La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/04/2009 | FRANCE | N°06MA02638

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 16 avril 2009, 06MA02638


Vu la requête, enregistrée le 31 août 2006, présentée pour la SARL BAYATEX, représentée par son gérant, dont le siège social est situé 29, rue de Pressense à Marseille (13 001), par Me Rebuffat-Haddad ;

La SARL BAYATEX demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0203792-0309613 en date du 29 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de l'avis de mise en recouvrement émis le 17 juillet 2003 par le receveur principal des impôts du 1er arrondissement de Marseille pour obtenir paiement

des amendes prévues à l'article 1840 N sexies du code général des impôts et, ...

Vu la requête, enregistrée le 31 août 2006, présentée pour la SARL BAYATEX, représentée par son gérant, dont le siège social est situé 29, rue de Pressense à Marseille (13 001), par Me Rebuffat-Haddad ;

La SARL BAYATEX demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0203792-0309613 en date du 29 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de l'avis de mise en recouvrement émis le 17 juillet 2003 par le receveur principal des impôts du 1er arrondissement de Marseille pour obtenir paiement des amendes prévues à l'article 1840 N sexies du code général des impôts et, d'autre part, à la décharge de l'obligation de payer résultant de cet avis de mise en recouvrement et de la mise en demeure qui lui a été adressée le 13 août 2003 ;

2°) de prononcer l'annulation de l'avis de mise en recouvrement en date du 17 juillet 2003 ainsi que celle de la mise en demeure du 14 septembre 2004, qui a remplacé celle qui lui a été adressée le 13 août 2003 ;

3°) de constater que la prescription quadriennale lui est acquise depuis le 31 décembre 2001 s'agissant de l'exercice clos le 31 décembre 1997 et depuis le 31 décembre 2002 s'agissant de l'exercice clos le 31 décembre 1998 ;

4°) à titre subsidiaire, de prononcer la caducité du procès-verbal du 7 avril 2000 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

...........................................................

Vu le jugement attaqué ;

..............................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu la loi du 22 octobre 1940 relative aux règlements par chèques et virements ;

Vu la loi n° 2005-882 du 5 août 2005 ;

Vu l'ordonnance n° 2000-1223 du 14 décembre 2000 ;

Vu l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités ;

Vu l'ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mars 2009 :

- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;

Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a infligé à la SARL BAYATEX, qui a pour activité l'import-export et la vente en gros de textiles de confections et de produits d'hygiène, des amendes prévues à l'article 1840 N sexies du code général des impôts pour infractions, constatées par procès-verbal en date du 7 avril 2000, à la législation relative aux règlements par chèques ; que la SARL BAYATEX demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 29 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de l'avis de mise en recouvrement émis le 17 juillet 2003 par le receveur principal des impôts du 1er arrondissement de Marseille pour obtenir paiement de ces amendes et, d'autre part, à la décharge de l'obligation de payer résultant de cet avis de mise en recouvrement et de la mise en demeure du 14 septembre 2004, qui a remplacé une précédente mise en demeure du 13 août 2003 ;

Sur la régularité du jugement attaqué et sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de la requête :

Considérant qu'il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Marseille a estimé qu'il était saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre la décision infligeant à la SARL BAYATEX les amendes prévues par l'article 1840 N sexies du code général des impôts, alors que ce recours relevait du plein contentieux ; que, par suite, le jugement doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la SARL BAYATEX présentée devant le Tribunal administratif de Marseille ;

Sur l'application de l'amende prévue par les dispositions combinées de l'article 1840 J du code général des impôts et des deuxième et troisième phrases de l'article L.112-7 du code monétaire et financier :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940, modifié par l'article 80 de la loi du 23 décembre 1988, en vigueur à la date des infractions constatées : Les règlements qui excèdent la somme de cinq mille francs ou qui ont pour objet le paiement par fraction d'une dette supérieure à ce montant, portant sur les loyers, les transports, les services, fournitures et travaux ou afférents à des acquisitions d'immeubles ou d'objets mobiliers ainsi que le paiement des produits de titres nominatifs et des primes ou cotisations d'assurance doivent être effectués par chèque barré, virement ou carte de paiement ou de crédit (...) ; qu'aux termes de l'article 1840 N sexies du code général des impôts, applicable à la même date : Les infractions aux dispositions de l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940 relatives aux règlements par chèques et virements, modifiée, qui prescrit d'effectuer certains règlements par chèque barré ou par virement bancaire ou postal, sont punies d'une amende fiscale dont le montant est fixé à 5 p. 100 des sommes indûment réglées en numéraire. Cette amende, qui est recouvrée comme en matière de timbre, incombe pour moitié au débiteur et au créancier, mais chacun d'eux est solidairement tenu d'en assurer le règlement total ;

