Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 mars 2006 et 6 mai 2008, présentés pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE DES HOPITAUX DE MARSEILLE(APHM), dont le siège est 80 rue Brochier à Marseille Cedex (13354), représentée par son président en exercice, par la Selarl Baffert - Fructus associés ;
L'ASSISTANCE PUBLIQUE DES HOPITAUX DE MARSEILLE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0205510 du 17 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés Campenon Bernard Méditerranée, Atelier 9 et OTH Méditerranée à lui payer la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice de jouissance que lui ont causé les désordres constatés dans la réalisation d'un ensemble immobilier, à la condamnation solidaire des sociétés Campenon Bernard Méditerranée et Atelier 9 à lui payer la somme de 6.103,94 euros au titre de la réparation des infiltrations en toiture de la crèche et à la condamnation solidaire des sociétés Campenon Bernard Méditerranée et OTH Méditerranée à lui payer la somme de 706.160,31 euros au titre du remplacement de la tuyauterie du système de chauffage ;
2°) de condamner les personnes précitées au versement des sommes demandées en réparation des désordres intervenus sur les tuyauteries du réseau d'eau chaude-sanitaires ;
3°) de mettre à la charge des sociétés Campenon Bernard Méditerranée, Atelier 9 et OTH Méditerranée la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en réponse, enregistré le 20 mars 2008, présenté pour le cabinet d'architecture Atelier 9, par Me Karouby ; le cabinet d'architecture Atelier 9 conclut :
1°) à l'irrecevabilité de la requête ;
2°) à sa mise hors de cause ;
3°) au rejet de la requête ;
4°) à titre subsidiaire, à ce qu'elle soit garantie des condamnations prononcées par la société Campenon Bernard Méditerranée et OTH Méditerranée ;
5°) à ce que soit mise à la charge de l'APHM la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le mémoire en réponse, enregistré le 29 avril 2008, présenté pour la société Campenon Bernard Méditerranée, par Me Blum, qui conclut :
1°) à l'irrecevabilité de la requête de l'ASSISTANCE PUBLIQUE DES HOPITAUX DE MARSEILLE ;
2°) à titre subsidiaire, au rejet de cette requête ;
3°) à la condamnation solidaire du cabinet d'architecture Atelier 9 et de la société OTH Méditerranée à la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
4°) à ce que soit mise à la charge de tous succombants la somme de 2.000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le courrier en date du 21 mai 2008 informant les parties que la Cour est susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la mise en oeuvre de la responsabilité quasi-délictuelle des constructeurs comme présentées après expiration du délai d'appel ;
Vu la réponse au moyen d'ordre public, enregistrée le 3 juin 2008, présentée pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE DES HOPITAUX DE MARSEILLE, qui soutient que le moyen tiré de la responsabilité quasi-délictuelle des constructeurs, qui est subsidiaire par rapport à la demande principale, ne pouvait être soulevé avant la décision du Conseil d'Etat du 22 février 2008 et ne devait pas nécessairement être soulevé dans le cadre du délai d'appel ;
Vu le mémoire en réponse, enregistré le 3 juin 2008, présenté pour la société IOSIS venant aux droits de OTH, par Me Autissier, qui conclut :
1°) à l'irrecevabilité de la requête de l'ASSISTANCE PUBLIQUE DES HOPITAUX DE MARSEILLE ;
2°) à titre subsidiaire, au rejet de cette requête et à sa mise hors de cause ;
3°) à la condamnation solidaire du cabinet d'architecture Atelier 9 et de la société Campenon Bernard Méditerranée à la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
4°) à ce que soit mise à la charge de tous succombants la somme de 3.000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le nouveau mémoire en réponse, enregistré le 4 juin 2008, présenté pour le cabinet d'architecture Atelier 9, par Me Karouby ; la SARL Atelier 9 conclut aux mêmes fins que précédemment ;
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Vu le nouveau mémoire, enregistré le 5 juin 2008, présenté pour la société Campenon Bernard Méditerranée, par Me Blum, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 modifiée relative à la maîtrise d'ouvrage et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 2008 :
- le rapport de Mme E. Felmy, conseiller,
- les observations de Me Crisanti représentant l' APHM, de Me Engelhard représentant la société Campenon Bernard Méditerranée, de Me Melloul représentant le cabinet d'architecture Atelier 9 et de Me Baillon-Passe représentant la société IOSIS,
