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22/01/2009 | FRANCE | N°07MA00059

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 22 janvier 2009, 07MA00059


Vu la requête, enregistrée le 9 janvier 2007, présentée par Me Sainte-Cluque pour M. Jean-Marie X élisant domicile ... ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0305584 en date du 28 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à voir condamner solidairement le centre hospitalier Francis Vals de Port-la-Nouvelle et le centre hospitalier de Narbonne à réparer les préjudices subis par sa mère et ceux qu'il a subis du fait du décès de celle-ci en raison des fautes commises par ces deux établissements de soins

;

2°) à titre principal, de condamner solidairement le centre hospita...

Vu la requête, enregistrée le 9 janvier 2007, présentée par Me Sainte-Cluque pour M. Jean-Marie X élisant domicile ... ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0305584 en date du 28 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à voir condamner solidairement le centre hospitalier Francis Vals de Port-la-Nouvelle et le centre hospitalier de Narbonne à réparer les préjudices subis par sa mère et ceux qu'il a subis du fait du décès de celle-ci en raison des fautes commises par ces deux établissements de soins ;

2°) à titre principal, de condamner solidairement le centre hospitalier Francis Vals de Port-la-Nouvelle et le centre hospitalier de Narbonne, en raison des fautes commises ou sur le fondement de l'aléa thérapeutique, à lui payer la somme de 15 000 euros au titre des souffrances endurées par sa mère décédée, la somme de 50 000 euros au titre de son préjudice moral consécutif au décès de sa mère ainsi que la somme de 1 540,61 euros au titre des frais d'obsèques et, à titre subsidiaire, nommer un expert spécialisé en gastro-entérologie ;

3°) de mettre solidairement à la charge du centre hospitalier Francis Vals de

Port-la-Nouvelle et du centre hospitalier de Narbonne la somme de 4 000 euros au titre des frais d'instance ;

.........................................................................................................

Vu le code de la santé publique et le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2008 :

- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X assurait à son domicile depuis le 20 avril 2000 la garde de sa mère atteinte de la maladie d'Alzheimer ; qu'il bénéficiait du concours du service de soins à domicile du centre hospitalier Francis Vals ; que dans la matinée du 18 décembre 2000, alors qu'elle se trouvait seule, Mme X a fait une chute du transat dans lequel elle avait été installée ; qu'elle a été transportée au centre hospitalier de Narbonne pour y subir un certain nombre d'examens médicaux ; que la patiente est décédée dans cet établissement le 22 décembre suivant ; que M. X relève appel du jugement du 28 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à la condamnation solidaire du centre hospitalier Francis Vals de Port-la-Nouvelle et du centre hospitalier de Narbonne à réparer le pretium doloris subi par sa mère et les autres préjudices qui ont résulté de son décès ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, que M. X ne peut utilement soutenir que le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en relevant, pour écarter la responsabilité du centre hospitalier Francis Vals, le caractère peu adapté du fauteuil dans lequel se trouvait sa mère compte-tenu de son état grabataire dès lors que, contrairement à ce qui est allégué, il résulte de l'instruction et notamment du dossier de première instance que cet élément de fait avait fait l'objet d'un échange de dires après expertise entre le médecin conseil de l'assureur du centre hospitalier en cause et le conseil de M. X ; que, par suite, le moyen sera rejeté ;

Considérant, en second lieu, que d'une part, contrairement à ce que soutient M. X, le tribunal a répondu à l'ensemble des moyens développés dans sa requête et notamment à celui tiré du traitement tardif de l'occlusion intestinale sans respect du protocole médical par le centre hospitalier de Narbonne en estimant que les soins prodigués à Mme X et les examens, notamment une coloscopie, auxquels elle a été soumise étaient adaptés à la pathologie qu'elle présentait lors de son admission et aux troubles occlusifs qui se sont développés lors de son séjour ; que, par suite, le moyen manquant en fait doit être rejeté ; que, d'autre part, le tribunal doit être regardé comme ayant répondu au moyen tiré du défaut de soins de réanimation en jugeant que les soins étaient appropriés à l'état de santé de la patiente et à l'évolution de celui-ci ;

Sur la responsabilité sans faute :

Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que Mme X, âgée de 80 ans et grabataire à la date de son admission au centre hospitalier de Narbonne, souffrait d'une pathologie de démence présénile en relation avec la maladie d'Alzheimer évoluée et d'une altération de son état général avec insuffisance pondérale et impotence fonctionnelle ; que, d'une part, aucun élément du rapport de l'expertise judiciaire ni aucune pièce du dossier ne permet d'établir une cause directe entre le décès de Mme X et l'exécution de la coloscopie ou la réalisation d'un acte médical ; que, d'autre part, le décès de Mme X, eu égard aux multiples pathologies présentées, ne peut être regardé comme étant sans rapport avec son état initial comme avec l'évolution prévisible de cet état ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à rechercher la responsabilité sans faute du centre hospitalier de Narbonne ;

Sur la responsabilité pour faute :

En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier Francis Vals de

Port-La-Nouvelle :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X avait accueilli à compter du 20 avril 2004 à son domicile sa mère âgée de 80 ans atteinte de la maladie d'Alzheimer à un stade évolué ; qu'à compter de cette même date, des soins à domicile étaient assurés par le centre hospitalier Francis Vals de Port-la-Nouvelle dont l'équipe médicale intervenait pour dispenser des soins infirmiers, le lever, la toilette, la mise en fauteuil, le déshabillage et la toilette du soir ;

