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25/05/2007 | FRANCE | N°03MA01469

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 25 mai 2007, 03MA01469


Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée par M. Marc X, demeurant ... ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0000932 du 7 mai 2003 du Tribunal administratif de Bastia rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2000 par lequel le préfet de la Haute Corse a prescrit les enquêtes préalable et parcellaire nécessaires à la déclaration d'utilité publique des travaux d'aménagement de la route nationale 198 dans la traverse de Casamozza sur le territoire de la c

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Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée par M. Marc X, demeurant ... ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0000932 du 7 mai 2003 du Tribunal administratif de Bastia rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2000 par lequel le préfet de la Haute Corse a prescrit les enquêtes préalable et parcellaire nécessaires à la déclaration d'utilité publique des travaux d'aménagement de la route nationale 198 dans la traverse de Casamozza sur le territoire de la commune de Prunelli di Fiumorbu, de l'arrêté du 18 septembre 2000 pris par la même autorité et déclarant lesdits travaux d'utilité publique et cessibles les parcelles nécessaires à leur réalisation, ainsi que divers refus de communication de documents administratifs ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 18 décembre 2000 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale et son premier protocole additionnel ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code civil ;

Vu la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature et son décret d'application du 12 octobre 1977 modifiés ;

Vu la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 et son décret d'application 98-622 du 20 juillet 1998 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 avril 2007 :

- le rapport de Mme Favier, président-assesseur,

- et les conclusions de Mlle Josset, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X demande l'annulation du jugement n° 000932 du Tribunal administratif de Bastia du 7 mai 2003 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute Corse du 18 septembre 2000 déclarant d'utilité publique au profit de la collectivité territoriale de Corse les travaux d'aménagement de la route nationale 198 dans la traverse de Casamozza sur le territoire de la commune de Prunelli du Fiumorbu et cessibles les terrains nécessaires à l'opération ;

- sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que pour demander l'annulation du jugement qu'il conteste, M. X fait valoir que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen qu'il soulevait dans son mémoire du 1er avril 2003 et tiré de la violation de l'article 17 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de l'article 545 du code civil ; que ce moyen était effectivement soulevé en page 2 dudit mémoire et détaillé en pages 24, 25 et 26 et était expressément visé par le jugement ; qu'en ne statuant pas sur la branche de ce moyen qui n'était pas inopérante, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ; que M. X est par suite fondé à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la requête présentée par M. X ; que dans le dernier état de ses conclusions, le requérant ne demande plus l'annulation que de l'arrêté déclaratif d'utilité publique pour n'invoquer l'illégalité des autres actes que par la voie de l'exception ;

- sur la légalité de l'arrêté attaqué :

Considérant que par son arrêté du 18 septembre 2000, le préfet de la Haute Corse a déclaré d'utilité publique les travaux d'aménagement par la collectivité territoriale de Corse d'un tronçon de 1066 mètres linéaires de la route nationale 198 en vue de créer, sur le tracé existant, deux îlots tourne à gauche aux carrefours des entrées Nord et Sud, un îlot central et des trottoirs, et a déclaré cessibles 1330 mètres carrés de terrains répartis sur onze parcelles, dont 210 mètres carrés d'une parcelle cadastrée E 1233 d'une surface totale de 4848 mètres carré appartenant de façon indivise à la famille de l'épouse du requérant ; que ces aménagements s'inscrivaient dans un objectif de sécurisation de la circulation automobile et piétonne sur une route où étaient survenus de nombreux accidents ;

- en ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté du 18 septembre 2000 :

Considérant que M. X soutient que la délibération initiale de l'Assemblée de Corse n'aurait pas autorisé le projet tel que déclaré d'utilité publique par le préfet de la Haute Corse, que le commissaire enquêteur aurait été irrégulièrement désigné, que le dossier d'enquête était incomplet, et que l'enquête se serait déroulée dans des conditions ne préservant pas les droits à l'information environnementale des citoyens ;

- sur la concordance entre le projet et la délibération de l'Assemblée de Corse :