Considérant toutefois que les dispositions de l'article 1840 N sexies du code général des impôts, applicables à la date des infractions commises par la SARL BAYATEX, ont été modifiées par la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises et par l'ordonnance du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités ; que les infractions aux dispositions de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, qui ont procédé à la codification de l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940, sont passibles désormais, en vertu des dispositions combinées de l'article 1840 J du code général des impôts et des deuxième et troisième phrases de l'article L. 112-7 du code monétaire et financier, d'une amende fiscale dont le montant ne peut excéder 5 % des sommes indûment réglées en numéraire ; qu'il appartient au juge administratif, statuant comme juge de plein contentieux, de faire application des textes en vigueur à la date à laquelle il statue ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompatibilité de la loi du 22 octobre 1940 avec le droit communautaire :

Considérant que l'obligation, prévue par les dispositions de la loi du 22 octobre 1940 modifiée, reprises à l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, d'effectuer des règlements en espèce excédant un certain montant, répond à des préoccupations d'intérêt général en facilitant les contrôles effectués par l'administration fiscale ainsi que la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants ou d'activités illicites ; que cette obligation s'étend à l'ensemble des paiements effectués en France, qu'ils soient afférents à des échanges internes ou internationaux et quelle que soit la nationalité des acteurs économiques ; que, par suite, les dispositions en cause ne peuvent être regardées comme contraires aux principes de libre circulation des biens, de liberté des prestations et de libre circulation des capitaux, prévus par le traité instituant la communauté européenne ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité du procès-verbal de constat des infractions :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les infractions ont été constatées par l'établissement, le 7 avril 2000, d'un procès-verbal dont il n'est pas contesté qu'il a été remis au gérant de la société ; que ce procès-verbal portait à la connaissance de la société le montant des paiements effectués en espèces en infraction avec les dispositions de l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940, pour des sommes respectives de 37 647 100 francs en 1997 et de 25 895 300 francs en 1998, comportait en annexe les extraits du grand-livre de la société faisant apparaître le détail des opérations constituant les infractions et rappelait à la société qu'elle était passible de l'amende de 5 % des sommes payées en numéraire prévue à l'article 1840 N sexies du code général des impôts ; que la société requérante a ainsi été en mesure de contester la matérialité des infractions qui lui étaient reprochées et de présenter ses observations en défense, ce qu'elle a d'ailleurs fait par correspondance du 2 août 2002 ; qu'il résulte des constatations qui précèdent que les droits de la défense ont été respectés ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne subordonne la validité du procès-verbal de constat des infractions à la désignation précise des clients concernés par les versements en espèces ;

Considérant, en troisième lieu, que la société requérante ne peut utilement se prévaloir des termes de l'instruction administrative référencée 13 K-1-83 du 23 mars 1983 et de la documentation administrative de base référencée 7 M-321 à jour au 1er septembre 1997, qui sont relatives à la procédure d'établissement des amendes litigieuses et qui, énoncent, s'agissant de l'identification de chaque contrevenant, de simples recommandations ;

En ce qui concerne la matérialité des infractions :

Considérant que la société requérante ne conteste pas la matérialité des règlements en espèces effectués en infraction avec les dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940 ; que la circonstance que la majorité de sa clientèle aurait été constituée de ressortissants étrangers ne disposant pas de comptes bancaires ou de chéquiers ne saurait disqualifier les infractions ainsi constatées ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la prescription des amendes :

Considérant qu'aux termes de l'article L.188 du livre des procédures fiscales : Le délai de prescription applicable aux amendes fiscales concernant l'assiette et le paiement des droits, taxes, redevances et autres impositions est le même que celui qui s'applique aux droits simples et majorations correspondants. Pour les autres amendes fiscales, la prescription est atteinte à la fin de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle les infractions ont été commises (...) ; et qu'aux termes de l'article L.189 du même livre : La prescription est interrompue par (...) la notification d'un procès-verbal ;