- et les conclusions de Mme Buccafurri, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par un marché de conception-construction conclu le 10 juillet 1992, l'ASSISTANCE PUBLIQUE DES HOPITAUX DE MARSEILLE a confié la réalisation d'un ensemble immobilier destiné à sa direction générale et à ses services centraux à un groupement conjoint composé, d'une part, d'un groupement solidaire de concepteurs associant le cabinet d'architecture Atelier 9 et la société OTH Méditerranée, aux droits de laquelle est venue la société IOSIS, titulaires du lot n° 1 relatif à la conception de l'ouvrage, et, d'autre part, de la société MCB, aux droits de laquelle vient la société Campenon Bernard Méditerranée, titulaire du lot n° 2 relatif à la construction, cette dernière intervenant en qualité de mandataire du groupement conjoint ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande présentée par le maître d'ouvrage tendant à engager la responsabilité décennale de ses co-contractants pour des désordres affectant la toiture de la crèche et les tuyauteries du système de chauffage de l'ouvrage, au motif de la nullité du marché ainsi conclu ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, par courrier en date du 18 novembre 2005, le Tribunal administratif de Marseille a informé les parties qu'il était susceptible de soulever d'office les moyens tirés, d'une part, de la méconnaissance du champ d'application de la loi n° 85-704 du 13 juillet 1985 et de l'article 304 du code des marchés publics qui entraîne notamment la nullité du marché de « conception-réalisation » litigieux, d'autre part, de la nullité de l'article 2 du CCAP et, enfin, de la nullité des clauses relatives à la mission des concepteurs contenues dans l'annexe 1 au CCAP ; qu'en soulevant d'office les moyens tirés de la nullité du marché et de la méconnaissance du champ d'application de la loi, lesquels sont d'ordre public, le Tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'irrégularité ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête d'appel :
Sur la responsabilité :
En ce qui concerne la nullité du marché :
Considérant, en premier lieu, que le marché litigieux a été passé sur appel d'offres avec concours en vertu des articles 302, 304-3 et 306 du code des marchés publics alors applicable ; qu'aux termes du 3° de l'article 304 de ce code, le concours peut porter à la fois sur l'établissement d'un projet et son exécution ; que, par suite, le marché en cause relevait d'un marché de conception-réalisation tel que défini dans la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 7 de cette loi : « Pour la réalisation d'un ouvrage, la mission de maîtrise d'oeuvre est distincte de celle d'entrepreneur » ; qu'aux termes du I de l'article 18 de la même loi : « Nonobstant les dispositions du titre II de la présente loi, le maître de l'ouvrage peut confier par contrat à un groupement de personnes de droit privé ou, pour les seuls ouvrages d'infrastructure, à une personne de droit privé, une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux, lorsque des motifs d'ordre technique rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage. Un décret précise les conditions d'application du présent alinéa en modifiant, en tant que de besoin, pour les personnes publiques régies par le Code des marchés publics, les dispositions de ce code. » ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la passation d'un marché de « conception-réalisation », qui modifie les conditions d'exercice de la fonction de maître d'oeuvre, ne peut avoir lieu que dans des circonstances particulières ; que les dispositions précitées, qui précisent les circonstances permettant de recourir à une telle mission, sont applicables au marché querellé à la date de sa signature en l'absence du décret prévu par le dernier alinéa du I de l'article 18 ; que les dispositions alors en vigueur des articles 302, 304-3 et 306 du code des marchés publics permettent d'organiser le choix du concepteur et de l'entrepreneur ;
Considérant, en second lieu, que pour justifier, en l'espèce, le recours à la procédure d'offres avec concours au regard des dispositions précitées, l'ASSISTANCE PUBLIQUE DES HOPITAUX DE MARSEILLE fait valoir que la mission, tenant à la réalisation d'un ensemble immobilier destiné à sa direction générale et à ses services centraux, confiée, d'une part, à un groupement solidaire de concepteurs associant le cabinet d'architecture Atelier 9 et la société OTH Méditerranée, titulaires du lot n° 1 relatif à la conception de l'ouvrage, et, d'autre part, de la société MCB, aux droits de laquelle vient la société Campenon Bernard Méditerranée, titulaire du lot n° 2 relatif à l'exécution des ouvrages relatifs à la construction des locaux, posait des problèmes techniques complexes résultant de sa construction sur les anciens bâtiments de la prison Saint Pierre, entièrement intégrés dans la réalisation, après une rénovation complète ;
