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06/10/2008 | FRANCE | N°06MA02181

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 06 octobre 2008, 06MA02181


Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2006, présentée pour la SOCIETE PEREZ ET FILS, dont le siège est Zac de la Poulasse 20 rue de Bruxelles à Sollies Pont (83210), représentée par son gérant en exercice, par Me Billet Jaubert ;

La SOCIETE PEREZ ET FILS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0003531 du 12 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nice l'a condamnée, solidairement avec la société ACP Alabry, à payer à la commune de La Roquebrussanne la somme de 18.325,62 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 20

00 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de La Roquebrussanne la somme de 2...

Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2006, présentée pour la SOCIETE PEREZ ET FILS, dont le siège est Zac de la Poulasse 20 rue de Bruxelles à Sollies Pont (83210), représentée par son gérant en exercice, par Me Billet Jaubert ;

La SOCIETE PEREZ ET FILS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0003531 du 12 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nice l'a condamnée, solidairement avec la société ACP Alabry, à payer à la commune de La Roquebrussanne la somme de 18.325,62 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2000 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de La Roquebrussanne la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- il résulte des pièces versées aux débats que les travaux ont été reçus le 30 juillet 1996 ; à l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement d'un an après la réception, seule la responsabilité du constructeur découlant des articles 1792 et suivants du code civil peut être retenue à l'exclusion de toute responsabilité contractuelle de droit commun ; en l'espèce, la commune disposait d'un délai d'un an à compter du 30 juillet 1993 pour exercer son recours sur le fondement contractuel au titre de la garantie de parfait achèvement ; dès lors, la requête datant du 20 mai 1997 est relative à une action prescrite ;

- en toute hypothèse, la commune a soldé le marché de travaux le 23 mars 1994, y compris la retenue de garantie remplacée par une caution sans qu'une opposition motivée au déblocage de la caution n'ait été formulée par la commune ;

Vu le mémoire en défense et d'appel incident, enregistré le 15 mai 2008, présenté pour la commune de La Roquebrussane, représentée par son maire en exercice, par Me Arrighi ; la commune de Roquebrussanne conclut :

1°) à la réformation du jugement attaqué ;

2°) à la condamnation solidaire de la SOCIETE PEREZ ET FILS, de la société ACP Alabry et de M. Michard au versement, d'une part, de la somme globale de 18.325, 62 euros, laquelle se décompose en un montant de 17.888,40 euros au titre du coût des travaux de réfection de l'isolation thermique et de l'étanchéité de la terrasse du bâtiment et en un montant de 437,22 euros au titre des frais engagés par la commune à l'occasion de l'expertise ordonnée par le juge chargé des référés par ordonnance en date du 20 juillet 1997 et, d'autre part, de la somme 10.000 euros au titre du préjudice de jouissance subis pendant cinq années après l'achèvement du chantier ;

3°) à ce que soit mise à la charge solidaire des personnes précitées la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens ;

Elle soutient que :

- la requête présentée par le maire est parfaitement recevable ;

- le procès-verbal de réception du 30 juillet 1993, entre la commune et la SOCIETE PEREZ ET FILS ne concernait que les travaux du lot n° 1 et prévoyait que l'entreprise chargée du gros-oeuvre et l'entreprise d'étanchéité devraient déterminer les causes et assurer les réparations nécessaires ; aucune réception des travaux n'a eu lieu entre la commune et la société ACP Alabry ; il n'a jamais été remédié aux désordres à l'origine des infiltrations ;

