Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2006, présentée pour la société SODIFA SOVACO, dont le siège est 86 route de Fréjus à Fayence (83440), représentée par son président directeur général en exercice, par la SELAFA Fidal Montpellier ; la société SODIFA SOVACO demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0500334 du 9 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à obtenir la restitution des droits de taxe sur les achats de viande auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 ;
2°) de lui accorder la restitution des droits en litige, soit la somme de 278 478 euros, ainsi que le versement des intérêts moratoires sur cette somme ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2007 :
- le rapport de M. Malardier, rapporteur ;
- les observations de Me Serpentier Linares et Me Debord de la SCP FIDAL pour la société SODIFA SOVACO ;
- et les conclusions de M. Emmanuelli, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'en jugeant «que la budgétisation de la taxe avait rompu tout lien entre la taxe et le financement des actions du service public de l'équarrissage », le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments de la société requérante, a écarté le moyen tiré de l'illégalité de la taxe en raison de son affectation indirecte au financement du service public de l'équarrissage ; que le moyen tiré de l'omission à statuer, qui, en tout état de cause, a été présenté hors délai, n'est donc pas fondé ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 93 du traité instituant la Communauté Européenne, devenu l'article 88 du même traité : « 1. La Commission procède avec les états membres à l'examen permanent des régimes d'aide existant dans ces états... 2. Si la... Commission constate qu'une aide accordée par un état ou au moyen de ressources d'Etat, n'est pas compatible avec le marché commun, ... elle décide que l'état intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine... 3. La Commission est informée en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 92, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'état membre ne peut mettre à exécution les mesures projetées avant que cette procédure ait abouti à une décision finale » ;
Considérant que la validité des actes des autorités nationales est affectée par la méconnaissance des obligations que leur imposent la première et la dernière phrase du paragraphe 3 de l'article 93 du traité instituant la Communauté Européenne, devenu l'article 88 du même traité, de ne pas mettre à exécution des projets tendant à instituer ou à modifier des aides qu'elles n'auraient pas notifiées préalablement à la Commission ;
Considérant toutefois que la double obligation de notifier et de ne pas exécuter avant la décision de la Commission ne s'étend au mode de financement d'une mesure d'aide que lorsqu'il en fait partie intégrante ;
Considérant qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, ne peut être regardée comme faisant partie intégrante d'une mesure d'aide que s'il existe nécessairement un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente ;
Considérant que par arrêt du 20 novembre 2003, la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit que « l'article 92, paragraphe 1, du traité CE (devenu après modification, article 87, paragraphe 1, CE) doit être interprété en ce sens qu'un régime tel que celui en cause au principal, qui assure gratuitement pour les éleveurs et les abattoirs la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs, doit être qualifié d'aide d'Etat » ; que le financement de cette aide d'Etat a été assuré jusqu'au 31 décembre 2000 par une taxe sur les achats de viande et de produits à base de viande, due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de ces produits et affectée au financement de l'équarrissage dont le régime avait été codifié à l'article 302 bis ZD du code général des impôts et dont le produit était affecté à un fonds spécialement créé à cet effet, ayant pour objet de financer le service de collecte et d'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, c'est-à-dire les activités définies comme mission de service public par l'article 264 du code rural, ledit fonds étant géré par le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) ; que l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 portant loi de finances rectificative pour 2000 a apporté certaines modifications au mécanisme de la taxe, entrées en vigueur le 1er janvier 2001, notamment en ce que le produit de la taxe a été, depuis le 31 décembre 2000, directement affecté au budget général de l'État, au lieu du fonds susmentionné ;
Considérant qu'en adoptant l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, le législateur n'a pas seulement entendu modifier le régime antérieur de la taxe sur les achats de viande mais abroger l'imposition spécifiquement perçue à l'effet de financer les mesures d'aides jusqu'au 31 décembre 2000 et instituer une nouvelle taxe dépourvue de tout lien avec le service public de l'équarrissage ; que depuis le 1er janvier 2001, aucune disposition législative ou réglementaire n'emporte affectation du produit de la taxe d'équarrissage à une catégorie particulière de dépenses ; que le produit de la taxe, d'ailleurs plus élevé que le montant des dépenses du service public de l'équarrissage, est affecté au budget général de l'Etat ; qu'il n'existe dès lors aucun lien contraignant entre le produit de la taxe et les crédits affectés au service public de l'équarrissage inscrits au budget du ministère de l'agriculture ; que les intentions du gouvernement et du législateur exprimées à l'occasion de débats parlementaires ou de réponses ministérielles, qui étaient de ne pas obérer le budget général de l'Etat des dépenses autrefois supportées par le fonds spécial géré par le CNASEA, ne sont à elles seules pas suffisantes pour établir un tel lien ; que l'existence de ce lien ne découle pas plus du mécanisme de financement de la taxe postérieur au 1er janvier 2001 ; qu'ainsi, la taxe instituée par l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 ne fait pas partie intégrante du dispositif d'aide susdécrit ; que, par suite, alors même que le régime initial de la taxe a été reconnu comme un dispositif d'aide au sens de l'article 87 du traité de Rome, la société SODIFA SOVACO ne peut utilement invoquer la méconnaissance par les autorités nationales, à l'occasion de la promulgation de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations que leur imposent la première et la dernière phrase du paragraphe 3 de l'article 93 du traité instituant la Communauté Européenne, devenu l'article 88 du même traité, ainsi que règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en l'absence de lien d'affectation contraignant entre la taxe instituée par l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 et les mesures d'aides accordées par l'Etat, la société SODIFA SOVACO ne peut utilement soutenir que le régime de la taxe d'équarrissage resterait incompatible avec les stipulations des articles 87, paragraphe 3, point c), du traité et 90 du traité CE après le 31 décembre 2000 ;
Considérant, en troisième lieu, que la taxe sur les achats de viande n'étant pas perçue à l'occasion de l'importation de produits, elle ne peut être regardée comme une taxe équivalant à un droit de douane prohibé par les articles 23 et 25 du traité CE ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur la demande de paiement d'intérêts moratoires :
Considérant qu'en vertu des articles R.208-1 et R.208-3 du livre des procédures fiscales, les intérêts moratoires prévus à l'article R.208 sont payés d'office en même temps que les sommes remboursées par le comptable chargé du recouvrement des impôts ; qu'il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable public et la société requérante concernant lesdits intérêts ; que, dès lors, les conclusions ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions de la société appelante et tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la société SODIFA SOVACO la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société SODIFA SOVACO est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société SODIFA SOVACO et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
N° 06MA01076 2