Considérant, toutefois, d'une part, que si le marché portait à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux, il résulte de l'instruction que la division en deux lots du marché a maintenu le principe de séparation des fonctions d'entrepreneur et de maîtrise d'oeuvre ; qu'il résulte en effet de l'article 1.2 du CCAP applicable au marché et de son annexe 1 que l'entrepreneur n'a pas été associé au projet dès la conception de l'ouvrage et qu'il était uniquement chargé de l'exécution des ouvrages de sorte que l'objet du marché n'était pas celui défini par l'article 18 de la loi précitée, justifiant la procédure de l'article 304 du code des marchés publics alors applicable ; que, d'autre part, cette mission ne comportait aucun motif d'ordre technique rendant cette association nécessaire eu égard aux caractéristiques de l'ouvrage, et en particulier à sa finalité d'hébergement de services administratifs ; qu'également, aucune difficulté technique particulière au sens des dispositions de l'article 18 de la loi précitée, nonobstant la particularité tenant à l'intégration d'anciens bâtiments pénitentiaires dans l'ouvrage, ne justifiait le recours à la procédure propre aux marchés de conception réalisation ; que, par suite, le marché conclu par l'Assistance publique en méconnaissance des règles de passation et de ses obligations de publicité et de mise en concurrence est entaché de nullité ; qu'il s'ensuit qu'aucune responsabilité ne peut être recherchée sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs ;
En ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle des constructeurs :
Considérant que lorsque le juge, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d'office, la nullité du contrat, les cocontractants peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l'enrichissement sans cause que l'application du contrat frappé de nullité a apporté à l'un d'eux, bien que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles ; qu'ils peuvent également invoquer, dans les mêmes conditions, des moyens relatifs à leur responsabilité quasi-délictuelle, de sorte qu'un maître d'ouvrage est recevable, après constatation par le juge de la nullité du marché le liant à un concepteur ou un constructeur, à demander, sur ce nouveau fondement, la réparation des préjudices qui ont pu lui être causés dans l'exécution des prestations et travaux concernés et invoquer, à cet effet, les fautes qu'aurait commises ce concepteur ou ce constructeur, en livrant, en dehors de toute obligation contractuelle régulière, un ouvrage non conforme à sa destination pour avoir été construit en méconnaissance des règles de l'art ;
Considérant, toutefois, que ces principes n'ont pas pour effet de déroger à toutes les règles relatives à la recevabilité de l'appel, et notamment à celle selon laquelle, postérieurement à l'expiration du délai d'appel, et hors le cas où il se prévaudrait d'un moyen d'ordre public, l'appelant n'est recevable à invoquer un moyen nouveau que pour autant que celui-ci repose sur la même cause juridique qu'un moyen ayant été présenté dans le délai d'appel ; que, dans le cas où la nullité du contrat a été constatée par les premiers juges, l'administration n'est pas recevable à invoquer après l'expiration du délai d'appel les fautes qu'auraient commises les constructeurs en livrant un ouvrage non conforme à sa destination ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSISTANCE PUBLIQUE HÔPITAUX DE MARSEILLE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de ses cocontractants à réparer les préjudices issus des désordres affectant son ouvrage ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'ASSISTANCE PUBLIQUE HÔPITAUX DE MARSEILLE est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Campenon Bernard Méditerranée venant aux droits de la société MCB, du cabinet d'architecture Atelier 9 et de la société IOSIS venant aux droits de la société OTH Méditerranée tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'ASSISTANCE PUBLIQUE DES HOPITAUX DE MARSEILLE, à la société Campenon Bernard Méditerranée venant aux droits de la société MCB, au cabinet d'architecture Atelier 9, à la société IOSIS venant aux droits de la société OTH Méditerranée et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
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N° 06MA00792