon des critères objectifs et rationnels, dans le respect du principe d'égalité entre les usagers du service public et des règles de la concurrence ; que la valeur du service rendu à la société Catering Aérien pour la période litigieuse n'est donc pas limitée à la valeur locative des biens immobiliers mis à sa disposition mais doit être également appréciée au regard des avantages de toute nature que la société a retirés de l'utilisation du terrain lui permettant d'exercer son activité ; que la fixation d'un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé par la société, pour évaluer le coût du service qui lui est rendu, est ainsi un critère pertinent, objectif et transparent ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les sommes versées par la société Catering Aérien à la CCIMP pendant la période litigieuse, au titre de la part variable de la convention du 4 octobre 2000, n'ont pas trouvé leur contrepartie dans les avantages retirés de l'utilisation du service rendu ; qu'il suit de là que la CCIPM est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande motif pris de ce que ladite part variable n'avait pas été établie en considération du service rendu ; qu'il y a donc lieu d'annuler le jugement et pour la Cour de statuer, par la voie de l'effet dévolutif, sur les autres moyens soulevés tant en première instance qu'en appel ;

Sur l'illégalité de la convention :

Considérant qu'aux termes de l'article R.224-2 du même code : Les conditions d'établissement et de perception des redevances pour : atterrissage des aéronefs de six tonnes et plus ; usage des dispositifs d'assistance à la navigation Aérienne par les aéronefs de six tonnes et plus ; stationnement des aéronefs de six tonnes et plus ; usage des installations aménagées pour la réception des passagers et des marchandises ; installation de distribution de carburants d'aviation, sont déterminés par arrêté interministériel pris après avis du Conseil supérieur de l'aviation marchande... ; qu'aux termes de l'article R.224-3 du code précité : Les redevances autres que celles mentionnées à l'article précédent sont fixées par la personne qui fournit les services. Les décisions fixant ces redevances ne deviennent applicables à l'égard des usagers et du public que dix jours après qu'elles ont été portées à la connaissance de ces derniers, soit par notification individuelle soit par affichage ou insertion dans un journal d'annonces légales. Les décisions en cause doivent avant leur mise en application être communiquées au ministre chargé de l'aviation civile ... ;

Considérant que l'activité de la société Catering Aérien consiste à charger et à décharger de la nourriture et des boissons dans les avions ; que la rémunération de cette activité qui n'est pas au nombre de celles prévues par l'article R.224-2 précité au titre de l'activité d'assistance en escale pouvait être fixée par la chambre de commerce et d'industrie ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est même pas allégué qu'une décision ait été prise par ladite chambre de commerce et d'industrie, ni à fortiori qu'elle ait notifiée ou affichée puis communiquée au ministre chargée de l'aviation civile ; que dans ces conditions, l'autorité signataire de la convention ne pouvait légalement inclure dans cette convention une clause fixant la part variable de la redevance dont s'agit ; que, dès lors, les stipulations de l'article 11 de la convention du 4 octobre 2000 sont, dans cette mesure, nulles et n'ont pu faire naître d'obligations entre les parties ; qu'en outre, cette clause relative à la perception des redevances aéroportuaires constitue une clause essentielle du contrat et n'est pas divisible de ce contrat ; que compte tenu du caractère indivisible de cette clause dans l'équilibre du contrat, il y a lieu de déclarer nul l'ensemble du contrat ; que, dans ces conditions, la demande de la CCIMP présentée devant le tribunal doit être rejetée en tant qu'elle est fondée sur ledit contrat ;

Considérant que, toutefois, lorsque le juge, saisi d' un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d'office, la nullité du contrat, les cocontractants peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l'enrichissement sans cause que l'application du contrat frappé de nullité a apporté à l'un d'eux , bien que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles ;

Considérant qu'en raison de la nullité de la convention précitée, les sommes réclamées à la société Catering Aérien ne peuvent trouver leur base légale dans cette convention et doivent donc en application de l'article R. 224-1 du code de l'aviation civile, être calculées en fonction de la valeur des services rendus et être appropriées à ces derniers ; qu'ainsi qu'il a déjà été dit, il ne résulte pas de l'instruction que les sommes versées par la société Catering Aérien à la CCIMP pendant la période litigieuse, au titre de la part variable de la convention du 4 octobre 2000, n'ont pas trouvé leur contrepartie dans les avantages retirés de l'utilisation du service rendu ; qu'il ne résulte pas d'avantage de l' instruction que le taux de 12% qui a été appliqué méconnaîtrait le principe d'égalité entre les usagers du service public, et, ou, qu'il ferait obstacle à l'activité concurrentielle de la société ; qu'il suit de là que la CCIMP est fondée à demander la condamnation de la société Catering Aérien à lui verser une somme de 714.896,68 €, dont le calcul n'est pas contesté, correspondant aux avantages de toute nature que la société a retiré de l'utilisation du terrain dont s'agit lui permettant d'exercer son activité pendant la période litigieuse ;

Sur les intérêts :

Considérant que si la CCIMP demande que la somme de 714.896,68 € soit augmentée des intérêts au taux légal à compter, pour chaque facture, de sa présentation initiale à la société Catering Aérien, elle ne produit aucune pièce de nature à justifier de la réception de ces factures par ladite société ; que par suite, lesdits intérêts ne pourront courir qu'à compter du 27 février 2004, date d'enregistrement de sa requête devant le tribunal ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 27 février 2004 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 27 février 2005, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur l'appel incident de la société Catering Aérien :

Considérant que si la société Catering Aérien demande que lui soient remboursées les sommes versées au titre des redevances aéroportuaires des mois de janvier 2000 à juin 2002, soit antérieurement à la période litigieuse, cette demande ne peut, par voie de conséquence et sur le même fondement de l'enrichissement sans cause invoqué par la CCIMP qu'être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la CCIMP, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie essentiellement perdante, la somme que la société Catering Aérien demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Catering Aérien une somme de 1.500 euros au titre des frais exposés par la CCIMP et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er: Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Marseille du 9 mai 2007 est annulé.

Article 2 : La société Catering Aérien est condamnée à payer une somme de 714.896,68 € à la CCIMP ; cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 février 2004 ; Les intérêts dus porteront eux-mêmes intérêts à compter du 27 février 2005, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : La société Catering Aérien versera à la CCIMP une somme de 1.500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et l'appel incident de la société Catering Aérien sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la CCIMP, à la société Catering Aérien, et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

''

''

''

''

N° 07MA02534 2

sm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07MA02534
Date de la décision : 11/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: Melle Muriel JOSSET
Rapporteur public ?: M. DIEU
Avocat(s) : DAL FARRA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2009-06-11;07ma02534 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award