- les désordres résultent non seulement d'une mauvaise réalisation de l'étanchéité par la société ACP Alabry mais également de la détérioration de cette étanchéité par les ouvriers de la SOCIETE PEREZ ET FILS qui sont intervenus postérieurement sur le chantier ; la responsabilité de la société ACP Alabry dans l'apparition des désordres, qui se sont manifestés avant la réception, et leur aggravation est engagée ainsi que l'attestent les pièces du dossier et le rapport de l'expert ; elle n'a pas pris les précautions suffisantes afin de protéger son ouvrage ; l'obligation mise à la charge de l'entrepreneur est une obligation de résultat dont il ne peut s'exonérer qu'en apportant la preuve de l'existence d'une cause étrangère ; la SOCIETE PEREZ ET FILS a eu un rôle particulièrement actif dans l'apparition des désordres et leur aggravation ; chargée du gros oeuvre et donc des travaux nécessitant la mise en oeuvre d'une protection lourde concernant l'étanchéité de la terrasse litigieuse réalisée dans le cours de la phase I, elle s'est abstenue de toute mesure de protection durant de nombreuses semaines, jusqu'à la pose de la protection lourde prévue au paragraphe 1.07 du CCTP-devis descriptif du lot n° 1 ; la responsabilité de la SOCIETE PEREZ ET FILS in solidum avec la responsabilité des autres intervenants à l'acte de construire doit être retenue sur le fondement du non respect des prescriptions contractuelles qui prévoyaient expressément la protection des ouvrages existants tant en phase I qu'en phase II mais encore du non respect des ordres de service émanant du maître d'oeuvre et relatifs à la pose de cette protection, laquelle n'est intervenue que tardivement ; les dommages constatés par l'expert concernent des travaux ayant fait l'objet de réserves qui n'ont pas été levées ; la responsabilité contractuelle de droit commun de l'entrepreneur subsiste et ce, en-dehors du cadre des garanties légales ; le délai pour agir n'était donc pas écoulé à la date de la requête introductive d'instance ; ainsi que l'a relevé le Tribunal, les désordres sont liés en grande partie à des dégradations affectant l'étanchéité ;

- ces désordres se sont aggravés postérieurement à cette réception, de sorte qu'ils peuvent être réparés dans le cadre des garanties légales, notamment la responsabilité décennale des constructeurs ; l'ouvrage est impropre à sa destination, notamment du fait du caractère généralisé des infiltrations ;

- M. Michard, architecte chargé de la maîtrise d'oeuvre, n'a pas correctement exécuté son obligation contractuelle de résultat dont il ne peut s'exonérer qu'en apportant la preuve de l'existence d'une cause étrangère ; ses fautes peuvent être relevées tant au stade de la rédaction insuffisante des marchés de travaux qu'au stade de sa mission de coordination des entreprises ou encore du contrôle de l'exécution des travaux qui sont affectés de nombreux vices ;

- le coût des travaux de réfection s'élève à 17.888,40 euros et 437,22 euros ; les intérêts de droit sont dus à compter du 23 septembre 1998, date du dépôt du rapport d'expertise ; il conviendra de condamner solidairement la SOCIETE PEREZ ET FILS, la société ACP Alabry et M. Michard au versement de la somme 10.000 euros au titre du préjudice de jouissance subis pendant cinq années après l'achèvement du chantier ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code civil ;

Vu le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 septembre 2008 :

- le rapport de Mme E. Felmy, conseiller,

- et les conclusions de M. Marcovici, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la commune de La Roquebrussanne a conclu, le 4 juin 1992, des marchés de travaux respectivement avec la SOCIETE PEREZ ET FILS chargée de réaliser le lot n° 1, gros-oeuvre, charpente, couverture, plâtrerie et carrelage, et avec la société ACP Alabry chargée du lot n° 2, étanchéité, en vue de l'extension du bâtiment de la perception de La Roquebrussanne ; que la maîtrise d'oeuvre de la restructuration et de l'extension de ce bâtiment a été confiée par la collectivité publique à M. Pierre-Yves Michard, architecte, par lettre de commande en date du 9 août 1991 ;

Sur l'appel principal de la SOCIETE PEREZ ET FILS :

Considérant que la SOCIETE PEREZ ET FILS soutient que la réception définitive de l'ouvrage de la perception doit être regardée comme ayant été prononcée avant que la commune ne mette en jeu sa responsabilité contractuelle devant le Tribunal administratif de Nice et que, par suite, c'est à tort que celui-ci l'a condamnée à indemniser le préjudice subi sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;

