Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2007, présentée par Me Abela pour Mme Jeanine , MM. Sébastien et Christophe élisant domicile ... ; les Consorts demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0202504 en date du 8 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à voir condamner solidairement les centres hospitaliers de Salon-de-Provence et Montperrin à indemniser leurs préjudices consécutifs au décès de leur époux et père ;
2°) de condamner solidairement les centres hospitaliers de Salon-de-Provence et Montperrin à payer à Mme les sommes de 30 000 euros et de 53 651,71 euros, avec intérêts au taux légal à compter de sa requête introductive d'instance, en réparation de son préjudice moral et de son préjudice économique, à MM. Sébastien et Christophe la somme de 20 000 euros chacun, avec intérêts au taux légal à compter de leur requête introductive d'instance, au titre de leur préjudice moral ;
3°) de mettre à la charge des centres hospitaliers de Salon-de-Provence et Montperrin la somme de 3 000 euros au titre des frais d'instance ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 avril 2008, présenté pour les centres hospitaliers de Salon-de-Provence et Montperrin d'Aix-en-Provence par Me Le Prado ;
Les centres hospitaliers demandent à la Cour de rejeter la requête des Consorts ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique et de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2008,
- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur ;
- les observations de Me Abela pour les consorts ;
- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. souffrait d'une cirrhose post hépatique B et qu'un traitement par Roféron (Interféron alpha) lui a été prescrit en septembre 1999 par un praticien du centre hospitalier de Salon-de-Provence ; qu'eu égard aux effets secondaires dépressogènes théoriques de ce médicament, l'intéressé a été adressé et suivi au centre médico-psychologique Les Tournesols dépendant du centre hospitalier psychiatrique Montperrin ; que M. a mis fin à ses jours le 22 mars 2000 ; que les Consorts relèvent appel du jugement du 8 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à voir condamner solidairement les centres hospitaliers de Salon-de-Provence et Montperrin à indemniser les préjudices qu'ils ont subis du fait du décès de leur époux et père qu'ils imputent à ces établissements ;
Sur le rapport de l'expertise diligentée devant le Tribunal administratif de Marseille :
Considérant, en premier lieu, que l'expert nommé par le tribunal par un jugement en date du 22 mars 2005 dont la mission était de déterminer l'origine du suicide de M. ne pouvait rédiger un rapport qu'au vu d'un examen psychiatrique réalisé sur dossier, M. étant décédé depuis le 22 mars 2000 ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'absence de référence au rapport du docteur en médecine désigné le 12 juin 2001 par le Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence n'est pas de nature à rendre irrégulier le rapport de l'expert spécialisé en psychiatrie dès lors que la mission d'expertise confiée par le tribunal administratif se bornait à préciser en son article 4 que l'homme de l'art devait se faire communiquer les documents relatifs à l'état de santé du patient et notamment ceux relatifs aux examens, soins et interventions pratiqués aux centres hospitaliers de Salon-de-Provence et Montperrin ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des mentions du rapport de l'expertise critiquée que l'expert a personnellement procédé à l'examen psychiatrique sur dossier de M. le 28 juin 2005 en présence de Mme Jeanine , épouse de M. Michel , décédé, du médecin recours et du médecin représentant l'assureur des hôpitaux ; que, par suite, en se bornant à soutenir que l'expertise se serait déroulée en la seule présence du médecin représentant l'assureur des hôpitaux, sans apporter le moindre commencement de preuve, les consorts n'établissent pas la réalité de cette assertion ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne saurait être reproché à l'expert de s'être attaché à mettre en avant les états dépressifs de M. , disculpant ainsi l'imputabilité du traitement par Interféron dans l'état présenté par ce dernier, dès lors que la mission confiée par le tribunal administratif consistait, non à valider des positions prises antérieurement par des confrères, mais à déterminer l'origine du suicide en indiquant si celui-ci était lié à la prise de l'Interféron ou si d'autres éléments pouvaient l'expliquer ;
