Vu I°), sous le n° 0600923, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 mars et 24 avril 2006, présentés pour l'INSTITUT NATIONAL DES APPELLATIONS D'ORIGINE (INAO), dont le siège est 51 rue d'Anjou à Paris (75008), par la SCP Parmentier - Didier ;
L'INAO demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0302317 du 3 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a annulé sa décision en date du 12 mars 2003 portant refus d'agrément d'un lot de 90 hl de vin à l'appellation d'origine contrôlée « Muscat de Rivesaltes » avec conséquences de droit ;
2°) de rejeter la demande de la SCEA du Clos Saint Georges ;
3°) de mettre à la charge de celle-ci la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2006, présenté pour la SCEA du Clos Saint Georges, par la SCP CGCB et Associés ; la SCEA du Clos Saint Georges conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'INAO la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le mémoire en réplique, enregistré le 21 janvier 2008, présenté pour l'INSTITUT NATIONAL DES APPELLATIONS D'ORIGINE, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
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Vu II°), sous le n° 06001278, la requête, enregistrée le 9 mai 2006, présentée pour la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES, représentée par son gérant en exercice, dont le siège est Clos Saint Georges à TROUILLAS (66300), par la SCP CGCB et Associés ;
La SCEA DU CLOS SAINT GEORGES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0305957-0402507 du 3 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Institut national des appellations d'origine (INAO) à lui verser la somme de 63.512 euros, 47.000 euros ou de 27.000 euros au titre du préjudice découlant d'un refus d'agrément d'un lot de 90 hl de vin à l'appellation Muscat de Rivesaltes et à l'annulation de la décision implicite par laquelle l'INAO a rejeté sa demande d'indemnisation du préjudice subi ;
2°) de condamner l'INAO au paiement de la somme de 34.107 euros au titre du préjudice précité, avec intérêt à compter de la date de réception de la réclamation préalable le 12 décembre 2003 ;
3°) de mettre à la charge de l'INAO la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2006, présenté pour l'Institut national des appellations d'origine (INAO), par la SCP Parmentier - Didier ; l'INAO conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le mémoire en réplique, enregistré le 27 novembre 2006, présenté pour la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES ; la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;
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Vu les jugements et la décision attaqués ;
Vu les autres pièces des dossiers, et notamment le rapport d'expertise déposé au greffe du Tribunal administratif de Montpellier le 28 novembre 2003 ;
Vu le décret n° 2001-1163 du 7 décembre 2001 ;
Vu le décret n° 74-871 du 19 octobre 1974 relatif aux examens analytique et organoleptique des vins à appellation contrôlée ;
Vu l'arrêté du 20 novembre 1974 relatif aux examens analytique et organoleptique des vins à appellation contrôlée ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 avril 2008 :
- le rapport de Mme E. Felmy, conseiller,
- les observations de Me Barbeau-Bournoville représentant la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES,
- et les conclusions de Mme Buccafurri, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes n° 0600923 et 06001278 présentées pour l'INSTITUT NATIONAL DES APPELLATIONS D'ORIGINE et la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES présentent à juger des questions tenant à la légalité de la décision de l'INAO du 12 mars 2003 et ses conséquences et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant que la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES, exploitante d'une propriété viticole dans la zone d'appellation « Muscat de Rivesaltes », a déposé une demande d'agrément à cette A.O.C pour un lot de 90 hl de vin auprès de l'INSTITUT NATIONAL DES APPELLATIONS D'ORIGINE ; qu'à la suite des examens analytique et organoleptique prescrits par le décret n° 2001-1163 du 7 décembre 2001, un premier avis de refus d'agrément en date du 7 février 2003 lui a été signifié ; que par une décision du 12 mars 2003, notifiée le 13, un refus définitif d'agrément a été prononcé ; que la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES a introduit auprès de l'INSTITUT NATIONAL DES APPELLATIONS D'ORIGINE un recours gracieux qui a fait l'objet d'un rejet le 2 mai 2003 ; qu'un rapport d'expertise portant sur les lots de vin agréés ou refusés a été remis le 28 novembre 2003 ; que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 12 mars 2003 mais a rejeté la demande de la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES tendant à l'indemnisation des préjudices financier, économique, moral et commercial résultant de cette décision illégale ;
Sur la régularité du jugement n° 0302317 :
Considérant que l'INAO soutient que le jugement attaqué aurait, du fait de la production d'un mémoire par la SCEA défenderesse le jour de la clôture de l'instruction, été rendu en méconnaissance des dispositions de l'article R. 613-3 du code de justice administrative, aux termes duquel : « Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. / Si les parties présentent avant la clôture de l'instruction des conclusions nouvelles ou des moyens nouveaux, la juridiction ne peut les adopter sans ordonner un supplément d'instruction. » ; que, toutefois, le Tribunal ne s'est pas fondé sur les éléments contenus dans ce mémoire pour annuler la décision litigieuse ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'irrégularité de ce jugement doit être écarté ;
Sur la recevabilité de la demande de la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES :
Considérant que la demande du 13 mai 2003 contenait l'exposé sommaire des faits et des moyens de légalité externe et interne invoqués au soutien des conclusions tendant à l'annulation de la décision contestée et était ainsi conforme aux dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative aux termes duquel : « La juridiction est saisie par requête. (...). Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. » ; qu'elle a été présentée devant le Tribunal administratif par la SCEA dans les délais de recours contentieux, nonobstant l'exercice d'un recours administratif ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par l'INAO à la demande de première instance de la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES doit être écartée ;