Considérant, d'une part, que les travaux relatifs au lot n° 1 du marché d'extension du bâtiment de la perception ont fait l'objet d'une réception, le 30 juillet 1993, avec réserves ; qu'il résulte de l'instruction que, si la commune de La Roquebrussanne a pris possession des ouvrages, elle a, avant et après les prises de possession, émis des réserves expresses sur des désordres affectant le lot n° 1 relatif au gros-oeuvre dont la SOCIETE PEREZ ET FILS était chargée ; qu'il est constant que la réserve relative à la tache d'humidité constatée au-dessus de la porte d'accès du local « archives » et pour laquelle le procès-verbal de réception mentionnait que les entrepreneurs en charge du gros oeuvre et de l'étanchéité devaient en chercher la cause et y remédier conjointement et solidairement, n'a jamais été levée, et que, par suite, la réception des travaux n'a pu être prononcée, contrairement à ce que soutient la SOCIETE PEREZ ET FILS ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 4.2 du cahier des clauses administratives particulières applicable aux marchés de travaux passés par la commune de La Roquebrussanne avec la SARL PEREZ ET FILS : « En vertu de l'article 322 du code des marchés publics une retenue de garantie est appliquée à chaque acompte ; son montant est fixé à 5 % du montant toutes taxes comprises de chaque acompte... La retenue de garantie est restituée... dans un délai de un mois après l'expiration du délai de garantie fixé par l'article 44.1 du cahier des clauses administratives générales éventuellement prolongé en vertu de l'article 44.2 du cahier des clauses administratives générales. » ; qu'aux termes de l'article 41.6 du cahier des clauses administratives générales applicables aux dits marchés : « Lorsque la réception est assortie de réserves, l'entrepreneur doit remédier aux imperfections et malfaçon correspondantes dans le délai fixé par la personne responsable du marché ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie définie au 1 de l'article 44. Au cas où des travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, la personne responsable du marché peut les faire exécuter aux frais et risques de l'entrepreneur. » ; qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que la retenue de garantie a pour but de garantir contractuellement l'exécution des travaux, pour satisfaire, le cas échéant, aux réserves faites lors de leur réception par le maître d'ouvrage, et d'autre part, qu'en cas de carence de l'entreprise titulaire du marché, le maître d'ouvrage est en droit de prélever sur le montant des retenues de garantie pratiquées le coût des travaux effectués pour remédier aux malfaçons constatées lors de la réception des travaux ; que, toutefois, la restitution par la commune de la retenue de garantie et son remplacement au profit d'une caution n'est pas de nature à établir l'exécution par l'entreprise des travaux contractuellement dus ni la levée des réserves formulées lors de la réception des travaux ; qu'une telle restitution ne saurait davantage être regardée comme traduisant la commune intention des parties de procéder en mars 1994 à la réception définitive des travaux ;

Considérant par conséquent, que, contrairement à ce que soutient la SOCIETE PEREZ ET FILS, il n'avait pas été mis fin aux rapports contractuels nés du marché lorsque la commune a engagé, devant le Tribunal administratif en 1997, une action tendant notamment à la mise en jeu de sa responsabilité contractuelle ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE PEREZ ET FILS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice l'a condamnée, solidairement avec la société ACP Alabry, à réparer les désordres affectant l'étanchéité de la terrasse du bâtiment de la perception de La Roquebrussanne ;

Sur les conclusions d'appel incident de la commune de La Roquebrussanne :

Considérant, d'une part, que le maître d'oeuvre n'a pas manqué à son obligation de surveillance des travaux en prenant les mesures destinées à remédier aux désordres, notamment en mettant en demeure l'entrepreneur en charge du lot n° 1 de poser la protection lourde de l'étanchéité et en demandant aux entrepreneurs de rechercher et de réparer les fuites et émettant des réserves à ce titre lors de la réception des travaux ; que, par suite, la responsabilité de M.Michard, architecte, ne peut être engagée sur le fondement contractuel ;

Considérant, d'autre part, que la commune n'apporte, pas plus en appel qu'en première instance, aucun élément de nature à établir le préjudice de jouissance qu'elle allègue ;

Considérant, enfin, qu'en l'absence de toute réclamation de la somme principale auprès de la SOCIETE PEREZ ET FILS avant l'introduction de la demande devant le Tribunal administratif de Nice, la commune de La Roquebrussanne n'est pas fondée à demander que les intérêts courent à compter du 23 septembre 1998, date du dépôt du rapport de l'expert ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de La Roquebrussanne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande sur ces points ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les conclusions présentées à ce titre par la SOCIETE PEREZ ET FILS doivent être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière les sommes que la commune de La Roquebrussanne demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE PEREZ ET FILS est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident de la commune de La Roquebrussanne sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la commune de La Roquebrussanne tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE PEREZ ET FILS, à la commune de La Roquebrussanne et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2008, où siégeaient :

- M. Guerrive, président,

- Mme Favier, présidente assesseur,

- Mme E. Felmy, conseiller ;

Lu en audience publique, le 6 octobre 2008

Le rapporteur,

E. FELMY

Le président,

J.L. GUERRIVE

Le greffier,

J.P. LEFEVRE

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 06MA02181


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06MA02181
Date de la décision : 06/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: M. MARCOVICI
Avocat(s) : BILLET JAUBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-10-06;06ma02181 ?
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