Vu la requête, enregistrée le 21 octobre 2005, présentée pour M. Marcel X, élisant domicile ..., par Me Perreimond, avocat ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0400694 rendu le 24 juin 2005 par le Tribunal administratif de Bastia qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 30 000 euros en réparation des conséquences dommageables résultant du fait qu'il n'a pas été affecté sur un poste correspondant à sa profession ;
2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
3°) de condamner à l'Etat lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'instruction générale n° 47676/DN/DPC/CRG du 30 mars 1973 relative aux conditions d'avancement des ouvriers de la défense nationale ;
Vu l'instruction du 17 décembre 1992 dite « plan de formation et de mobilité » ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mars 2008 :
- le rapport de Mme Fedi, rapporteur,
- et les conclusions de M. Brossier, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X interjette appel du jugement rendu le 24 juin 2005 par le Tribunal administratif de Bastia en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les conséquences dommageables résultant pour lui de son affectation sur un poste ne correspondant pas à sa profession ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'atelier industriel de l'aéronautique de Bordeaux où travaillait M. X, ouvrier de l'Etat fraiseur groupe VI du ministère de la défense, a fait l'objet d'une restructuration ; qu'il est établi, notamment par une « note pour la CMD de Marseille » datée du 9 janvier 1996, que l'appelant a alors été « affecté à compter du 1er mars 1996 au 2ème régiment étranger parachutiste de Calvi pour y occuper un poste afférent à ses qualifications. Afin de ne pas perturber la pyramide des ouvriers de cet établissement, M. X sera placé à titre exceptionnel en sureffectif dans le groupe VI des ouvriers du 2ème régiment étranger parachutiste. » ; qu'il est constant que, depuis cette date, M. X a occupé dans ce régiment divers postes d'ouvriers d'Etat dont aucun ne correspondait à sa profession ; que l'appelant est donc fondé à soutenir que l'Etat a commis une faute en ne lui confiant pas les missions correspondant au poste sur lequel il avait été affecté en qualité d'ouvrier fraiseur ; que la circonstance que l'appelant n'ait pas demandé à bénéficier de la possibilité ouverte, par l'instruction du 17 décembre 1992 dite « plan de formation et de mobilité », aux agents mutés à la suite d'une restructuration de revenir sur leur décision après une période de « pré mutation » dont les dates sont précisées dans un contrat de mobilité ne saurait exonérer l'Etat de sa responsabilité dès lors qu'il n'est allégué ni qu'un contrat de mobilité ait été conclu avec M. X, ni que celui-ci aurait été averti de cette possibilité ; que l'appelant peut donc prétendre à réparation de l'ensemble des préjudices directement liés à la faute commise par l'Etat ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'aux termes du titre III de l'instruction générale n° 47676/DN/DPC/CRG du 30 mars 1973 relative aux conditions d'avancement des ouvriers de la défense nationale : « L'avancement de groupe est prononcé après réussite d'un essai complet, ou simplifié, ou après le suivi d'une formation qualifiante, tels que ceux-ci sont définis par l'instruction n°154/DEF/SGA du 20 février 1995 relative à la nomenclature des professions ouvrières, ou encore au choix.... L'avancement de groupe par essai ou à la suite d'une formation qualifiante s'effectue le plus généralement à l'intérieur d'une profession déterminée. Il peut cependant s'effectuer avec changement de profession...L'avancement au choix ne peut s'effectuer qu'au sein d'une profession donnée... les ouvriers appartenant au groupe VI peuvent accéder au groupe VII, à condition d'être âges d'au moins 40 ans à la date indiquée ci-dessus et d'être classés au 8ème échelon de leur groupe » ; que, d'une part, il résulte de ces dispositions que, contrairement à ce que soutient M. X, son affectation sur un poste ne correspondant pas à sa profession ne l'empêchait pas de présenter sa candidature aux avancements de groupe organisés par essai ou à la suite d'une formation qualifiante dans sa profession ou une autre ; que, d'autre part, compte tenu des appréciations négatives portées par l'administration sur sa façon de servir et de ce que l'appelant n'a atteint l'âge de 40 ans à partir duquel il pouvait prétendre à un tel avancement qu'en 2001, il ne justifie pas avoir perdu une chance sérieuse de bénéficier d'une promotion au choix au sein de la profession d'ouvrier fraiseur ; qu'en outre, M. X ne disposait d'aucun droit à obtenir un tel avancement ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que son absence d'affectation sur un poste d'ouvrier fraiseur l'aurait empêché d'obtenir une promotion doit être écarté ; que M. X ne saurait donc prétendre à indemnité de ce chef ;
Considérant par contre, qu'il résulte de l'instruction que M. X a dû exercer au 2ème régiment étranger parachutiste de Calvi des fonctions ne correspondant pas à sa profession ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral qui en est résulté pour lui en le fixant à la somme de 5 000 euros ; que M. X est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande dans cette mesure ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de réformer le jugement du tribunal administratif de Bastia du 24 juin 2005 en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. X tendant à la réparation du préjudice moral résultant de ce qu'il n'a pas exercé au 2ème régiment étranger parachutiste de Calvi des fonctions correspondant à sa profession et de condamner l'Etat à payer à l'appelant la somme de 5 000 euros ;
Sur l'application de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article 37, alinéa deuxième de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : « L'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge » ; qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de condamnation de l'Etat au paiement des frais exposés par le requérant et non compris dans les dépens n'a pas été fondée sur les dispositions précitées alors que le requérant bénéficie de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, lesdites conclusions sont irrecevables ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. X la somme de 5 000 euros (cinq mille euros).
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Bastia du 24 juin 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. X est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Marcel X et au ministre de la défense.
N° 05MA02757 2