Considérant que par une délibération du 29 avril 1999, l'Assemblée de Corse a approuvé le principe et les caractéristiques principales de l'aménagement de la route nationale 198 contesté et autorisé le président du conseil exécutif à conduire les procédures réglementaires nécessaires, y compris la demande de déclaration d'utilité publique ; que le rapport au vu duquel elle a sollicité la mise en oeuvre de cette procédure, mentionnait un aménagement portant sur une longueur de 1055 mètres, compris entre le PR78+580 et le PR79+631, réduisant la largeur des voies de circulation à 3 mètres, et ne nécessitant pas d'acquisition foncière pour l'entrée nord ; que M. X estime que ce rapport excluait que le préfet autorisât un aménagement ne débutant qu'au PR78+640 pour s'achever 1066 mètres plus loin au PR79+706, comprenant une emprise de 503 mètres carrés sur deux parcelles situées à l'entrée Nord et laissant subsister une largeur de voies de 3 mètres 20 ; que toutefois, la délibération par laquelle l'organe délibérant d'une collectivité territoriale se prononce sur le principe de travaux et demande à l'Etat d'en déclarer l'utilité publique en vue notamment de lui permettre de procéder aux acquisitions foncières nécessaires à leur réalisation, n'a ni pour objet ni pour effet de fixer définitivement le contenu technique du projet et d'empêcher toute modification de détail ultérieure ; que les modifications décrites ci-dessus, qui n'affectaient ni les objectifs de sécurisation de la circulation automobile et piétonne, ni les objectifs d'embellissement de la traverse de Casamozza à Prunelli di Fiumorbu qui présidaient à l'adoption du projet, ne présentaient pas une ampleur telle que l'on puisse regarder la délibération comme n'ayant pas valablement engagé la procédure ayant conduit à la prise de l'arrêté litigieux ; que M. X n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'a défaut d'avoir intégralement respecté la délibération initiale, l'arrêté portant déclaration d'utilité publique et rendant cessibles les parcelles qu'il mentionne aurait été pris à la suite d'une procédure irrégulière ;

- sur la désignation du commissaire enquêteur :

Considérant que par un arrêté du 9 décembre 1999, le préfet de la Haute Corse a désigné un commissaire enquêteur figurant sur la liste départementale d'aptitude aux fonctions de commissaire enquêteur prise pour l'année civile 1999 en application des dispositions de l'article 3 du décret n° 98-622 du 20 juillet 1998 ; que M. X affirme que cette désignation était irrégulière puisque l'enquête ne devait se tenir qu'en janvier 2000 ;

Considérant, toutefois, que la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise et non à la date à laquelle elle doit recevoir application ; qu'à date du 9 décembre 1999, la liste d'aptitude de l'année 1999 était encore en cours de validité ; que le préfet pouvait donc régulièrement, en tout état de cause, et sans entacher sa décision d'une prétendue incompétence ou d'une méconnaissance du champ d'application de la loi, désigner M. Defendini pour procéder aux opérations d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique et d'enquête parcellaire, fussent-elles prescrites pour la période du 5 au 21 janvier 2000 ; que par suite, le moyen soulevé par M. X et tiré, à l'aide d'abondants développements, de l'irrégularité de la désignation du commissaire enquêteur, ne peut qu'être rejeté ;

- sur la composition du dossier d'enquête :

Considérant qu'aux termes de l'article R.11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : « l'expropriant adresse au préfet, pour être soumis à l'enquête, un dossier qui comprend obligatoirement : I- lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : (…) 4° les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; 5° l'appréciation sommaire des dépenses ; 6° l'étude d'impact définie à l'article 2 du décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977, lorsque les ouvrages ou travaux n'en sont pas dispensés, ou, s'il y a lieu, la notice exigée en vertu de l'article 4 du même décret » ;

Considérant, en premier lieu, que M. X soutient que le dossier était incomplet au regard du 4° de l'article précité parce que ne détaillant pas les ouvrages hydrauliques nécessaires à la collecte des eaux pluviales qui accompagnaient le projet de réaménagement routier ; que toutefois, ces ouvrages, que les plans des travaux faisaient apparaître et que le commissaire enquêteur mentionne dans son rapport en indiquant « il est à noter qu'un aqueduc buses de 0, 80 passe à l'emplacement de l'îlot (voir plan parc n° 1) et qu'il existe plus au sud un aqueduc (buses arches) de 1, 75 x 1, 50 », ne constituaient que l'accessoire des travaux routiers envisagés et n'étaient pas au nombre des ouvrages les plus importants dont l'article R.11-3-I-4° imposait qu'ils soient décrits dans leurs caractéristiques générales ; que par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que cette absence de détail rendrait le dossier irrégulier, ni en conséquence qu'une modification postérieure à l'enquête des ouvrages hydrauliques projetés aurait une importance telle qu'elle nécessiterait une nouvelle enquête ;

