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10/09/2007 | FRANCE | N°06MA02466

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 10 septembre 2007, 06MA02466


Vu le recours, enregistré le 16 août 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n°06MA02466, présenté par la SCP Vial-Pech de Laclause-Escale-Knoepffler, avocat pour le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES ;

Le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0602723 du 17 juillet 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté en date du 18 avril 2006 décidant la reconduite à la frontière de Mme Lubov X, de nationalité ukrainienne ;

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) de rejeter la demande présentée par Mme Lubov X devant le président du Tribunal ad...

Vu le recours, enregistré le 16 août 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n°06MA02466, présenté par la SCP Vial-Pech de Laclause-Escale-Knoepffler, avocat pour le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES ;

Le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0602723 du 17 juillet 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté en date du 18 avril 2006 décidant la reconduite à la frontière de Mme Lubov X, de nationalité ukrainienne ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme Lubov X devant le président du Tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de condamner Mme X au paiement de la somme de 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du président de la cour administrative d'appel portant délégation pour l'exercice des compétences prévues par l'article R.776-19 du code de justice administrative ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le décret n° 95 ;304 portant publication de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2007 :

- les conclusions de M. Louis, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité ukrainienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 14 mars 2006, de la décision du PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par une décision du 20 janvier 2006, le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES a opposé à Mme X un refus d'admission au séjour au titre de l'asile comme provenant d'un pays considéré comme sûr au sens des dispositions du 2°) de l'article L.741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la demande d'asile politique de l'intéressée ayant été rejetée par l'office de protection des réfugiés et des apatrides, statuant selon la procédure prioritaire, par décision du 14 février 2006 notifiée le 20 février suivant, le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES a décidé le 7 mars 2006 de l'inviter à quitter le territoire puis de prononcer à son encontre la décision de reconduite à la frontière en litige, sans attendre que la Commission des recours des réfugiés n'ait statué ; que pour annuler la mesure de reconduite en litige, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif a considéré que le PREFET, s'estimant lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (O.F.P.R.A.) établissant la liste des pays sûrs, avait à tort, sans procéder à un examen particulier de la situation de l'intéressée, soumis la demande d'asile de Mme X à l'O.F.P.R.A. selon la procédure prioritaire et que, partant, la mesure de reconduite en litige ne pouvait intervenir sans attendre la décision de la Commission des recours des réfugiés ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Le conseil d'administration fixe les orientations générales concernant l'activité de l'office ainsi que, pour la période comprise entre la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 et l'adoption de dispositions communautaires en cette matière, la liste des pays considérés comme des pays d'origine sûrs, mentionnés au 2° de l'article L.741-4. Il délibère sur les modalités de mise en oeuvre des dispositions relatives à l'octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire.(…) » ; qu'aux termes de l'article L.741-4 du même code : « Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (…) 2° L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. Un pays est considéré comme tel s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La prise en compte du caractère sûr du pays d'origine ne peut faire obstacle à l'examen individuel de chaque demande (…) ; qu'aux termes de l'article L.742-3 : « L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la commission des recours. Il dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification du refus de renouvellement ou du retrait de son autorisation de séjour pour quitter volontairement le territoire français ; que toutefois aux termes de l'article L.742-6 de ce code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L.741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. » ;

Considérant que les dispositions de l'article L.741-4 précitées déterminent les cas dans lesquels le préfet peut refuser d'admettre provisoirement au séjour un étranger qui sollicite l'asile politique ; qu'au nombre de ces cas, figure la circonstance que le demandeur d'asile possède la nationalité d'un pays considéré comme sûr au sens de ces dispositions ; que l'O.F.P.R.A. a, pour l'application des dispositions susdites, désigné l'Ukraine par décision du 30 juin 2005 comme étant un pays sûr ; qu'en l'espèce, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, qui relève d'ailleurs dans sa décision du 20 janvier 2006 par laquelle il refuse d'admettre provisoirement au séjour Mme Kabanova qu'il a procédé à un entretien et qu'il a examiné les documents de l'intéressée, se serait estimé lié par la décision du 30 juin 2005 de l'O.F.P.R.A. susmentionnée fixant la liste des pays sûrs, pour saisir cet office selon la procédure d'asile prioritaire ; que par suite, c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier a estimé que le préfet se serait cru tenu de rejeter la demande d'admission au séjour de Mme X ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le Tribunal administratif de Montpellier et devant la Cour ;

