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14/05/2007 | FRANCE | N°04MA00680

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 14 mai 2007, 04MA00680


Vu, la télécopie enregistrée le 24 mars 2004 et la requête enregistrée le 26 mars 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 04MA00680, présentées pour la SOCIETE CAP GEMINI ERNST ET YOUNG FRANCE, représentée par son directeur général, et dont le siège est Coeur Défense - Tour A La Défense 4 110, esplanade du Gal de Gaulle La Défense Cedex (92931), par Me Delelis, avocat associé ; la SOCIETE CAP GEMINI ERNST ET YOUNG FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 novembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Marseille

a rejeté la demande qu'elle avait présentée en vue d'obtenir la condamn...

Vu, la télécopie enregistrée le 24 mars 2004 et la requête enregistrée le 26 mars 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 04MA00680, présentées pour la SOCIETE CAP GEMINI ERNST ET YOUNG FRANCE, représentée par son directeur général, et dont le siège est Coeur Défense - Tour A La Défense 4 110, esplanade du Gal de Gaulle La Défense Cedex (92931), par Me Delelis, avocat associé ; la SOCIETE CAP GEMINI ERNST ET YOUNG FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 novembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande qu'elle avait présentée en vue d'obtenir la condamnation du département des Bouches du Rhône à lui verser une somme de 7.157.351, 50 F (1.091.132, 72 euros) en réparation du préjudice subi du fait de l'arrêt de prestations relatives aux phases 6 et 7 du marché de prestations intellectuelles n° 202-92 et des retards subis dans l'exécution de ce marché, une somme de 4.852.619, 88 F (739.777, 13 euros) correspondant à des prestations supplémentaires, outre les intérêts et les intérêts des intérêts sur ces deux sommes à compter du 22 décembre 1998, ainsi qu'une somme de 50.000 F (7.622, 45 euros) en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner le département des Bouches du Rhône à lui verser 1.091.132, 72 euros au titre du premier chef de préjudice et 672.524, 66 euros au titre du second ;

3°) de condamner le département des Bouches du Rhône à lui verser 10.000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 avril 2007 :

- le rapport de Mme Favier, président-assesseur,

- et les conclusions de Mlle Josset, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SOCIETE CAP GEMINI ERNST ET YOUNG FRANCE demande l'annulation du jugement du 18 novembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à la condamnation du département des Bouches du Rhône à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi dans le cadre de l'exécution des tranches conditionnelles, phases 6 et 7, du marché de prestations intellectuelles n° 202-92 passé avec ce département pour la réalisation des études préalables, des études détaillées et des mesures d'accompagnement de la mise en oeuvre de la première phase d'un système intégré de gestion ;

- sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que la SOCIETE CAP GEMINI ERNST ET YOUNG FRANCE soutient que le jugement serait irrégulier faute d'avoir été précédé d'une instruction suffisante, ce que révèlerait la demande de production du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles onze jours avant la date de l'audience ; que cette demande, portant au demeurant sur un document auquel se référaient expressément les parties au litige dans l'acte d'engagement et le cahier des clauses administratives particulières qu'elles avaient signés, bien que maladroitement formulée, ne traduit nullement un manquement à ses obligations issues du code de justice administrative par le magistrat instructeur ; que par suite, le moyen tiré de l'existence d'une instruction hâtive et arbitraire ne peut qu'être rejeté ;

Considérant, en second lieu, que la durée des conclusions du commissaire du gouvernement, qui donne un avis à la formation de jugement sans prendre part à la décision, est sans incidence sur la régularité du jugement ; que par suite, la SOCIETE CAP GEMINI ERNST ET YOUNG FRANCE ne peut utilement prétendre que la durée de huit minutes qu'elle a constatée lors de l'audience du 4 novembre 2003 serait insuffisante et justifierait que soit prononcée l'annulation du jugement dont elle fait appel ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas de la lecture du jugement attaqué que les premiers juges auraient omis de répondre aux moyens soulevés devant eux, et notamment ceux relatifs à la levée de l'option concernant les phases conditionnelles 6 et 7 ; qu'en effet, en constatant l'absence d'ordres de services spécifiques à chacune des phases et sous-phases, dont il estimait en vertu des stipulations de l'article 3.2-b), qu'elle s'opposait à ce que les phases 6 et 7 soient regardées comme affermies, le tribunal a nécessairement estimé que les diverses demandes formulées lors de réunions par les agents du département, ainsi que les mandatements intervenus et ne valaient pas levée de l'option ; qu'ainsi, la SOCIETE CAP GEMINI ERNST ET YOUNG FRANCE n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier de ce fait ;