Considérant, en deuxième lieu, que les travaux ont été évalués dans le dossier d'enquête à 3.200.000 francs hors taxes ; que si ces travaux ont donné lieu à la passation de marchés pour un montant avancé par M. X de 4.944.228, 30 francs, qu'il impute principalement à l'absence de chiffrage initial des ouvrages hydrauliques, cette différence d'environ 35 %, qui porterait sur des ouvrages accessoires et non sur l'ouvrage principal, ne révèle pas une sous-évaluation manifeste susceptible d'avoir vicié le dossier ; qu'ainsi, M. X n'est pas fondé à se prévaloir d'une violation des dispositions précitées de l'article R.11-3 -I -5° ;

Considérant, en troisième lieu qu'aux termes de l'article 3 du décret du 12 octobre 1977 pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature : « A. - Ne sont pas soumis à la procédure de l'étude d'impact les travaux d'entretien et de grosses réparations, quels que soient les ouvrages ou aménagements auxquels ils se rapportent. B. - Ne sont pas soumis à la procédure de l'étude d'impact, sous réserve des dispositions de l'article 4 ci-dessous, les aménagements, ouvrages et travaux définis aux annexes I et II jointes au présent décret, dans les limites et sous les conditions précisées par lesdites annexes (…) . C. - Ne sont pas soumis à la procédure de l'étude d'impact, sous réserve des dispositions de l'article 4 ci-dessous, les aménagements, ouvrages et travaux dont le coût total est inférieur à 12 millions de francs. En cas de réalisation fractionnée, le montant à retenir est celui du programme général de travaux.(…) ;

Considérant, tout d'abord, que M. X soutient qu'une étude d'impact était nécessaire puisque les travaux s'inscrivaient dans le cadre du schéma directeur des routes sur lequel l'Assemblée de Corse avait délibéré le 22 décembre 1995 et qui estimait à 1.590 millions de francs les travaux d'amélioration à mettre en oeuvre sur la seule route nationale 198 ; que toutefois, l'opération litigieuse ne constituait pas une réalisation fractionnée d'un programme général de travaux au sens des dispositions du décret de 1977, le schéma directeur n'ayant en effet aucun caractère décisionnel mais constituant une prévision à vingt ans, sans échéancier précis ni inscription des crédits budgétaires nécessaires à sa mise en oeuvre, lesquels ne pouvaient être décidés qu'annuellement ; que les travaux d'aménagement de la traverse de Casamozza portaient sur une localisation et un objet précis qui en faisaient une opération autonome, dont le coût était nettement inférieur au seuil au delà duquel l'étude d'impact aurait été obligatoire ; que M. X ne peut donc utilement invoquer la nécessité d'une étude d'impact à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté déclaratif d'utilité publique ;

Considérant, ensuite, qu'aux termes de l'article 4 du même décret n° 77-1141 : « Pour les travaux et projets d'aménagements définis à l'annexe IV jointe au présent décret, la dispense, prévue au B et au C de l'article 3 ci-dessus, de la procédure d'étude d'impact est subordonnée à l'élaboration d'une notice indiquant les incidences éventuelles de ceux-ci sur l'environnement et les conditions dans lesquelles l'opération projetée satisfait aux préoccupations d'environnement. » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'établissement d'une notice d'impact pour les travaux dispensés d'une étude d'impact n'est obligatoire que pour certaines catégories de travaux, limitativement énumérées à l'annexe IV et au nombre desquelles ne figurent pas les travaux d'aménagement routier ; qu'en l'absence d'une telle obligation pour l'opération litigieuse, l'ensemble des moyens invoqués par M. X et tendant à démontrer l'insuffisance de la notice d'impact, qui ne figurait au dossier d'enquête que pour informer les personnes intéressés des effets possibles sur l'environnement, lesquels étaient nécessairement limités s'agissant de travaux effectués sur un tracé existante par suite, est inopérant ; que doivent, ainsi être écartés les moyens selon lesquels la notice d'impact était grossièrement insuffisante puisqu'elle ne mentionnait ni espèce protégée ni espace naturel sensible, puisqu'elle ne comprenait que 2 feuillets un quart suivis d'un cahier intitulé « impacts du projet sur l'environnement - mesures envisagées » qui ne traduisaient pas la richesse de la faune et de la flore de la commune du fait du vaste complexe de zones humides qui l'entourent, puisqu'elle ne mentionnait pas l'existence de huit plantes rares en Corse dont certaines étaient inscrites en annexe I de la convention de Berne, en annexe II de la directive communautaire « habitats, faune, flore », et sur le livre rouge de la flore menacée en France métropolitaine, et puisqu'elle ne mentionnait pas la présence de 37 espèces animales protégées soit sur le plan national, soit par les conventions internationales ou les textes communautaires ; que de même, doit être écarté le moyen tiré de ce que la notice d'impact ne mentionnait pas que la zone était exposée à des risques naturels liés inondations torrentielles ;

