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03/07/2007 | FRANCE | N°06MA01408

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 03 juillet 2007, 06MA01408


Vu la requête, enregistrée le 20 mai 2006, (télécopie régularisée par envoi de l'original reçu le 4 août 2006), présentée pour M. Norddine X élisant domicile ...), par Me Dillenschneider, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601967 du 5 avril 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier, d'une part, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 mars 2006 par lequel le préfet de l'Hérault a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays de destinati

on de la reconduite, d'autre part, a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ses ...

Vu la requête, enregistrée le 20 mai 2006, (télécopie régularisée par envoi de l'original reçu le 4 août 2006), présentée pour M. Norddine X élisant domicile ...), par Me Dillenschneider, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601967 du 5 avril 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier, d'une part, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 mars 2006 par lequel le préfet de l'Hérault a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays de destination de la reconduite, d'autre part, a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du même jour prononçant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler les arrêtés précités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la décision du président de la cour administrative d'appel du 1er décembre 2006 donnant délégation à M. Serge Gonzales, président, pour exercer les compétences prévues par l'article R.776-19 du code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2007 :

- le rapport de M. Gonzales, magistrat délégué,

- les observations de M. X,

-les conclusions de Mme Paix, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) » ;

Considérant que si M. X, de nationalité marocaine, soutient qu'il est entré en France en 1987 avec son père sur le passeport duquel il figurait en qualité de mineur, il ne l'établit pas ; que, majeur à la date de son interpellation, il ne possédait pas de titre de séjour en cours de validité ; qu'ainsi, il entrait en tout état de cause dans le champ d'application des dispositions de l'article L.511-1-2° précité ;

Sur la légalité externe de l'arrêté de reconduite :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 23 janvier 2006 du préfet de l'Hérault donnant délégation de signature à M. Jean-Pierre Condemine, sous-préfet hors classe, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, publié au recueil des actes administratifs du département : « En cas d'absence ou d'empêchement de M. Jean-Pierre Condemine, secrétaire général de la préfecture, la délégation prévue aux articles 1 et 2 est dévolue à M. Noël Fournier, chargé de mission auprès du préfet de la région Languedoc-Roussillon ... » ; que l'article 1er de l'arrêté précité donne délégation à M. Jean-Pierre Condemine « à l'effet de signer tous arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département…à l'exception des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation en temps de guerre »; qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que M. Fournier était compétent pour signer l'arrêté du 30 mars 2006 prononçant la reconduite à la frontière de M. X ;

Sur la légalité interne de l'arrêté de reconduite :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 3 du décret du 30 juin 1946 : « Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans, est tenu de se présenter (…) à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de carte de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient (…) » ; qu'il résulte de ces dispositions que les demandes de titre de séjour formulées par voie postale sont irrégulières, quel que soit le titre de séjour demandé et la motivation de la demande ;

Considérant que si M. X soutient qu'il a sollicité par courrier son admission au séjour en 1997 et que le préfet a commis une erreur de fait en mentionnant dans l'arrêté de reconduite qu'il n'aurait pas demandé la régularisation de sa situation, il ressort des pièces du dossier, notamment du courrier en date du 21 avril 2005 adressé par le requérant lui même à la préfecture de l'Hérault que ce dernier n'a pas donné suite à la lettre en date du 6 janvier 1998 l'invitant à se présenter dans les services de la préfecture muni de son entier dossier ;

Considérant, d'autre part, qu'en tout état de cause, le dépôt dans des formes régulières d'une demande d'admission au séjour n'aurait pas contraint l'autorité préfectorale à surseoir à la prise de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, dès lors que les conditions légales de la mesure d'éloignement se trouvaient réunies ;

Considérant que si M. X soutient que le préfet n'a pas examiné sa situation au jour où il a pris sa décision de reconduite, il ressort du dossier que, contrairement à ce qu'il soutient, l'arrêté attaqué comporte un énoncé précis des considérations de fait et de droit qui le fondent, démontrant que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation individuelle ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'arrêté serait entaché d'erreur de droit ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : …3° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant. Les années durant lesquelles l'étranger s'est prévalu de documents d'identité falsifiés ou d'une identité usurpée ne sont pas prises en compte ;… 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. » ; et qu'aux termes de l'article L.511-4 du même code : « Ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : .. 3° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de quinze ans sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention étudiant; …5° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; …10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi » ;

Considérant que si M. X fait valoir qu'il est entré en France en 1987 , alors qu'il était mineur, et qu'il y réside depuis cette date, les pièces qu'il produit à l'appui de ses allégations, notamment pour les années 1996 à 2000, ne peuvent être regardées comme des justificatifs probants et suffisants pour établir sa présence habituelle en France, à la date de l'arrêté contesté, depuis plus de dix ans ; que, dès lors, l'intéressé ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article L.313-11-3° ni de celles de l'article L.511-4-3° et 5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant que si M. X soutient être atteint d'asthme de manière chronique et souffrir d'un ulcère, les documents qu'il verse au dossier, à savoir des ordonnances médicales, des compte rendus d'examens et des attestations de caisse d'assurance maladie lui attribuant l'aide médicale d'Etat ne constituent pas une preuve suffisante de ce que son état de santé nécessiterait un traitement ne pouvant être dispensé dans son pays d'origine et dont la privation entraînerait pour lui des risques d'une exceptionnelle gravité ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il remplit les conditions fixées par les dispositions des articles L.313-11-11° et L.511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; que l'article L.313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité prévoit que la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : « (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. (...) » ;

Considérant que si le requérant soutient sans l'établir qu'il réside depuis 1987 en France où il est parfaitement intégré, que son père, deux de ses frères et sa soeur résident régulièrement sur le territoire national, qu'il vit en concubinage depuis de nombreuses années avec un ressortissant français, que sa présence auprès de son père âgé et malade est nécessaire, il ressort cependant des pièces du dossier qu'il est célibataire sans enfant à charge, que la durée et la stabilité de la relation de concubinage dont il se prévaut, qui n'a d'ailleurs pas donné lieu à la conclusion d'un pacte civil de solidarité, ne sont pas établies, qu'il ne justifie pas être le seul à pouvoir apporter à son père l'assistance dont il a besoin, ni que son père serait isolé en France ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de son séjour en France, du fait qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales au Maroc où il a vécu jusqu'à l'âge de seize ans, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, cet arrêté ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'est pas non plus entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que la circonstance que M. X ait occupé temporairement un emploi et qu'il dispose de deux promesses d'embauche est sans influence sur la légalité de la décision contestée ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant que si M. X fait état des risques qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son homosexualité qui est pénalement réprimée au Maroc, il ne produit pas à l'appui de ses affirmations d'éléments permettant d'établir que la décision attaquée l'exposerait à des peines ou traitements inhumains et dégradants et méconnaîtrait ainsi les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision de placement en rétention :

Considérant que les conclusions tendant à l'annulation de la décision de placement en rétention ne sont assorties qu'aucun moyen ; qu'elles sont, par suite, irrecevables ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 mars 2006 par lequel le préfet de l'Hérault a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays de destination de la reconduite ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à M. X la somme que celui-ci demande au titre des fais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Norddine X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

N° 06MA01408 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 06MA01408
Date de la décision : 03/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Serge GONZALES
Rapporteur public ?: Mme PAIX
Avocat(s) : DILLENSCHNEIDER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-07-03;06ma01408 ?
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