Considérant, enfin, que la circonstance que le tribunal administratif ait rejeté l'ensemble des demandes indemnitaires de la société requérante, en estimant pour certaines d'entre elles que le préjudice invoqué n'était pas établi, ne révèle aucune insuffisance de motivation ; que le moyen tiré de cette insuffisance doit donc être écarté ;

- sur les conclusions indemnitaires de la SOCIETE CAP GEMINI ERNST ET YOUNG FRANCE :

Considérant que la SOCIETE CAP GEMINI ERNST ET YOUNG demande réparation des préjudices que lui ont causé, d'une part, l'interruption de certaines prestations des phases 6 et 7 par le département, d'autre part, les coûts supplémentaires causés par les retards et dysfonctionnements dont le département était à l'origine, et, enfin l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée d'exécuter des prestations supplémentaires, non prévues au marché ;

- En ce qui concerne la demande tendant à la réparation des conséquences de l'arrêt des prestations demandé par le département des Bouches du Rhône :

Considérant, en premier lieu, que pour demander réparation du préjudice causé par les demandes du département d'interrompre certaines prestations, la SOCIETE CAP GEMINI ERNST ET YOUNG fait valoir que le département ne pouvait régulièrement mettre fin à des prestations correspondant aux phases 6 et 7 qu'il avait affermies par un ordre de service du 12 avril 1994 ; qu'il résulte de l'instruction, que par un courrier en date du 12 avril 1994, le directeur des services informatiques de la collectivité a confirmé à l'entreprise la poursuite du marché en spécifiant « la présente lettre doit être considérée comme le premier ordre de service déclenchant la poursuite de la maîtrise d'oeuvre, phase 1, et le début des phases 6 et 7. » ; que si le département des Bouches du Rhône fait valoir en défense que les termes employés ne permettaient pas de considérer l'option comme levée pour l'ensemble des sous-phases des phases 6 et 7, cette affirmation est directement contredite par la poursuite effective des prestations correspondantes et par la signature de deux avenants, les 12 juin 1994 et 6 mai 1996, portant sur l'allongement de la durée du contrat pour permettre la réalisation des phases 6 et 7 et le réaménagement interne des prestations incluses dans chacune des sous-phases ;

Considérant, ensuite, qu'il résulte également de l'instruction qu'aucun des documents constitutifs du marché litigieux ne conféraient au département des Bouches du Rhône le pouvoir de suspendre ou d'interrompre les prestations en cours d'exécution ; que si le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de prestations intellectuelles l'autorisait, même sans faute du co-contractant, à résilier le contrat dans des conditions procédurales et indemnitaires définies aux articles 35 et 36, la collectivité départementale ne peut être regardée comme ayant fait usage de ces articles en l'absence de toute décision formelle de sa part en ce sens ; que le pouvoir de direction et de contrôle qu'elle tenait des articles 5-2-b et 6 du cahier des clauses administratives particulières ne lui permettaient, en revanche pas à lui seul, et contrairement à ce qu'elle allègue, de décider de l'arrêt en cours d'exécution de certaines des prestations prévues au contrat, fût-ce en raison de fautes, au demeurant non établies, commises par le prestataire dans l'accomplissement de ses obligations ; que par suite, la SOCIETE CAP GEMINI ERNST ET YOUNG est fondée à soutenir que le département des Bouches du Rhône a commis une faute dans l'exécution de ses engagements contractuels en lui demandant d'interrompre la réalisation de ces prestations ;

Mais considérant qu'en l'absence de stipulation du contrat applicable à la situation en litige et prévoyant les modalités de l'indemnisation, il y a lieu d'appliquer les principes généraux de la responsabilité administrative en vertu desquels la faute commise n'entraîne un droit à indemnisation que pour autant que le préjudice causé par cette faute soit établi, dans son principe comme dans son montant ;

