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26/06/2008 | FRANCE | N°08MA00414

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 26 juin 2008, 08MA00414


Vu le recours, enregistré le 29 janvier 2008, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ;

Le ministre demande à la Cour d'annuler l'ordonnance n°0707510 en date du 9 janvier 2008 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille a condamné le directeur des services fiscaux de Marseille à verser à la SA CM CIC-La Violette Financement une provision d'un montant de 330 090,80 euros et mis à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le recours, enregistré le 29 janvier 2008, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ;

Le ministre demande à la Cour d'annuler l'ordonnance n°0707510 en date du 9 janvier 2008 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille a condamné le directeur des services fiscaux de Marseille à verser à la SA CM CIC-La Violette Financement une provision d'un montant de 330 090,80 euros et mis à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2008 :

- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SARL « Sodaphone », qui exerce une activité de commerce de matériel électronique plus particulièrement axée sur la vente de téléphones mobiles, a présenté, en sa qualité d'exportatrice, des demandes de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée au titre des mois d'avril, de juin et de juillet 2007 pour des montants respectifs de 434 330 euros, 332 883 euros et 165 893 euros ; que, le 11 juin 2007, la direction nationale des enquêtes fiscales a adressé à la société un avis de vérification de comptabilité portant sur la taxe sur la valeur ajoutée relative à la période allant du 1er janvier 2006 au 30 avril 2007 ; que, dans l'attente des résultats de ce contrôle, l'administration, qui soupçonnait l'existence de fausses livraisons intracommunautaires, a suspendu le traitement des demandes de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée effectuées par la société ; que, par convention en date du 3 mai 2007, la SARL « Sodaphone » a cédé à la SA CM CIC-La Violette Financement une créance d'un montant total de 434 330 euros dont une fraction, d'un montant de 330 090,80 euros, correspondait au crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont la SARL « Sodaphone » estimait disposer ; que la SA CM CIC-La Violette Financement a alors demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Marseille que lui soit versée, au titre de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée, une provision d'un montant de 330 090,80 euros ; que, par ordonnance en date du 9 janvier 2008, le juge des référés a condamné le directeur des services fiscaux de Marseille à verser à la SA CM CIC-La Violette Financement une provision pour le montant demandé et mis à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande à la Cour d'annuler cette ordonnance ;

Sur la recevabilité du recours du ministre :

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article R. 541-3 du code de justice administrative, l'ordonnance en matière de référé-provision rendue par le président du tribunal administratif ou par son délégué est susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel dans la quinzaine de sa notification ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte pas de l'instruction que le recours du ministre aurait été enregistré au greffe de la Cour postérieurement au délai d'appel fixé par ces dispositions ;

Considérant, en second lieu, que Mme Chantal Marchand, signataire du recours, disposait, en sa qualité de directrice départementale des impôts, d'une délégation délivrée par arrêté du 21 novembre 2007, publié au Journal officiel de la République française du 24 novembre 2007, aux fins de présenter les recours formés par l'administration devant la Cour administrative d'appel de Marseille ; que, par suite, le recours du ministre, enregistré au greffe de la Cour le 29 janvier 2008, a été régulièrement présenté ;

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable » ;

Considérant par ailleurs qu'aux termes de l'article 262 ter du code général des impôts : « I. Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une autre personne morale non assujettie (... )» ; que, pour l'application de ces dernières dispositions, un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée disposant de justificatifs de l'expédition des biens à destination d'un autre Etat membre et du numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée de l'acquéreur doit être présumé avoir effectué une livraison intracommunautaire exonérée ; que, toutefois, cette présomption ne fait pas obstacle à ce que l'administration fiscale puisse établir que les livraisons en cause n'ont pas eu lieu, en faisant notamment valoir que des livraisons, répétées et portant sur des montants importants, ont eu pour destinataire présumé des personnes dépourvues d'activité réelle ;