- sur le déroulement de l'enquête :

Considérant que M. X fait valoir que le déroulement de l'enquête aurait été irrégulier en raison du refus de communication d'une copie du dossier qui lui a été opposé le 14 janvier 2000 ; qu'il estime que ce refus est contraire aux dispositions de la loi du 17 juillet 1978 modifiée relative à la communication des documents administratifs, à l'article R.11-3 du code de l'expropriation, au décret 59-701 du 6 juin 1959, à l'article 2 de la loi du 12 juillet 1983 et au principe de participation posé à l'article L.200-1 du code rural et à la procédure d'information environnementale prévue par la directive 90/313/CEE du conseil des communautés européennes du 7 juin 1990 ; que toutefois, il résulte des pièces versées au dossier que M. X a pu consulter le dossier mis à la disposition du public entre le 5 et le 21 janvier 2000, et a présenté des observations sur le projet, auxquelles le commissaire enquêteur a répondu dans son rapport ; que dès lors, le refus dont se plaint M. X n'a porté atteinte à aucun des droits que la procédure d'enquête publique lui conférait, et a été, en conséquence, sans incidence sur la régularité de la procédure ; que le moyen qu'il présente à cet effet doit donc être rejeté ;

Considérant, par ailleurs, qu'un arrêté déclaratif d'utilité publique et de cessibilité n'a à être précédé que de l'enquête préalable à l'utilité publique et de l'enquête parcellaire ; que le moyen tiré de ce qu'une autre enquête ou une autre autorisation auraient été nécessaires pour entreprendre les travaux ne peut donc être utilement invoqué à l'appui d'un recours dirigé contre ces actes ;

- en ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté du 18 septembre 2000 :

Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété, le coût financier et, éventuellement, les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ; que ces principes constituent la stricte application de ceux issus de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lesquels Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international (…) », et de l'article 545 du code civil selon lesquels : « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité » ; qu'en contrôlant l'existence du caractère d'utilité publique d'une opération, le juge de l'excès de pouvoir contrôle nécessairement la bonne application de ces textes ; qu'il ne lui appartient, en revanche, pas de contrôler la conformité d'une déclaration d'utilité publique, qui trouve son fondement dans les dispositions législatives du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, aux principes constitutionnels figurant à l'article 17 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen ; que le moyen tiré de la violation de ces principes est donc inopérant ;

Considérant que pour soutenir que l'opération ne serait pas d'utilité publique, M. X affirme, d'une part, que l'objectif de sécurité routière sur lequel elle se fonde ne serait pas atteint, et d'autre part qu'elle porterait une atteinte excessive à la propriété privée et comporterait des inconvénients majeurs ;

- sur l'utilité publique :

Considérant, en premier lieu, que l'objectif de sécurité routière pour l'ensemble des usagers de la voie, automobilistes ou piétons, qui avait justifié la demande adressée à l'Etat par la collectivité territoriale de Corse en vue d'obtenir la déclaration d'utilité publique du projet, n'est pas sérieusement contredit par les allégations de M. X selon lesquelles cet objectif ne serait pas atteint du fait de la violation de l'article L.122-2 du code de la voirie routière que ce projet impliquerait ; qu'outre le fait que les dispositions contenues dans cet article concernent les propriétés riveraines des autoroutes, il résulte des pièces versées au dossier que les difficultés liées à la pente des rampes d'accès à la RN 198 dont se plaint M. X, d'une part, préexistaient au projet litigieux, et, d'autre part, touchent un nombre plus limité d'usagers que ceux qui bénéficieront de l'amélioration des conditions générales de circulation sur la voie ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que le projet litigieux provoque par lui-même une aggravation du risque d'inondation des propriétés situées de part et d'autre de la voie ; que si les rehaussements successifs de la chaussée réalisés dans les années passées pour éviter que la voie ne soit trop souvent immergée peuvent être susceptibles d'engager la responsabilité de la collectivité gestionnaire du domaine sur le fondement des dommages de travaux publics, cette seule circonstance, qui ici encore concerne les seuls propriétaires riverains, dont les droits restent protégés par les principes régissant la responsabilité des personnes publiques, et non l'ensemble des usagers, ne suffit pas à retirer au projet son caractère d'utilité publique ; que dès lors, le moyen tiré de la violation des servitudes d'écoulement des eaux de pluie prévues aux articles 640 et 681 du code civil doit être rejeté ;

