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13/11/2008 | FRANCE | N°06MA00962

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2008, 06MA00962


Vu, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 31 mars 2006 sous le n° 06MA00962, la requête présentée pour la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI représentée par son représentant légal et dont le siège est 111 avenue de la Jarre BP 274 à Marseille cedex 9 (13276), par la société civile professionnelle d'avocats Lesage - Berguet - Gouard ; la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 9702540 du 17 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a limité à 304.852,08 euros l'indemnité que lui dev

ait le département des Bouches du Rhône, et déduit de la somme due la pro...

Vu, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 31 mars 2006 sous le n° 06MA00962, la requête présentée pour la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI représentée par son représentant légal et dont le siège est 111 avenue de la Jarre BP 274 à Marseille cedex 9 (13276), par la société civile professionnelle d'avocats Lesage - Berguet - Gouard ; la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 9702540 du 17 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a limité à 304.852,08 euros l'indemnité que lui devait le département des Bouches du Rhône, et déduit de la somme due la provision de 125.348,73 euros déjà versée en application d'un arrêt de la Cour administrative d'appel n° 98MA01107 du 26 mars 2002 ;

2°) de porter à 1.156.419,58 euros la somme due, majorée des intérêts légaux à compter du 26 juin 1996, capitalisés au 15 juin 2000 et de condamner le département des Bouches du Rhône en conséquence ;

3°) de mettre à la charge du département des Bouches du Rhône une somme de 3 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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La SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI soutient que : c'est à tort que le Tribunal a estimé qu'il convenait de déduire la provision de 125.348,73 euros de l'indemnité à verser par le département, car cette somme avait déjà été comprise dans les encaissements venant en

déduction des sommes dues, donc est ainsi déduite deux fois ; contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal, les coefficients calculés par l'expert ne constituaient pas des coefficients de marge, mais des coefficients de frais généraux, qui devaient majorer les dépenses utiles ; la demande relative à l'indemnisation des incidences financières du report du chantier, était présentée sur un fondement extracontractuel et représente des dépenses utiles ; le Tribunal n'avait donc pas à l'écarter comme reposant sur un fondement contractuel ; le préjudice de trésorerie est indemnisable sur le fondement quasi-délictuel ; les intérêts courent à compter de la réclamation du 26 juin 1996 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 16 octobre 2006 présenté pour le département des Bouches du Rhône, représenté par son président, par Me Vincensini ; le département des Bouches du Rhône demande à la Cour de rejeter la requête d'appel et de mettre à la charge de la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI une somme de 10.000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; il soutient que : les règles générales de la responsabilité administrative interdisent de condamner l'administration à une somme qu'elle ne doit pas ; le document comptable produit par la requérante relativement aux encaissements, et qui ne figure pas au rapport d'expertise ne permet pas de contredire le montant de 32.207.666 francs de dépenses utiles ; cette somme a été déterminée sans tenir compte de la provision accordée par la Cour ; la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI n'en a donc pas été privée ; elle ne fait d'ailleurs plus état de cette somme dans ses conclusions, qui sont donc irrecevables au regard de l'article R.411-1 du code de justice administrative ; elle n'établit pas que les dépenses utiles soient supérieures aux 32.207.666 francs apparaissant dans le rapport de l'expert et repris par le Tribunal ; sa demande portant sur 962.037,21 euros est donc infondée ; aucune pièce n'est fournie pour établir que la demande relative aux incidences financières du report aurait été formulée sur un fondement extracontractuel ; ces « frais » ne représentent pas des dépenses utiles car ils n'ont induit aucun enrichissement du département ; la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI a commis une faute en retournant l'ordre de service de notification du marché en formulant une réserve sur le délai mais sans observation sur la date de démarrage ; l'appauvrissement dont elle se plaint est donc une conséquence de sa faute ; elle n'établit pas l'existence d'une faute du département en lien avec le dommage dont elle se prévaut au titre des retards de paiement ; elle n'établit pas non plus avoir subi un préjudice ;

Vu le nouveau mémoire enregistré le 30 septembre 2008 présenté pour la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI, et tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu le nouveau mémoire enregistré le 2 octobre 2008 présenté pour le département des Bouches du Rhône, qui maintient ses conclusions antérieures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 2008 :

- le rapport de Mme Favier, président-assesseur,

- les observations de Me Berguet, représentant la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI,

- et les conclusions de M. Marcovici, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI fait appel du jugement du 17 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a limité à 304.852,08 euros l'indemnité que lui devait le département des Bouches du Rhône au titre des travaux de réalisation d'un collège 600 à Salon de Provence et demande la condamnation de cette même collectivité à lui verser 1.156.419,58 euros, outre les intérêts légaux à compter du 26 juin 1996, capitalisés au 15 juin 2000 ;

- sur la recevabilité des conclusions d'appel :

Considérant que le département des Bouches du Rhône fait valoir que les conclusions relatives à la somme de 125.348,73 francs correspondant à une provision précédemment perçue seraient irrecevables au regard de l'article R.411-1 du code de justice administrative, faute d'avoir été reprises dans le « dispositif » du mémoire d'appel ; qu'aux termes de cet article : « La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. » ; que dans sa requête d'appel, la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI demandait la réformation du jugement sur les différents points qu'elle énonçait précédemment, dont la question relative à la déduction de la provision, et demandait la condamnation du département des Bouches du Rhône à lui verser 1.156.419,58 euros, somme qu'elle détaillait dans ses différentes composantes ; que sa requête contenait ainsi un exposé des moyens et conclusions et était donc conforme aux dispositions précitées ; que dans ces conditions, et en tout état de cause, la fin de non-recevoir opposée sur ce point par le département des Bouches du Rhône doit être écartée ;

