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04/02/2008 | FRANCE | N°05MA00429

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 04 février 2008, 05MA00429


Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 25 février 2005 sous le n° 05MA00429, la requête présentée pour la COMMUNE DE MANOSQUE, dont le siège est à l'Hôtel de Ville, BP 107 à Manosque (04101), représentée par son maire, par Me Berguet ;



La COMMUNE DE MANOSQUE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 décembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande qu'elle lui avait présentée en vue d'obtenir la condamnation de la société Spie Citra Sud Est, devenue Spie Batignolles Sud Est à lui ver

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Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 25 février 2005 sous le n° 05MA00429, la requête présentée pour la COMMUNE DE MANOSQUE, dont le siège est à l'Hôtel de Ville, BP 107 à Manosque (04101), représentée par son maire, par Me Berguet ;



La COMMUNE DE MANOSQUE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 décembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande qu'elle lui avait présentée en vue d'obtenir la condamnation de la société Spie Citra Sud Est, devenue Spie Batignolles Sud Est à lui verser 99.885,23 euros en réparation des désordres de nature décennale constatés sur l'esplanade de la plaine ;

2°) de condamner cette société à lui verser 115.130,13 euros en réparation desdits désordres et des préjudices nés de l'immobilisation de l'ouvrage, outre les intérêts courant à compter du 23 septembre 1996 et la capitalisation des intérêts ;

3°) de la condamner à payer les frais de l'expertise ordonnée en référé ;

4°) de la condamner à verser 2.500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

.............




Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 15 mai 2006, présenté pour la société Spie Batignolles Sud Est, représentée par son représentant légal, par Me Vacheron ;


La société Spie Batignolles Sud Est demande à la Cour :

- de rejeter la requête et de condamner la COMMUNE DE MANOSQUE à verser 5.000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;


.............




Vu le nouveau mémoire enregistré le 30 novembre 2006, présenté pour la COMMUNE DE MANOSQUE et tendant aux mêmes fins que la requête ;


.............




Vu la mise en demeure adressée le 8 novembre 2007 à la société d'économie mixte Durance Verdon, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu la lettre en date du 24 octobre 2007, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;


Vu le mémoire enregistré le 27 novembre 2007 présenté pour la société d'économie mixte Durance Verdon par Me Berguet et qui déclare souscrire entièrement aux observations formulées par la COMMUNE DE MANOSQUE ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2008 :

- le rapport de Mme Favier, président-assesseur,

- les observations de Me Berguet représentant la commune de Manosque et de Me Pouilly représentant la société Spie Batignolles Sud Est,

- et les conclusions de Mme Buccafurri, commissaire du gouvernement ;




Considérant que la COMMUNE DE MANOSQUE fait appel du jugement du 21 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Spie Batignolles Sud Est, anciennement Spie Citra Sud Est, à réparer les désordres de nature décennale apparus sur l'esplanade dite de la Plaine ;




Sur les conclusions indemnitaires :


Considérant, d'une part, que, pour fonder sa demande devant les premiers juges, la COMMUNE DE MANOSQUE invoquait la responsabilité décennale de l'entreprise chargée de la réalisation des travaux ; que le Tribunal administratif a rejeté cette demande au motif que le marché de travaux était entaché de nullité et n'avait donc pu faire naître d'obligation entre les parties ; que pour contester cette nullité, la COMMUNE DE MANOSQUE se borne à soutenir que la société Spie Batignolles Sud Est n'en apportait pas la preuve ;


