Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 10 février 2006 sous le n° 06MA00434, présentée pour la SOCIETE DELL, société anonyme, dont le siège social est situé 1 rond-point Benjamin Franklin à Montpellier (34938), par la SELARL Fargepallet ;
La SOCIETE DELL demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0302374 en date du 15 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 12 mars 2003 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a confirmé, sur recours hiérarchique, la décision de l'inspecteur du travail en date du 13 septembre 2002 refusant l'autorisation de licencier M. Marco X ;
2°) d'annuler la dite décision du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ;
Elle soutient que tous les reproches visés concernent des comportements qui excèdent le cadre de l'exercice normal des fonctions représentatives de M. X ; que les faits sont établis et vérifiables ; que M. X a refusé à plusieurs reprises de prendre des appels téléphoniques des clients grandes entreprises (KATS) ; que l'organisation de la prise des appels KATS est une décision qu'elle a adoptée dans le cadre de son pouvoir de direction, de gestion et d'organisation de la société ; que le refus réitéré par un salarié d'exécuter des tâches relevant de son contrat de travail caractérise la faute grave ; que l'intéressé confirme lui-même qu'il a refusé de prendre ce type d'appels ; que les mails envoyés par M. X sont extrêmement clairs et prouvent qu'il a refusé de prendre les appels concernant les clients entreprises de mai à décembre 2002 ; que l'enquête du CHSCT ne peut être critiquée ; qu'elle est objective et a été initiée par les salariés victimes du comportement de M. X ; que l'intéressé n'avait pas l'autorisation d'utiliser et d'abuser de ses ressources de travail à des fins purement personnelles ; qu'il devait utiliser le matériel qui lui était confié, conformément aux dispositions du Règlement intérieur et du code de déontologie ; que le comité d'entreprise a accepté le principe de l'existence d'un contrôle sur les outils de communication, y compris informatiques ; que l'administration ne peut pas soutenir qu'il n'existe pas d'abus de la part de M. X ; que le responsable des systèmes informatiques atteste de ce qu'il est techniquement impossible de bloquer tous les sites interdits par le règlement ; que le fait qu'un site ne soit pas bloqué ne signifie aucune tolérance de la société ; que la seule manière d'avoir accès à l'ordinateur d'un salarié est d'effacer son mot de passe ; que M. X n'a jamais émis aucune plainte à ce sujet ; qu'elle produit une version papier des sites en question ; qu'une image du disque dur de M. X a été prise et pourrait être communiquée dans le cadre d'une expertise ; que lorsque l'urgence ne le justifie pas et qu'il s'agit d'un comportement systématique, la pose tardive des heures de délégation est critiquable et équivaut à une tentative de déstabiliser le fonctionnement des équipes ; que les nombreux départs inopinés de M. X, pris sans respecter le moindre délai et sans qu'il y ait urgence, ne permettaient plus au service de fonctionner normalement ; qu'il s'agit d'une absence de loyauté ; que l'article 22 de la Convention collective des commerces de gros indique qu'il est extrêmement souhaitable que les délégués du personnel préviennent de leur absence le plus tôt possible et au moins 24 heures à l'avance, sauf urgence, afin que leur remplacement puisse être assuré ; que le délai de prévenance est d'autant plus crucial que M. X cumule plusieurs mandats ; que s'agissant du lien avec le mandat, la négociation annuelle obligatoire a eu lieu en 2002 même si aucun accord n'a été trouvé avec les syndicats FO et CGT ; que si M. Gonzales Coco a attesté avoir subi des pressions, il a fait l'objet, lui aussi, d'une procédure de licenciement ; que l'on peut douter de l'impartialité d'un tel témoignage ; que l'inspecteur ne s'est pas prononcé sur l'existence d'un motif d'intérêt général pour refuser l'autorisation de licenciement ; que le ministre aurait dû prononcer l'annulation de sa décision pour ce seul motif ; qu'elle n'était pas dépourvue de représentation syndicale ; qu'à supposer même qu'un motif d'intérêt général existe, il ne peut subsister que s'il ne porte pas une atteinte excessive à l'un ou l'autre des intérêts en présence ; que la CGT n'aurait pas manqué de nommer un autre délégué en remplacement de M. X ;
Vu l'ordonnance en date du 9 mai 2007 fixant la clôture de l'instruction au 15 juin 2007, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, présenté le 15 juin 2007, par M. Marco X, sans ministère d'avocat ;
Vu la lettre par laquelle la Cour a invité à régulariser sa requête par le ministère d'avocat ;
Vu le mémoire, présenté le 9 août 2007, pour la SOCIETE DELL, par Me Fargepallet, qui demande à la Cour la réouverture de l'instruction ;
Vu l'ordonnance en date du 5 septembre 2007 portant réouverture de l'instruction ;
Vu le mémoire, présenté le 10 octobre 2007, pour la SOCIETE DELL, par Me Fargepallet, qui maintient les conclusions de la requête et demande en outre, que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. X en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, présenté le 24 janvier 2008, pour M. X, par Me Deplaix, qui maintient ses conclusions précédentes et demande en outre, que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SOCIETE DELL en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il ajoute que les conclusions de la SOCIETE DELL dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail sont irrecevables ; que les faits reprochés antérieurs au 17 mai 2002 sont amnistiés ; que les griefs ne peuvent être appréciés qu'à la date de la décision attaquée ; que s'agissant du délai de prévenance, la convention collective ne peut déroger aux dispositions légales ; que ses horaires à géométrie variable l'empêchent de planifier ses heures de délégation ; que la société ne justifie d'aucune désorganisation ; que s'agissant du lien entre la mesure de licenciement et ses mandats, il a été sanctionné dès la création du syndicat CGT alors qu'il avait été précédemment récompensé pour ses performances professionnelles ;
Vu le mémoire, présenté le 25 janvier 2008, pour la SOCIETE DELL, par Me Fargepallet, qui maintient les conclusions de la requête ;
