Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2008, présentée pour M. Gérard X, demeurant ..., par Me de Lataillade ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 0804524 du 14 août 2008 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang à lui verser à titre de provision une somme de 80 000 euros ;
2°) de condamner ledit établissement à lui verser une provision de 80 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Établissement français du sang une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le code de justice administrative ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 2009 :
- le rapport de M. Iggert, conseiller,
- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;
- les observations de Me de Lataillade pour M. Gérard X ;
- les observations de Me Béraud, substituant Me Penso pour l'Etablissement français du sang ;
- les observations de Me Lasalarier, substituant Me Daumas pour la société Axa assurances IARD ;
Considérant que M. X interjette appel de l'ordonnance du 14 août 2008 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang à lui verser à titre de provision une somme de 80 000 euros ;
Sur le bien-fondé de la demande de provision :
Considérant qu'aux termes de l'article R.541-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ;
En ce qui concerne le principe de l'obligation :
Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise médicale établi à la demande du président du Tribunal administratif de Marseille que le diagnostic d'hépatite C a été établi chez M. X en mai 1998 mais avait été évoqué dès janvier 1985 ; que M. X ne présentait aucun comportement l'exposant à un risque de contamination ; que l'expert estime probable la contamination le 22 novembre 1982 au cours de l'intervention de double pontage aorto-coronarien, par la transfusion d'au moins 4 culots globulaires et 2 plasmas lyophilisés ; qu'ainsi,
M. X apporte un faisceau d'éléments conférant à l'hypothèse de sa contamination par les transfusions qu'il a subies au cours des interventions de 1981 et 1982 un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que les comptes rendus opératoires d'août 1981 n'ont pu être retrouvés et que ceux relatifs au 22 novembre 1982 ne comportent pas d'identification des produits sanguins transfusés ; que l'Etablissement français du sang, qui se borne à affirmer qu'une infection par voie nosocomiale est envisageable et à faire état de statistiques générales, qui précisent au demeurant que le risque de contamination était compris entre 6 % et 11 %, n'apporte pas la preuve contraire qui lui incombe ; qu'il suit de là que, dans les circonstances de l'espèce, le lien de causalité entre les transfusions et la contamination de M. X doit être regardé comme établi ; que dans ces conditions, en l'état du dossier, l'existence de l'obligation dont M. X se prévaut à l'encontre de l'Etablissement français du sang peut être regardée comme non sérieusement contestable ;
En ce qui concerne le montant de la provision :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise médicale précité que M. X a subi pour le moins une incapacité temporaire totale de 2 jours, une incapacité temporaire partielle de 80 % pendant 14 mois de traitement et de 20 % pendant 5 mois, des souffrances physiques évaluées à 3 sur 7 en raison de l'asthénie, de l'anxiété liée à l'annonce de la contamination et des traitements successifs ; qu'en outre, l'état de santé de M. X ne peut être regardé comme stabilisé ; que l'intéressé est, en particulier, victime d'une atteinte hépatique permanente, entraînant une incapacité permanente partielle de 10 % avec risque d'évolution vers une cirrhose micronodulaire et un hepatocarcinome ; que, dans ces conditions, en l'état du dossier, compte tenu de l'âge de la victime à la date de sa contamination et de la nature et de la gravité des préjudices subis du fait de la pathologie contractée, il y a lieu de lui allouer une provision d'un montant de 30 000 euros tous intérêts compris ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille a refusé l'octroi d'une provision destinée à l'indemnisation de son préjudice consécutif à la contamination par le virus de l'hépatite C ;
Sur les conclusions de la société Axa France IARD :
Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif de donner acte à la compagnie Axa France IARD de ce qu'il n'y a pas de difficulté sur la garantie sollicitée par l'Établissement français du sang ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance susvisée du 14 août 2008 du juge des référés du Tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : L'Etablissement français du sang versera à M. X la somme de 30 000 euros.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'Etablissement français du sang et la société Axa France IARD et le surplus des conclusions de M. X sont rejetés.
Article 4 : L'Etablissement français du sang versera à M. X la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Gérard X, à l'Etablissement français du sang, à la société Axa France IARD, à la caisse primaire d'assurance maladie du Var et au ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Copie en sera adressée à Me de Lataillade, à Me Béraud et à Me Daumas.
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N° 08MA04057