Mais considérant qu'il résulte de l'instruction que le marché pour l'aménagement de l'esplanade de la Plaine a été signé le 29 mars 1991 entre la société Spie Méditerranée et la société d'économie mixte d'aménagement, de gestion et d'équipement de Manosque, agissant en tant que maître d'ouvrage délégué, mandataire de la COMMUNE DE MANOSQUE, et transmis à la sous-préfecture de Forcalquier le 5 avril 1991 ; que cette signature n'a été précédée d'aucune décision d'attribution du marché ni aucune autorisation de le signer prise par les organes compétents, commission d'appel d'offres et conseil municipal, de la collectivité mandante ; que dans ces conditions, la COMMUNE DE MANOSQUE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que ce marché avait été pris en méconnaissance des dispositions combinées des articles 2-2 et 3 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage public, lesquelles confèrent au seul maître d'ouvrage, selon les règles de répartition des compétence qui lui sont propres, le soin de choisir les attributaires des marchés de maîtrise d'oeuvre et de travaux ; que cette méconnaissance constituant une cause de nullité du contrat, la responsabilité de la société Spie Batignolles Sud Est ne saurait dès lors être recherchée à raison de désordres nés de l'exécution dudit contrat ;


Considérant, d'autre part, que pour demander la condamnation de la société Spie Batignolles Sud Est, la COMMUNE DE MANOSQUE invoque à titre subsidiaire l'enrichissement sans cause dont cette entreprise aurait bénéficié ainsi que la faute quasi-délictuelle qu'elle aurait commise en réalisant un ouvrage défectueux ;


Considérant que lorsque le juge, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d'office, la nullité du contrat, les cocontractants peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l'enrichissement sans cause que l'application du contrat frappé de nullité a apporté à l'un d'eux ou de la faute consistant, pour l'un d'eux, à avoir passé un contrat nul, bien que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles ; que cette possibilité ne saurait toutefois avoir pour effet de permettre au juge administratif de prononcer une condamnation pécuniaire sur un fondement non contractuel, lorsque la collectivité publique demanderesse dispose du pouvoir d'émettre un titre exécutoire ;


Considérant que la COMMUNE DE MANOSQUE, qui tient du décret du 29 décembre 1962 le pouvoir d'émettre un titre exécutoire à l'effet de fixer les sommes qu'elle estime lui être dues, n'est pas recevable à demander au juge administratif de condamner l'entreprise dont elle invoque la responsabilité sur un fondement non contractuel ; que les conclusions qu'elle présente en ce sens ne peuvent donc qu'être rejetées ;



Sur les frais d'expertise :


Considérant qu'aux termes de l'article R.761-1 du code de justice administrative : « Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'État peut être condamné aux dépens. » ; qu'il résulte de l'instruction que dans un jugement n° 9305419, devenu définitif, rendu le 6 août 1996 dans une instance opposant la société d'économie mixte Durance Verdon et la société Spie Citra Sud Est, les mêmes frais d'expertise avaient déjà été mis à la charge de la société d'économie mixte ; que par suite, le Tribunal ne pouvait sans méconnaître sa décision antérieure, mettre ces frais à la charge de la COMMUNE DE MANOSQUE par le jugement dont il est fait appel ; que ce jugement doit donc être annulé en tant qu'il a statué sur les frais de l'expertise ordonnée en référé ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :


Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Spie Batignolles Sud Est, qui ne constitue pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la COMMUNE DE MANOSQUE la somme qu'elle demande en application de cet article ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière les sommes que demande la société Spie Batignolles Sud Est au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;







D É C I D E :




Article 1er : Le jugement du 21 décembre 2004 attaqué est annulé en tant qu'il a mis les frais d'expertise à la charge de la COMMUNE DE MANOSQUE.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE DE MANOSQUE est rejeté.



Article 3 : Les conclusions de la société Spie Batignolles Sud Est tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont également rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE MANOSQUE, à la société Spie Batignolles Sud Est venant aux droits de la société Spie Citra Sud Est et à la société d'économie mixte Durance Verdon et au ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

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N° 05MA00429


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05MA00429
Date de la décision : 04/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme FAVIER
Rapporteur ?: Mme Sylvie FAVIER
Rapporteur public ?: Mme BUCCAFURRI
Avocat(s) : SCP LESAGE-BERGUET-GOUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-02-04;05ma00429 ?
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