Elle ajoute que les faits visés au soutien de la demande d'autorisation sont datés pour la plupart du mois de juin 2002 ; qu'au surplus, M. X a réitéré les comportements fautifs invoqués qui ont perduré dans le temps ; que la Cour devra examiner l'ensemble de ces faits non couverts par la loi d'amnistie ; que la demande d'annulation porte sur la décision de l'inspecteur et sur celle du ministre ;
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées que l 'arrêt paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;
Vu le jugement attaqué,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2008 :
- le rapport de Mme Bader-Koza, rapporteur ;
- les observations de Me Fargepallet, pour la SOCIETE DELL et les observations de Me Deplaix, pour M. X ;
- et les conclusions de Mme Steck-Andrez, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SOCIETE DELL a sollicité de l'inspecteur du travail de l'Hérault l'autorisation de licencier pour faute M. Marco X, technicien hotline affecté au service technique après vente, délégué syndical CGT, membre du CHSCT et représentant syndical au comité d'entreprise et au comité central d'entreprise ; que la SOCIETE DELL reprochait à M. X, d'une part, son refus de prendre des appels téléphoniques des clients grandes entreprises, dits KATS, d'autre part, de faire un usage abusif des messageries électroniques et des sites Internet à usage non professionnel et, enfin, d'imposer des délais de prévenance très brefs avant de prendre les heures de délégation issues de ses mandats ; que, par une décision du 13 septembre 2002, l'inspecteur du travail a refusé cette autorisation, refus confirmé par décision du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en date du 12 mars 2003 intervenue sur recours hiérarchique de la SOCIETE DELL ; que, par un jugement en date du 15 décembre 2005 dont la SOCIETE DELL relève appel, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de cette dernière tendant à l'annulation des décisions précitées de l'inspecteur du travail et du ministre ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposé par M. X :
Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 412-18, L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 6 août 2002 susvisée : «Sont amnistiés, les faits commis avant le 17 mai 2002 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles » ; qu'aux termes de l'article 12 de la même loi : « Sont amnistiés, dans les conditions prévues à l'article 11, les faits retenus ou susceptibles d'être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur. L'inspection du travail veille à ce qu'il ne puisse être fait état des faits amnistiés. A cet effet, elle s'assure du retrait des mentions relatives à ces sanctions dans les dossiers de toute nature concernant les travailleurs qui bénéficient de l'amnistie. Les règles de compétence applicables au contentieux des sanctions sont applicables au contentieux de l'amnistie. » ;
Considérant, en premier lieu, que les allégations de la SOCIETE DELL selon lesquelles M. X refuserait de prendre les appels téléphoniques des clients grandes entreprises, dits KATS, perturbant le fonctionnement de l'équipe, ne sont corroborées par aucune pièce du dossier ; que la circonstance que M. X a, par mail du 20 mai 2002, indiqué qu'il n'était pas d'accord pour prendre ce type d'appel, sauf dans l'hypothèse d'une augmentation de salaire et d'une formation ne permet pas d'établir qu'il aurait effectivement refusé de prendre en compte les dits appels pour les rebasculer vers d'autres postes ; que, comme l'ont estimé les premiers juges, l'enquête du CHSCT ne permet aucunement d'établir de tels faits ;
Considérant, en deuxième lieu, que s'agissant des connexions Internet non professionnelles, les relevés produits par la SOCIETE DELL ne visent que des faits antérieurs au 16 mai 2002 ; que de tels faits ne constituent pas des manquements à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur et sont donc amnistiés ;
Considérant, en troisième lieu, que l'usage abusif de la messagerie par M. X ne ressort pas des pièces du dossier ;
Considérant, en quatrième et dernier lieu, que si la SOCIETE DELL fait état des délais de prévenance très brefs que M. X a imposé à son employeur au cours de la période comprise entre janvier et juin 2002, pour l'essentiel, ces faits sont antérieurs à la loi d'amnistie du 6 août 2002 ; que pour le surplus, et en tout état de cause, un tel comportement ne revêt pas le caractère d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement ;
Considérant, dès lors, que l'inspecteur du travail et le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité étaient, en tout état de cause, tenus de rejeter la demande d'autorisation de licenciement qui leur était soumise pour le seul motif que, comme il a été dit, la réalité du comportement fautif de M. X n'était nullement établie ; que si la SOCIETE DELL fait valoir que la mesure de licenciement envisagée était sans lien avec les mandats détenus par M. X et qu'aucun motif d'intérêt général ne pouvait être invoqué à l'encontre de sa demande d'autorisation, de tels moyens sont inopérants ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que la SOCIETE DELL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 12 mars 2003 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a confirmé, sur recours hiérarchique, la décision de l'inspecteur du travail en date du 13 septembre 2002 refusant l'autorisation de licencier M. Marco X ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser la somme que la SOCIETE DELL demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la SOCIETE DELL, la somme de 1 500 euros que M. X demande au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société DELL est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE DELL versera à M. Marco X la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE DELL, à M. Marco X et au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.
Délibéré après l'audience du 31 janvier 2008, où siégeaient :
- M. Duchon-Doris, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R.222-26 du code de justice administrative,
- Mlle Josset, premier conseiller,
- Mme Bader-Koza, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 6 mars 2008.
Le rapporteur,
S. BADER-KOZA
Le président,
J.C. DUCHON-DORIS
Le greffier,
V. DUPOUY
La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
N° 06MA00434 2
AG