Considérant que les amendes en cause, bien que recouvrées comme en matière de timbre, ne revêtent ni le caractère d'un droit de timbre ni celui d'un impôt direct ou indirect mais constituent une sanction administrative ; que, par suite, les règles de prescription qui leur sont applicables sont celles définies à l'article L.188 précité du livre des procédures fiscales ;

Considérant que le délai de prescription prévu à cet article expirait le 31 décembre 2001 en ce qui concerne l'amende relative aux faits intervenus en 1997 et le 31 décembre 2002 en ce qui concerne l'amende relative aux faits intervenus en 1998 ; que ce délai a été interrompu, en application des dispositions susmentionnées de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales, par le procès-verbal de constat des infractions commises par la société en 1997 et 1998, établi le 7 avril 2000 ; que cet acte interruptif a fait courir à compter de la date du 7 avril 2000 un délai de prescription de même durée que celui auquel il s'est substitué et venant à expiration le 31 décembre 2004 ; que, par suite, le 17 juillet 2003, à la date de mise en recouvrement des amendes, la prescription n'était pas acquise à la société ; qu'en outre, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des termes de la documentation administrative de base référencée 13 L-1217 à jour au 30 avril 1994, qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale, ou de ceux de la documentation d'un éditeur privé ;

En ce qui concerne le montant des amendes :

Considérant que les nouvelles dispositions combinées de l'article 1840 J du code général des impôts et des deuxième et troisième phrases de l'article L. 112-7 du code monétaire et financier ont substitué une amende dont le montant maximum peut atteindre 5 % des sommes indûment réglées en numéraire à une amende qui était antérieurement égale à 5 % de ces sommes ; que le montant de l'amende doit être modulé, en fonction des circonstances propres à chaque espèce, sans que celui-ci atteigne nécessairement le plafond fixé par la loi ; que, dès lors, ces nouvelles dispositions issues de la loi du 2 août 2005 et de l'ordonnance du 7 décembre 2005 prévoient des peines moins sévères que la loi ancienne ; que, par suite, il y a lieu pour la Cour, statuant comme juge de plein contentieux sur la demande de la SARL BAYATEX, d'appliquer ces dispositions aux infractions commises par la société ;

Considérant que la société requérante soutient que les paiements en espèces ayant donné lieu à l'amende litigieuse s'expliquent par la circonstance qu'il ne lui était pas possible d'obtenir de ses clients, compte tenu des pratiques commerciales de ceux-ci, des règlements par chèque ou par virement ; qu'il n'est pas allégué par l'administration que ces versements auraient été effectués dans le cadre d'un circuit de blanchiment d'argent ; que, toutefois, la société requérante a commis des infractions nombreuses portant sur des montants importants ; que, par suite, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de fixer le montant des amendes à 4 % des sommes indûment réglées en numéraire, soit 4 % de 37 647 100 francs en 1997 et 4 % de 25 895 300 francs en 1998 ; que les amendes seront ainsi fixées à un montant de 229 570,54 euros (1 505 884 francs) au titre de l'année 1997 et de 157 908,52 euros (1 035 812 francs) au titre de l'année 1998 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL BAYATEX est seulement fondée à demander la réduction dans cette mesure du montant des amendes qui lui ont été infligées et la décharge, à due concurrence, de l'obligation de payer résultant de la mise en demeure du 14 septembre 2004 ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL BAYATEX et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement en date du 29 juin 2006 du Tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : Les amendes mises à la charge de la SARL BAYATEX sont fixées à un montant s'élevant à 4 % des sommes indûment réglées en numéraire, soit 229 570,54 euros au titre de l'année 1997 et 157 908,52 euros au titre de l'année 1998.

Article 3 : La SARL BAYATEX est déchargée de la différence entre le montant des amendes mises à sa charge par l'avis de mise en recouvrement du 17 juillet 2003 et la mise en demeure qui lui a été adressée le 14 septembre 2004 et celui fixé à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : L'Etat versera à la SARL BAYATEX la somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus de la demande présentée par la SARL BAYATEX devant le Tribunal administratif de Marseille et de ses conclusions d'appel est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL BAYATEX et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

''

''

''

''

2

N° 06MA002638


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06MA02638
Date de la décision : 16/04/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : SCP REBUFFAT HADDAD LAVIGNAC

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2009-04-16;06ma02638 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award