Sur la légalité de la décision en date du 12 mars 2003 :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret n° 2001-1163 du 7 décembre 2001 relatif aux examens analytique et organoleptique des vins à appellation d'origine contrôlée : « L'examen analytique est effectué par des laboratoires agréés, après avis des services de l'INAO, par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. / Pour cet examen, des éléments caractéristiques complémentaires à ceux visés par la réglementation communautaire et des valeurs limites spécifiques peuvent être fixés dans le décret de l'appellation concernée. / L'examen organoleptique est effectué par une commission de dégustateurs choisis sur une liste arrêtée par le directeur de l'INAO, sur proposition des syndicats de défense des appellations concernées./ Le demandeur qui a un vin non agréé pour motif analytique et/ou organoleptique peut demander que son vin soit soumis une nouvelle fois auxdits examens./ A l'issue de ce nouvel examen, le demandeur peut pour un vin non agréé pour motif organoleptique demander que celui-ci soit soumis, en dernier ressort, à une commission régionale composée de dégustateurs figurant sur une liste arrêtée par le directeur de l'INAO, sur proposition du comité régional de l'INAO. Ces dégustateurs sont choisis parmi ceux figurant sur la liste visée au troisième alinéa du présent article./ La commission régionale est compétente pour toutes les appellations du comité régional de l'INAO concerné. » ;
Considérant que la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES a obtenu l'agrément de deux lots de vin pour l'AOC « Muscat de Rivesaltes » respectivement le 13 novembre 2002 dans le cadre de l'opération « Muscat de Noël » et le 27 janvier 2003 ; que le troisième lot issu de la même récolte, correspondant à la cuve 34, a été refusé par un premier avis de la commission d'agrément qualifiant le vin d'« insuffisant, louche, épais » puis par avis définitif du 12 mars 2003 au motif que le vin était « dilué, insuffisant, maigre » ;
Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise susvisé que les analyses des identités analytiques du vin agréé et du vin refusé n'ont pas permis de conclure à leur caractère différent ; que s'agissant des analyses organoleptiques, les dégustateurs professionnels n'ont pu différencier les vins prélevés dans les chais de la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES et qu'aucune différence significative n'a pu davantage être établie entre les différents vins des échantillons officiels conservés soit par l'INAO soit par la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES ; qu'ainsi, l'INAO ne pouvait, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser par la décision attaquée l'agrément d'un lot de 90 hl pour l'appellation « Muscat de Rivesaltes » ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'INSTITUT NATIONAL DES APPELLATIONS D'ORIGINE (INAO) n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le premier jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 12 mars 2003 ;
Sur les conclusions indemnitaires de la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES :
Considérant que l'illégalité de la décision de refus d'agrément opposée à la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'INSTITUT NATIONAL DES APPELLATIONS D'ORIGINE ;
Considérant que le préjudice issu de l'erreur manifeste d'appréciation affectant la décision litigieuse, qui a eu pour effet de priver la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES de vendre 90 hl de vin sous l'appellation Muscat de Rivesaltes, s'élève à la somme de 11.396 €, correspondant à la différence entre le prix de vente en AOC et le prix de vente de ce vin déclassé Grand Roussillon ; que la circonstance qu'elle aurait elle-même, à la suite du refus d'agrément, demandé le déclassement de ce lot en AOC Grand Roussillon afin de le commercialiser, ne saurait faire obstacle à ce qu'elle soit dédommagée de la perte de bénéfice ainsi subie ; que la société n'établit pas que d'autres éléments de préjudice devraient être pris en compte à ce titre, notamment l'échec de la vente de son vin à 225,62 euros l'hl par contrat conclu avec la société Trilles ;
Considérant, en revanche, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la vente à moindre prix de 50 hl de récolte, conservée pour les besoins de l'expertise judiciaire, constitue un dommage directement imputable à l'illégalité commise ; qu'également, la SCEA n'apporte aucun élément de nature à justifier le préjudice moral et commercial qu'elle allègue, tiré notamment de l'atteinte à son image ;
Considérant, enfin, que le préjudice résultant des divers honoraires versés aux conseils de la requérante correspondent à l'indemnité mise à la charge éventuelle du défendeur au titre des frais non compris dans les dépens tels que précisés par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES est, dans cette mesure, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le second jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'indemnisation issue de l'illégalité de la décision du 12 mars 2003 ; que l'INAO doit être condamné à lui verser une indemnité de 11.396 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2003, date de la réception de sa demande préalable ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'INAO la somme de 1.500 euros au titre des frais non compris dans les dépens que la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES a exposés au titre de ces deux instances ; qu'en revanche, il ne peut être mis à la charge de cette dernière la somme que l'INAO demande sur le même fondement ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'INSTITUT NATIONAL DES APPELLATIONS D'ORIGINE (INAO) est rejetée.
Article 2 : Le jugement n° 0305957-0402507 du Tribunal administratif de Montpellier en date du 3 février 2006 est annulé.
Article 3 : L'INSTITUT NATIONAL DES APPELLATIONS D'ORIGINE versera à la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES la somme de 11.396 euros en réparation de son préjudice, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2003.
Article 4 : L'INSTITUT NATIONAL DES APPELLATIONS D'ORIGINE versera à la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES la somme de 1.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'INSTITUT NATIONAL DES APPELLATIONS D'ORIGINE INAO, à la SCEA DU CLOS SAINT GEORGES et au ministre de l'agriculture et de la pêche.
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N° 06MA00923 et 06MA01278