Considérant qu'à l'appui de son moyen selon lequel l'obligation dont se prévaut la SA CM CIC-La Violette Financement est sérieusement contestable, le ministre fait valoir, de façon circonstanciée, que la SARL « Sodaphone » serait impliquée dans un système de fraude de grande ampleur à la taxe sur la valeur ajoutée de type « carrousel » ; qu'il indique plus particulièrement que la SARL « Sodaphone » jouerait le rôle de « grossiste déducteur » dans des circuits de « facturation en boucle » ; qu'ainsi, la société « Techno Plus », dont le siège est à Marseille, revendrait à la société « Eurocom Trading » des téléphones mobiles que cette société revendrait à son tour à la SARL « Sodaphone » avant que celle-ci ne revende les mêmes matériels en exonération de taxe à la société « Digital Trade Limited » dont le siège est à Malte, cette dernière société revendant finalement les matériels en cause à la société « Techno Plus » ; que la SARL « Sodaphone » serait également impliquée selon le ministre dans un autre système de « facturation en boucle » faisant intervenir la société « Euro Data System », à laquelle elle achèterait des téléphones mobiles avant de les revendre à la société « Digital Trade Limited » qui, elle-même, les revendrait à la société « Techno Plus » ;

Considérant, par ailleurs, que le ministre est en mesure de faire état, à l'appui de ses affirmations, des résultats des opérations de vérification de comptabilité menées en France à l'égard de la société « Techno Plus », lesquelles, complétées par les informations recueillies par l'administration fiscale dans l'exercice de son droit de communication auprès de la société « Prologic Distrilogic » qui exerce à Rungis l'activité de transitaire pour le compte de la société « Techno Plus », ont révélé l'absence de documents de transport afférents aux achats de téléphone que cette dernière société indiquait avoir effectués au cours des mois d'octobre et de novembre 2006 ; que les résultats des opérations de vérification de comptabilité de la société « Eurocom Trading » dont le siège est à Bobigny, de la société « Dedicace Trading » dont le siège est à Marseille et de la société « Euro Data System » dont le siège est à Créteil ainsi que ceux de la vérification de comptabilité dont la SARL « Sodaphone » elle-même a fait l'objet permettent de soupçonner l'implication de l'ensemble de ces sociétés dans les circuits de « facturation en boucle » dont le ministre souligne l'existence ;

Considérant enfin que le ministre produit devant la Cour les réponses apportées par les autorités fiscales luxembourgeoises et maltaises à ses demandes d'assistance administrative internationale ; qu'il résulte des réponses apportées le 20 septembre 2007 par les autorités luxembourgeoises aux demandes de l'administration fiscale française que la société « JPS Group », cliente de la SARL « Sodaphone », ne justifiait pas les livraisons intracommunautaires qu'elle déclarait et que cette société était impliquée depuis sa création dans un système de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en outre, si la réponse des autorités maltaises aux demandes de l'administration fiscale française parvenue à celle-ci le 18 août 2007 est rédigée en langue anglaise, il résulte de la traduction qu'en donne le ministre dans son recours que la société « Digital Trade Limited », autre client de la SARL « Sodaphone », ne disposait en fait d'aucun établissement à Malte et a été privée de son numéro d'identification intracommunautaire à compter du 1er septembre 2007 ;

Considérant que, dans ces conditions, existent en l'état de l'instruction des soupçons sérieux de l'implication de la SARL « Sodaphone » dans les circuits de « facturation en boucle » dont le ministre souligne l'existence ; que les importants excédents de taxe déductible que retire la SARL « Sodaphone » de ses nombreuses livraisons intracommunautaires exonérées de taxe permettent également de soupçonner que la société participait en connaissance de cause aux opérations litigieuses ; que, par suite, les droits à remboursement de taxe de la SARL « Sodaphone » étant susceptibles d'être remis en cause, l'obligation dont se prévaut la SA CM CIC-La Violette Financement à raison d'un crédit de taxe trouvant son origine dans ces mêmes opérations doit être regardée comme présentant un caractère sérieusement contestable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille a condamné le directeur des services fiscaux de Marseille à verser à la SA CM CIC-La Violette Financement une provision d'un montant de 330 090,80 euros et mis à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu également de rejeter par voie de conséquence les conclusions incidentes de la SA CM CIC-La Violette Financement tendant au bénéfice des dispositions du même article ;

DECIDE

Article 1er : L'ordonnance du 9 janvier 2008 du juge des référés du Tribunal administratif de Marseille est annulée.

Article 2 : La demande de la SA CM CIC-La Violette Financement présentée devant le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à la SA CM CIC-La Violette Financement.

Copie en sera adressée à la SCP Deygas-Perrachon-Bes et associés et au directeur de contrôle fiscal Sud-Est.

N° 08MA000414


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA00414
Date de la décision : 26/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : DEYGAS PERRACHON BES et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-06-26;08ma00414 ?
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