Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative de Marseille le 7 juin 2006 sous le n° 06MA01603, présentée pour l'HOPITAL LOCAL DE BEAUCAIRE, représentée par son directeur en exercice, dont le siège est Boulevard du Maréchal Foch à Beaucaire (30300), par la SCP d'avocats Ditisheim Nogarède ;
L'HOPITAL LOCAL DE BEAUCAIRE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0100092 du 10 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à verser à MM. Z et Y, une indemnité de 42 336,13 euros en réparation du préjudice subi par les intéressés du fait de la résiliation abusive du marché de maîtrise d'oeuvre conclu le 25 août 1999, outre une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) à titre principal, de rejeter la demande de première instance formée par MM. Z et Y et de condamner les intéressés aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 524 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) à titre subsidiaire, de ramener à de plus justes proportions le montant de l'indemnité allouée à MM. Z et Y ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2008 :
- le rapport de Mme Buccafurri, rapporteur,
- les conclusions de M. Dieu, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, le 25 août 1999, l'HOPITAL LOCAL DE BEAUCAIRE a conclu avec MM. Z et Y, architectes, un marché de maîtrise d'oeuvre, d'un montant de 346 725 francs en vue de la remise en sécurité et la réhabilitation du bâtiment de médecine générale ; qu'à la suite d'un différend opposant les parties au contrat, l'HOPITAL LOCAL DE BEAUCAIRE a prononcé, par une décision du 10 janvier 2000, la résiliation du marché de maîtrise d'oeuvre aux torts des titulaires du marché ; que, saisi par MM. Z et Y, le Tribunal administratif de Montpellier, par un jugement en date du 10 mars 2006, a, d'une part, rejeté, comme irrecevables, les conclusions formulées par les intéressés tendant à l'annulation de la décision de résiliation, et, d'autre part, après avoir relevé que la décision de résiliation était irrégulière et présentait un caractère abusif, condamné l'HOPITAL LOCAL DE BEAUCAIRE à verser à MM. Z et Y une somme de 277 725 F HT, soit 42 336,13 euros, correspondant à la totalité des honoraires prévus par le marché en cause, déduction faite des sommes déjà versées et de la TVA ; que l'HOPITAL LOCAL DE BEAUCAIRE relève appel du jugement dont s'agit en tant qu'il a prononcé ladite condamnation ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments en défense invoqués par l'HOPITAL LOCAL DE BEAUCAIRE, n'ont pas entaché leur jugement d'un défaut de motivation en ne répondant pas au simple argument tiré de ce que le prix du marché en cause tenait compte de l'impératif relatif à l'élément incendie ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'après avoir rappelé que le marché en litige avait pour seul objet la mise en sécurité et la réhabilitation du bâtiment de médecine, les premiers juges ont relevé que les travaux d'extension de la sécurité incendie ne pouvaient être regardés comme faisant partie de la mission découlant du marché de maîtrise d'oeuvre ; que, ce faisant, le tribunal administratif a apporté une réponse suffisante à l'argumentation invoquée en défense par l'HOPITAL LOCAL DE BEAUCAIRE, et tirée de ce que MM. Z et Y, en leur qualité de professionnels, ne pouvaient passer outre à des impératifs de sécurité pour l'ensemble de l'hôpital sous prétexte que leur mission était limitée au bâtiment de médecine générale ; que, par suite, sur ce point également, le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la régularité de la résiliation
Considérant que selon les dispositions de l'article 37.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) - prestations intellectuelles, applicable au marché en litige : La personne publique peut résilier le marché aux torts du titulaire, après mise en demeure restée infructueuse... La mise en demeure doit être notifiée par écrit et assortie d'un délai. Sauf stipulation différente, le titulaire dispose d'un mois, à compter de la notification de la mise en demeure pour satisfaire aux obligations de celle-ci ou pour présenter ses observations ; qu'aux termes de l'article 37.2 dudit CCAG : La personne publique peut résilier le marché aux torts du titulaire sans mise en demeure préalable : a) Lorsque le titulaire déclare ne pas pouvoir exécuter ses engagements, sans qu'il soit fondé à invoquer le cas de force majeure ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision, en date du 10 janvier 2000, de résiliation du marché conclu avec MM. Z et Y est fondée sur le seul motif que le mandataire des titulaires du marché de maîtrise d'oeuvre a déclaré ne pas pouvoir exécuter ses engagements sans qu'il soit fondé à invoquer le cas de force majeure, ladite décision se référant expressément aux dispositions de l'article 37.2 du CCAG précité ; qu'ainsi que le relève le jugement attaqué, qui n'est pas contesté sur ce point, le mandataire des titulaires du marché de maîtrise d'oeuvre n'a jamais déclaré ne pas pouvoir exécuter ses engagements mais a uniquement contesté l'extension de ses obligations à l'ensemble de l'établissement hospitalier ; que, c'est, par suite, à juste titre, que, les premiers juges ont estimé que la décision de résiliation était fondée sur un motif inexact ; qu'en conséquence, la décision de résiliation aux torts des titulaires du marché de maîtrise d'oeuvre, ne pouvait régulièrement intervenir qu'après une mise en demeure infructueuse adressée aux titulaires du marché en cause ; qu'il n'est pas contesté, comme le relève le jugement querellé, qu'aucune mise en demeure ne leur a été adressée préalablement à l'intervention de la décision de résiliation ; qu'à supposer que la lettre en date du 12 décembre 1999, notifiée le 20 décembre suivant par le centre hospitalier, puisse être regardée comme une mise en demeure préalable, le délai d'un mois ouvert, par les dispositions précitées du CCAG, au titulaire pour présenter ses observations n'a pas été respecté ; que, par suite, l'HOPITAL LOCAL DE BEAUCAIRE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la décision de résiliation est intervenue selon une procédure irrégulière ;