Considérant que la SOCIETE CAP GEMINI ERNST ET YOUNG estime que son préjudice s'élève au montant des prestations restant à facturer sur le marché, soit la somme de 4.948.994 francs hors taxes ; que toutefois, l'interruption des prestations en cours de marché ne saurait lui avoir causé un préjudice supérieur au manque à gagner qu'elle a subi, majoré, le cas échéant, des dépenses non encore réglées qu'elle a engagées pour exécuter les prestations interrompues ; qu'en l'absence de tout élément chiffré et justifié apporté par la requérante sur ces deux points, elle ne peut être regardée comme apportant la preuve du préjudice qu'elle invoque ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE CAP GEMINI ERNST ET YOUNG n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice né de l'interruption fautive des prestations ;

- En ce qui concerne la demande tendant à la réparation des dysfonctionnements et retards dont le département des Bouches du Rhône serait à l'origine :

Considérant que la SOCIETE CAP GEMINI ERNST ET YOUNG demande à être indemnisée à hauteur de 159 jours de travail d'un directeur de projet en raison des retards et dysfonctionnements imputables au département des Bouches du Rhône dans l'exécution du marché ; que toutefois, ses allégations ne suffisent à établir ni l'existence de fautes du département, ni celle d'un préjudice indemnisable s'agissant d'un marché conclu à prix forfaitaire dont la durée d'exécution a été portée à cinq ans par l'avenant n° 2 ; qu'elle n'est, en conséquence, pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient dû faire droit à sa demande sur ce point ;

- En ce qui concerne la demande tendant à la prise en charge de prestations non prévues au marché :

Considérant que pour demander à être indemnisée de prestations supplémentaires qu'elle aurait exécutées à la demande du département des Bouches du Rhône, la SOCIETE CAP GEMINI ERNST ET YOUNG se place sur le double fondement de la responsabilité contractuelle et de l'enrichissement sans cause de la collectivité publique ;

Considérant, d'une part, que l'existence d'un lien contractuel unissant les parties à la date de réalisation des prestations litigieuses fait obstacle à la présentation par l'une d'entre elles d'une demande d'indemnisation qui aurait un autre fondement que la responsabilité contractuelle ; que la demande tendant à la condamnation du département des Bouches du Rhône sur le fondement de l'enrichissement sans cause ne peut donc qu'être rejetée ;

Considérant, d'autre part, que si le titulaire d'un marché est autorisé, s'il s'y croit fondé, à prétendre à une indemnisation correspondant à des prestations non prévues au contrat mais indispensables à son exécution, cette demande ne peut être présentée en dehors des prescriptions de l'article 40.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de prestations intellectuelles, lesquelles imposent une réclamation préalable en la matière ; qu'il résulte de l'instruction que la réclamation n° 3 adressée le 22 décembre 1998 par la SOCIETE CAP GEMINI ERNST ET YOUNG au département des Bouches du Rhône ajoutait à une demande fondée sur l'enrichissement sans cause, une réclamation dite quasi-délictuelle, motivée par l'absence de tout contrat ; que dans ces conditions, la société appelante ne peut être regardée comme ayant fondé sa réclamation sur la responsabilité contractuelle du département ; que la demande qu'elle a présentée sur ce fondement devant les premiers juges n'avait donc pas été précédée de la réclamation exigée par les dispositions applicables à l'espèce ; qu'elle était donc irrecevable et ne pouvait qu'être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE CAP GEMINI ERNST ET YOUNG n'est pas fondée à se soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Marseille a, par le jugement du 18 novembre 2003 attaqué, rejeté l'ensemble de ses demandes indemnitaires ;

- sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mis à la charge du département des Bouches du Rhône qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes exposées par la SOCIETE CAP GEMINI ERNST ET YOUNG et non compris dans les dépens ; qu'il n' y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante les sommes exposées au même titre par le département des Bouches du Rhône ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la soicété CAP GEMINI ERNST et YOUNG FRANCE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département des Bouches du Rhône tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société CAP GEMINI ERNST et YOUNG France, au département des Bouches du Rhône et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N° 04MA00680 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 04MA00680
Date de la décision : 14/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Sylvie FAVIER
Rapporteur public ?: Melle JOSSET
Avocat(s) : SCP DERRIENNIC et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-05-14;04ma00680 ?
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