Considérant, d'une part, que M. X ne saurait reprocher au centre hospitalier Francis Vals de ne pas avoir pris les précautions propres à éviter la chute dans la matinée du 18 décembre 2000 de sa mère du transat dans lequel elle avait été installée par l'aide-soignante de cet établissement dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la chute de Mme X aurait été occasionnée par une installation inadaptée de la patiente dans ledit transat où elle passait la journée ; qu'en toute hypothèse, aucun lien de causalité ne peut être décelé entre la chute et décès ;

Considérant, d'autre part, et dès lors que la mission de l'équipe de soins à domicile du centre hospitalier Francis Vals se limitait, au vu des éléments du dossier et notamment du rapport de l'expertise judiciaire, à assurer les soins infirmiers, le lever, la toilette, la mise en fauteuil, le déshabillage et la toilette du soir de Mme X, le requérant ne saurait reprocher au personnel de cet établissement d'avoir laissé, en son absence, cette dernière seule après l'avoir installée dans le transat duquel elle a fait une chute ; qu'en outre, il résulte des conclusions du rapport d'expertise que l'origine de la chute peut résulter d'une perte de conscience et que la notion de chute chez une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer est toujours possible compte-tenu des troubles psycho-intellectuels, comportementaux et neurologiques s'accompagnant d'une impotence fonctionnelle ;

Considérant, par suite, qu'en l'absence de faute commise par le centre hospitalier Francis Vals de Port-La-Nouvelle dans le fonctionnement et l'organisation du service, sa responsabilité ne saurait être recherchée ;

En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier de Narbonne :

Considérant que Mme X, à la date de son admission au centre hospitalier de Narbonne, était atteinte de la maladie d'Alzheimer et présentait une altération de son état général caractérisée par une insuffisance pondérale, des troubles neuropsychologiques, comportementaux et neurologiques ainsi qu'un impotence fonctionnelle ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise judiciaire contradictoire que Mme X a subi un certain nombre d'examens dont notamment des examens biologiques, cytobactériologiques, une échographie doppler, une radiographie pulmonaire et que les soins prodigués, y compris la réalisation de la coloscopie, étaient adaptés à son état ainsi qu'à l'évolution de sa pathologie ; qu'il résulte également du rapport d'expertise que l'indication de la coloscopie avait permis l'amélioration du phénomène occlusif dont souffrait la patiente du fait de la pathologie digestive d'origine motrice ; qu'en outre, les contradictions que dénonce le requérant entre les conclusions de l'expertise et les fiches de surveillance ne sont pas établies par la seule circonstance que l'état de santé de la patiente ne s'est pas amélioré ; que, par ailleurs, si le requérant invoque un retard de diagnostic et de traitement des troubles occlusifs, il résulte cependant de l'instruction que les premiers signes de l'occlusion ont été traités dès le 19 décembre 2000 par la mise en place d'un goutte à goutte rectal et que le diagnostic d'occlusion évoqué le 20 décembre suivant a justifié le lendemain matin, après constatation de nombreuses selles liquides et de vomissements fécaloïdes , la réalisation d'une coloscopie qui a permis l'évacuation de selles liquides et le retour de la souplesse de l'abdomen de la patiente ; que contrairement à ce qui est allégué, la réalisation de la coloscopie a permis l'amélioration des troubles occlusifs, l'homme de l'art ayant souligné que cet acte avait été correctement indiqué ; qu'il résulte également de l'instruction que dans l'après-midi du 21 décembre 2000 a été décidée la mise en place d'une perfusion pour réhydratation et que le personnel infirmier avait noté une importante somnolence constante et une absence de réactivité aux stimulations auditives ; que, dès lors, en l'absence d'élément d'ordre médical de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert, aucune faute dans la prise en charge de Mme X ne saurait être reprochée au centre hospitalier de Narbonne ; que les fiches médicales informatiques produites par le requérant ne peuvent être regardées comme des documents médicaux de nature à remettre en cause l'expertise eu égard à leur caractère général ;

Considérant enfin, que M. X ne saurait reprocher l'absence de mise en place de procédure de réanimation dès lors qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que la brutale décompensation cardiaque de Mme X n'a pas permis de réaliser de réanimation cardiaque dans les 15 minutes séparant la décompensation

cardio-respiratoire de la survenue du décès et que ne pouvait de ce fait être mise en place une réanimation suffisamment adéquate, les pauses respiratoires correspondant à la phase ultime qui précède le décès ;

Considérant, en tout dernier lieu, qu'il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que l'état de santé de Mme X nécessitait la prescription d'un traitement antibiotique ni que cette dernière n'aurait fait l'objet d'aucun suivi durant la nuit du 21 au 22 décembre 2000 ; qu'il résulte, en revanche, des éléments de l'expertise que Mme X est décédée de troubles cardio-vasculaires avec altération de la tension et déshydratation qui n'ont pu être compensés malgré les soins dispensés ;

Considérant que, par suite, en l'absence de faute commise par le centre hospitalier de Narbonne tant dans le fonctionnement et dans l'organisation du service que dans la prise en charge médicale de Mme X, sa responsabilité ne saurait être recherchée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit utile de procéder à une nouvelle expertise, que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ; qu'il n'est pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge du centre hospitalier de Narbonne la somme de 1 500 euros dont il demande le remboursement au titre des frais d'instance sur le fondement des mêmes dispositions de l'article L.761-1 ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Narbonne sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Marie X, au centre hospitalier de Narbonne, au centre hospitalier Vals de Port-La-Nouvelle, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude et au ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Copie en sera adressée à Me Sainte-Cluque, à Me Grillon, à Me Le Prado et au Préfet de l'Aude.

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N° 07MA00059


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07MA00059
Date de la décision : 22/01/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : GRILLON

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2009-01-22;07ma00059 ?
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