En ce qui concerne le bien-fondé de la résiliation
Considérant, d'une part, qu'il résulte des pièces contractuelles, et notamment du cahier des clauses administratives particulières, que la mission des maîtres d'oeuvre était limitée au bâtiment de médecine générale et ne concernait pas, contrairement à ce que soutient l'appelant, l'ensemble de l'établissement hospitalier ; qu'ainsi que l'ont, à juste titre, relevé les premiers juges, l'étude préalable du BET Eren, qui relevait la nécessité d'une mise en conformité du système de détection incendie pour l'ensemble de l'hôpital, n'était pas une pièce constitutive du marché conclu avec les maîtres d'oeuvre ; qu'ainsi, pas plus en appel qu'en première instance, l'HOPITAL LOCAL DE BEAUCAIRE n'établit que MM. Z et Y auraient manqué à leurs obligations contractuelles en exerçant leur mission sur le seul bâtiment de médecine générale ; que le centre hospitalier n'établit pas davantage que les intéressés auraient manqué à leurs devoirs professionnels en ne prenant pas en compte des impératifs de sécurité ;
Considérant, d'autre part, que l'HOPITAL LOCAL DE BEAUCAIRE soutient que les maîtres d'oeuvre auraient commis une faute en refusant d'obtempérer à des ordres de service relatifs à la réalisation de prestations supplémentaires sur la mise en sécurité de l'ensemble de l'établissement hospitalier, décidée dans le cadre du pouvoir de modification unilatérale du contrat reconnu à la personne publique, et auxquels ils étaient tenus de se conformer dès lors que les prestations en cause, d'une importance limitée, n'étaient pas de nature à bouleverser l'économie du contrat ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que des ordres de service concernant la réalisation de ces prestations supplémentaires aient été adressés aux maîtres d'oeuvre ; que le compte-rendu de chantier du 16 novembre 1999 ne saurait, à cet égard, être regardé comme un ordre de service que les maître d'oeuvre auraient refusé d'exécuter ; que, par suite, l'HOPITAL LOCAL DE BEAUCAIRE n'est pas fondé à soutenir que la résiliation en litige était justifiée par un refus fautif des maîtres d'oeuvre d'obtempérer à des ordres de service ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a considéré que la résiliation du marché en litige n'était pas justifiée au fond ;
Considérant qu'en cas de résiliation fautive par le maître de l'ouvrage d'un marché de prestations intellectuelles, l'indemnisation du manque à gagner du cocontractant ne se calcule pas par application des dispositions de l'article 36.2.b 4ème alinéa du CCAG- prestations intellectuelles qui prévoient une indemnité forfaitaire en faveur du titulaire d'un marché résilié sans faute de sa part, mais s'évalue en fonction du préjudice réel du cocontractant ; que, par suite, l'HOPITAL LOCAL DE BEAUCAIRE n'est pas fondé à soutenir que les titulaires du marché de maîtrise d'oeuvre en litige ne pourraient prétendre qu'à l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article précité ou de l'article 27.1 du cahier des clauses administratives particulières ;
Considérant, en revanche, que l'appelant est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont évalué le manque à gagner des titulaires du marché de maîtrise d'oeuvre à hauteur de la totalité des honoraires prévus par le marché ; que, comme le fait valoir l'HOPITAL LOCAL DE BEAUCAIRE, le manque à gagner qui doit être indemnisé doit être calculé sur la marge nette que les prestations réalisées auraient engendrées, et non, comme l'a estimé le tribunal administratif, sur la marge brute ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en retenant une marge nette correspondant à 30 % du montant HT du marché, fixé à 287 500 francs, soit un manque à gagner de 86 250 francs soit 13 148,73 euros ; qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué en ramenant l'indemnité de 42 336,13 euros allouée à MM. Z et Y à la somme de 13 148,73 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'HOPITAL LOCAL DE BEAUCAIRE est seulement fondé à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué du 10 mars 2006 du Tribunal administratif de Montpellier ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E
Article 1er : L'indemnité de 42 336,13 euros, que l'HOPITAL LOCAL DE BEAUCAIRE a été condamné à payer à MM. Z et Y par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 10 mars 2006, est ramenée à la somme de 13 148,73 euros (treize-mille cent quarante-huit euros et soixante-treize centimes).
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 10 mars 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire avec le présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions formulées par MM. Z et Y sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'HOPITAL LOCAL DE BEAUCAIRE, à M. Z et à M. Y.
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N° 06MA01603 2
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