Considérant, en dernier lieu, que les requérants ne peuvent pas sérieusement soutenir que l'expert a mis hors de cause le praticien psychiatre du centre hospitalier Montperrin en utilisant ses seuls dires dans la mesure où il résulte du rapport critiqué que l'homme de l'art, pour accomplir sa mission, s'est fondé sur des courriers échangés entre les médecins hospitaliers qui suivaient M. , sur des documents rédigés par ceux-ci et sur un rapport établi par un médecin à la demande de Mme ; que l'homme de l'art désigné par le tribunal administratif ne pouvait, en tout état de cause, faire abstraction des éléments figurant au dossier médical de M. tenu par le psychiatre du centre hospitalier Montperrin dans la mesure où ce médecin a été le seul praticien à assurer le suivi psychiatrique du patient ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Salon-de-Provence :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par les Consorts que le traitement par Interféron prescrit à leur époux et père par le praticien gastro-entérologue du centre hospitalier de Salon-de-Provence était adapté à la pathologie dont il était atteint et conforme aux données de la science à la date des faits ; qu'il résulte également de l'instruction que la prescription d'Interféron, compte-tenu de ses effets secondaires dépressogènes connus, a été accompagnée d'un suivi psychiatrique ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le centre hospitalier de Salon-de-Provence a disposé d'éléments objectifs de nature à le conduire à interrompre le traitement prescrit à M. à compter du mois de septembre 1999 ; que, d'ailleurs, à supposer que l'état dépressif de M. soit imputable au seul traitement d'Interféron, en tout état de cause, la suspension de ce traitement selon la littérature médicale n'aurait pas permis de mettre un terme immédiat de manière automatique et immédiate aux troubles psychiques ; qu'enfin, aucune pièce du dossier ni aucun élément expertal ne permet de reprocher au centre hospitalier de Salon-de-Provence une négligence dans la surveillance de l'état dépressif de M. dès lors que le centre hospitalier Montperrin, à qui incombait d'assurer le suivi psychiatrique de la victime, ne l'avait jamais alerté sur un risque particulier de suicide et que le couple, bien qu'en souffrance morale, n'avait pas émis une telle éventualité devant le praticien gastro-entérologue ;
Considérant que, par suite, en l'absence de faute, la responsabilité du centre hospitalier de Salon-de-Provence ne saurait être engagée ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier Montperrin :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise contradictoire diligentée devant le Tribunal administratif de Marseille que M. a eu huit rendez-vous à intervalle régulier entre le 4 octobre 1999 et le 6 mars 2000 avec un psychiatre du centre hospitalier Montperrin dont deux annulés le 8 novembre 1999 et le 20 mars précédent son décès le 22 mars 2000 ; que si le praticien de cet établissement avait relevé lors des entretiens que le patient se sentait anxieux avec des moments de repli, il résulte également de l'instruction et notamment des rapports des deux expertises judiciaires en date du 1er septembre 2006 et du 4 décembre 2001 que M. avait refusé de suivre le traitement antidépresseur prescrit, regardé par l'expert nommé par le Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence comme conforme aux données de la science ; qu'il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que M. avait fait part au personnel du centre hospitalier Montperrin d'idées suicidaires ou que Mme avait exprimé des craintes concernant un tel passage à l'acte ; qu'il ne saurait, dès lors, être reproché au centre hospitalier Montperrin une faute médicale ou une négligence dans la surveillance de M. ;
Considérant que si le rendez-vous du 20 mars 2000 a été annulé par M. et que son épouse s'est présentée à sa place, les requérants n'établissent par cette seule circonstance, alors que Mme n'a pas fait appel au centre hospitalier dans les deux jours qui ont suivi ce rendez-vous manqué, ni le caractère inapproprié de la réponse faite par le personnel médical à son « alerte implicite », pour reprendre les termes de la requête, ni l'existence d'un dysfonctionnement du service hospitalier ; que, par suite, à supposer même que M. n'aurait présenté aucun trouble dépressif antérieurement à la prise d'Interféron, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que son décès serait imputable à une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service hospitalier Montperrin ;
Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que les Consorts ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
DECIDE
Article 1er : La requête des Consorts est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Jeanine , à M. Sébastien , à M. Christophe , au centre hospitalier de Salon-de-Provence, au centre hospitalier Montperrin, à la section locale interministérielle d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et au ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
N° 07MA01679 2