Considérant que Mme X soutient d'une part qu'elle n'aurait reçu notification de la décision de l'O.F.P.R.A. rejetant sa demande d'admission au statut de réfugié que le 14 mars 2006 et non pas le 20 février précédent, comme il est soutenu, et qu'ainsi, le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES ne pouvait, en date du 7 mars 2006, lui opposer un refus de séjour ; que toutefois, comme il a été dit précédemment, le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES avait, dès le 20 janvier précédent, décidé de saisir l'O.F.P.R.A. de la demande de l'intéressée selon la procédure prioritaire au motif qu'elle provenait d'un pays considéré comme sûr ; que par suite, le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES a pu légalement prononcer un arrêté de reconduite à la frontière avant que la Commission des recours des réfugiés n'ait statué, le refus de séjour en date du 7 mars 2006 présentant d'ailleurs un caractère superfétatoire ;

Considérant que l'arrêté de reconduite en litige, qui vise le 3°) de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et relève que l'intéressée fait notamment l'objet d'un refus de séjour, comporte l'indication des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'au surplus, cet arrêté fait mention de la situation familiale de l'intéressée ; que par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté ;

Considérant que Mme X doit être regardée comme invoquant, pour écarter l'application de la loi, les dispositions des directives communautaires qui organisent l'octroi du statut de réfugié, et plus précisément les articles 27 1 C) et 31 de la directive n°2005/85 du 1er décembre 2005 ; que toutefois le délai de transposition de ces dispositions, qui prévoient d'ailleurs l'établissement d'une liste minimale de pays sûrs en son article 29, n'expire que le 1er décembre 2007 ; que par suite, c'est à bon droit que le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES a, se fondant sur la liste des pays sûrs établis par l'O.F.P.R.A., décidé d'appliquer à la demande d'asile de Mme X les dispositions du 2°) de l'article L.741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.742-6 du code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L.741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. (…) » ;

Considérant qu'il résulte des dispositions susrappelées que Mme X, dont la demande d'asile avait été, à bon droit, traitée en vertu de la procédure prioritaire, bénéficiait du droit de se maintenir jusqu'à la notification de la décision par laquelle l'O.F.P.R.A. a rejeté sa demande ; que partant, le PREFET DES PYRENEES ORIENTALES a pu légalement, par décision du 18 avril 2006, prononcer l'arrêté de reconduite à la frontière en litige avant que la Commission des recours des réfugiés, saisie d'un recours dénué de caractère suspensif en vertu des dispositions susdites, n'ait statué ;

Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant en tant qu'il est dirigé contre la mesure de reconduite à la frontière ;

Sur la légalité de la mesure fixant le pays de destination de la reconduite :

Considérant que, dans les termes où il est rédigé, l'article 1er de la décision en date du 18 avril 2006 prononçant la reconduite à la frontière de Mme X doit être regardée comme fixant l'Ukraine comme pays de destination ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à des peines ou traitements inhumains et dégradants ;

Considérant que si Mme X soutient qu'étant de confession juive, elle aurait fait l'objet, ainsi que les membres de sa famille, de mauvais traitements et menaces, elle n'établit pas la réalité de ses allégations ; qu'elle ne peut par ailleurs se prévaloir ni de la situation générale en Ukraine ni ce que le statut de réfugié aurait été accordé à des personnes de confession juive ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant que le moyen tiré de ce que l'O.F.P.R.A. se serait prononcé sans procéder à un examen approfondi du dossier, dès lors que l'intéressée provenait d'un pays considéré comme sûr, est inopérant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté en date du 18 avril 2006 ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de l'Etat tendant au remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement du 17 juillet 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande de Mme X devant le Tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de l'Etat aux fins d'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement et à Mme Lubov X.

6

N° 06MA02466

vt


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 06MA02466
Date de la décision : 10/09/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Richard MOUSSARON
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE-KNOEPFFLER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-09-10;06ma02466 ?
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