- sur le préjudice indemnisable :

Considérant que pour contester le montant de l'indemnité que lui ont accordée les premiers juges après avoir constaté la nullité du contrat, la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI fait valoir qu'il n'y avait pas lieu de déduire la provision accordée par un précédent arrêt de la Cour du 26 mars 2002, que les dépenses utiles prises en compte devaient être majorées par application de coefficients de frais généraux, et devaient être augmentées des frais liés au report du chantier et du préjudice financier consécutif aux retard de paiement du département ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que pour calculer l'indemnité à mettre à la charge du département au titre des dépenses utiles, les premiers juges ont soustrait du montant du coût de revient des ouvrages, soit 32.207.666 francs, les sommes correspondant aux sommes déjà réglées par le département, soit 30.207.967,46 francs, pour parvenir à la somme de 1.999.698,54 francs (304.852,08 euros) ; qu'ils ont déduit de cette somme de 304.852,08 euros la provision de 125.348,73 euros accordée par l'arrêt susvisé dans le cadre d'un précédent litige relatif au décompte du marché ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que, le 12 septembre 2002, la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI avait encaissé une somme de 828.137,38 francs (126.248,73 euros), dont il n'est pas contesté qu'elle correspondait au montant de la provision de 125.348,73 euros majorée des intérêts, et qui, étant comprise dans le montant des encaissements, avait déjà été déduite des sommes dues ; que la société appelante est ainsi fondée à soutenir que la même somme avait été déduite deux fois de l'indemnité qui lui était allouée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée pour déterminer les dépenses de la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI qui avaient été utiles au département des Bouches du Rhône, que le coût de réalisation des ouvrages dont la société appelante avait été chargée, s'est élevé à 32.207.666 francs hors taxe, comprenant des travaux directement réalisés par elle et des travaux sous-traités ; que l'expert a déterminé des coefficients de majoration, différents selon qu'il s'agissait de travaux directs, de travaux sous-traités de gros oeuvre ou des travaux sous-traités de corps d'état, dont l'application à chaque type de travaux a permis de calculer un prix de vente de 36.713.689,53 francs ; que la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI soutient que les coefficients mentionnés ci-dessus devaient bien être appliqués dans la mesure où ils correspondaient à la prise en compte de frais généraux, lesquels constituaient bien des dépenses, et non une marge bénéficiaire comme l'a estimé le Tribunal ; que toutefois, compte tenu tant du terme de prix de vente employé que de l'absence de précision sur le mode de détermination de ces coefficients, dont il n'est pas établi qu'ils correspondent à des frais généraux, la demande tendant à leur intégration dans les dépenses utiles doit être rejetée ;

Considérant, en troisième lieu, que le report de huit mois du commencement des travaux par rapport à la date prévue avant la signature du marché a causé à la société appelante un préjudice qu'elle évalue à 757.435,98 francs (115.470,37 euros) ; que toutefois, ces frais, qui sont consécutifs à l'indication non contractuelle donnée par le département des Bouches du Rhône sur les dates de début et de fin de chantier, et ont été en partie exposés avant que le marché ne soit définitivement signé, ne constituent pas des dépenses utiles pour la collectivité départementale dès lors qu'elles n'ont pas contribué à l'enrichir ni augmenté la valeur de l'ouvrage ; que dans ces conditions, la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI ne peut utilement se prévaloir de la théorie de l'enrichissement sans cause à l'appui de sa demande portant sur la prise en compte de ces frais ;

Considérant, en quatrième lieu, que le préjudice financier lié à un retard de paiement est généralement réparé par l'allocation d'intérêts de retard ; que lorsque le contrat déterminant le point de départ des intérêts et justifiant l'attribution d'intérêts contractuels a été déclaré nul, les intérêts légaux redeviennent applicables dans les conditions de droit commun ; que par suite, la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la condamnation du département à lui verser une somme de 517.628,84 francs (78.912 euros) pour réparer le préjudice que lui a causé le retard dans le versement des acomptes ;

- sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant, ainsi qu'il l'a été dit ci-dessus, que les intérêts sont applicables dans les conditions de droit commun, à savoir à compter de la demande ; que la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI a déposé une réclamation le 26 juin 1996 ; qu'elle est ainsi fondée à demander la réformation sur ce point du jugement qui a fixé comme point de départ des intérêts la date du 21 mars 1997 ; qu'ainsi qu'en ont décidé les premiers juges, ces intérêts seront capitalisés à compter du 15 juin 2000 et à chaque échéance annuelle ;

- sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI, qui ne constitue pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser au département des Bouches du Rhône la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 1.500 euros en application du même article ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité que le département des Bouches du Rhône a été condamné à verser à la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI par le jugement n° 9702540 attaqué est portée à 304.852,08 euros (trois cent quatre mille huit cent cinquante deux euros et huit centimes).

Article 2 : Les intérêts au taux légal portant sur cette somme courront à compter du 26 juin 1996 dans les conditions de capitalisation fixées par ce jugement.

Article 3 : Le département des Bouches du Rhône versera 1.500 euros (mille cinq cents euros) à la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du département des Bouches du Rhône tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont également rejetées.

Article 6 : Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI, au département des Bouches du Rhône et au ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

N° 0600962 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06MA00962
Date de la décision : 13/11/2008
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Sylvie FAVIER
Rapporteur public ?: M. MARCOVICI
Avocat(s) : SCP LESAGE BERGUET GOUARD-ROBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-11-13;06ma00962 ?
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