- sur l'ampleur des atteintes à la propriété :

Considérant que M. X affirme que l'acquisition des parcelles E 488, E 1229 n'était pas nécessaire à la réalisation de l'opération car non prévue initialement ; qu'il résulte des pièces versées au dossier que ces parcelles s'étendaient sur 8.588 mètres carrés et 42.825 mètres carrés respectivement ; que l'acquisition par la collectivité territoriale de Corse de 203 et 300 mètres carrés sur ces parcelles pour aménager l'entrée Nord n'apparaît pas comme créant une atteinte disproportionnée à la propriété eu égard aux enjeux de l'opération ;

Considérant que pour contester l'inclusion dans le périmètre de la déclaration d'utilité publique d'une faction de la parcelle cadastrée E1233, soit 210 mètres carrés sur une surface de 4.848 mètres carrés appartenant en indivision à la famille de l'épouse du requérant, ce dernier fait valoir que la réduction de la courbure de l'îlot central préconisée par le commissaire enquêteur et acceptée par la collectivité, de même que la modification du dispositif de collecte des eaux pluviales, initialement envisagé sous la forme d'un large fossé, mais finalement remplacé par une canalisation de 800 mm de diamètre, rendait inutile et en tout état de cause non urgente l'acquisition de cette surface ; qu'il ajoute que si le premier de ces ouvrage avait été conçu avec une courbure concave plutôt que convexe, et le second réalisé sous l'emprise de la voie ou sur la propriété privée, mais au moyen de la servitude d'alignement de 15 mètres existant de part et d'autre de l'axe de la voie, la cession forcée n'aurait pas été nécessaire ; qu'il n'appartient toutefois pas au juge d'apprécier l'opportunité d'une solution technique ou du mode de réalisation retenus par le maître d'ouvrage dès lors que ceux-ci n'imposent pas, comme c'est le cas en l'espèce, une atteinte excessive au droit de propriété des propriétaires riverains ;

Considérant, en outre, que contrairement à ce que soutient M. X, aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun article de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ou de son premier protocole additionnel ne subordonne la mise en oeuvre d'une procédure d'expropriation à l'urgence ;

- sur les inconvénients de toutes natures :

Considérant, d'une part, que le plan de prévention du risque inondations applicable à la zone concernée n'a été approuvé par arrêté préfectoral que le 18 juillet 2001 ; qu'il n'a été annexé aux documents d'urbanisme de la commune qu'après cette date et donc postérieurement à l'arrêté litigieux du 18 septembre 2000 ; que par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir ni que cet arrêté aurait dû se conformer aux prescriptions du plan de prévention des risques, ni que faute de s'y conformer il aurait dû s'accompagner de la mise en compatibilité du plan d'occupation des sols prévue à l'article L.123-16 du code de l'urbanisme ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il n'est pas établi que les ouvrages hydrauliques prévus comme l'accessoire de l'aménagement routier aient été notoirement insuffisants eu égard aux risques encourus ; que le projet d'aménagement litigieux ne visait pas à prévenir le risque d'inondations torrentielles et, ainsi qu'il l'a été dit ci-dessus, n'aggravait pas le risque existant ; que par suite, l'ensemble des moyens invoqués par M. X et tiré de ce risque avait été insuffisamment pris en compte doit être rejeté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir soulevées en appel par la collectivité territoriale de Corse et le préfet de la Haute Corse, que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 18 septembre 2000 ;

- sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant que les conclusions présentées sur le même fondement par le préfet de la Haute Corse dans son mémoire commun avec la collectivité territoriale de Corse, alors qu'il n'a pas qualité pour représenter l'Etat en appel ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant que si la Collectivité territoriale de Corse a été destinataire d'une copie du jugement attaqué, elle n'a pas la qualité de partie à l'instance et ne peut donc se prévaloir des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 000932 du Tribunal administratif de Bastia est annulé.

Article 2 : La requête de M. X, est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Marc X, à la collectivité territoriale de Corse, au préfet de la Haute Corse, au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

N° 03MA01469 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 03MA01469
Date de la décision : 25/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Sylvie FAVIER
Rapporteur public ?: Melle JOSSET
Avocat(s) : RETALI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-05-25;03ma01469 ?
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