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03/07/2008 | FRANCE | N°07MA00536

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 03 juillet 2008, 07MA00536


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 16 février 2007, sous le n° 07MA00536, présenté pour le PREMIER MINISTRE ;

Le PREMIER MINISTRE demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0507513 du 12 décembre 2006 du Tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a annulé la décision en date du 9 septembre 2005 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande d'octroi d'allocation de reconnaissance destinée aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés présentée par M. Y

X et a condamné l'Etat à verser à ce dernier la somme de 1 000 euros sur le fond...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 16 février 2007, sous le n° 07MA00536, présenté pour le PREMIER MINISTRE ;

Le PREMIER MINISTRE demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0507513 du 12 décembre 2006 du Tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a annulé la décision en date du 9 septembre 2005 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande d'octroi d'allocation de reconnaissance destinée aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés présentée par M. Y X et a condamné l'Etat à verser à ce dernier la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal de M. Y X ;

................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu la loi n°87-549 du 16 juillet 1987, modifiée, relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés ;

Vu la loi n° 2005-158 du 23 février 2005, portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ;

Vu le décret n°2005-477 du 17 mai 2005 pris pour application des articles 6, 7 et 9 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 ;

Vu le Code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2008 :

- le rapport de M. Duchon-Doris, président assesseur ;

- les conclusions de Mme Steck-Andrez, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité du recours :

Sur les conclusions présentées par le PREMIER MINISTRE :

Considérant que le PREMIER MINISTRE fait appel du jugement en date du 12 décembre 2006 du Tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a annulé la décision en date du 9 septembre 2005 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande d'octroi d'allocation de reconnaissance destinée aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés présentée par M. Y X et a condamné l'Etat à verser à ce dernier la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 47 I de la loi de finances du 30 décembre 1999 dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 et modifiée par la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 : « Une allocation de reconnaissance indexée sur le taux d'évolution en moyenne des prix à la consommation de tous les ménages (hors tabac) est versée sous condition d'âge en faveur des personnes désignées par le premier alinéa de l'article 2 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 et remplissant les conditions de nationalité telles que définies à l'article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés. Cette disposition entre en vigueur à compter du 1er janvier 2001. Les conditions d'attribution de cette rente sont définies par décret » ; que les personnes désignées au premier alinéa de l'article 2 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 sont les personnes visées à l'article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987, à savoir : « les anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives ayant servi en Algérie qui ont conservé la nationalité française en application de l'article 2 de l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 relative à certaines dispositions concernant la nationalité française, prises en application de la loi n° 62-421 du 13 avril 1962 et qui ont fixé leur domicile en France » ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ratifiée par la France en application de la loi du 31 décembre 1973 et publiée au Journal officiel par décret du 3 mai 1974 : « Les Hautes parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre 1 de la présente convention » ; qu'aux termes de l'article 14 de la même convention: « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation »; qu'en vertu des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention: « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens./ Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer 1'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes » ;

Considérant qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ;

Considérant que l'allocation de reconnaissance, comme d'ailleurs l'allocation forfaitaire et l'allocation forfaitaire complémentaire, ont le caractère d'un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel ; que leur institution a eu pour objet de compenser les préjudices moraux que les harkis, moghaznis et anciens membres des formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local ont subi lorsque, contraints de quitter l'Algérie après l'indépendance, ils ont été victimes d'un déracinement et ont connu des difficultés d'insertion en France ; qu'une différence de traitement quant à l'octroi de ces allocations selon que les intéressés ont opté en faveur de l'adoption de la nationalité française ou se sont abstenus d'effectuer un tel choix, ne se justifie pas, eu égard à l'objet de l'une et l'autre de ces allocations ; que les dispositions législatives précitées en ce qu'elles se réfèrent à la nationalité du demandeur sont de ce fait incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter, par la décision du 9 septembre 2005, la demande de M. X tendant à bénéficier de l'allocation de reconnaissance, le préfet des Bouches-du-Rhône s'est borné à relever que l'intéressé n'avait recouvré la nationalité française qu'en 1997, sans rechercher s'il avait précipitamment quitté l'Algérie après l'indépendance, avait alors fixé son domicile en France et devait être ainsi regardé comme ayant subi le préjudice moral que les dispositions de l'article 47 I de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 ont pour objet de compenser ; que, ce faisant, le préfet des Bouches-du-Rhône a entaché sa décision d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREMIER MINISTRE n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a annulé la décision en date du 9 septembre 2005 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande d'octroi d'allocation de reconnaissance destinée aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés présentée par M. X et a condamné l'Etat à verser à ce dernier la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions présentées par M. X :

Considérant que si M. X demande la condamnation du PREMIER MINISTRE à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, il ne développe à l'appui de ces conclusions aucune argumentation ; que, par suite et en tout état de cause, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant en revanche que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à M. la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Par ces motifs,

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du PREMIER MINISTRE est rejeté.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X la somme de 1 500 euros (mille cinq cent euros) sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au PREMIER MINISTRE ( mission interministérielle aux rapatriés ) et à M. Y X.

N° 2

am


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07MA00536
Date de la décision : 03/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe DUCHON-DORIS
Rapporteur public ?: Mme STECK-ANDREZ
Avocat(s) : JURAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-07-03;07ma00536 ?
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