Vu la requête, enregistrée le 10 novembre 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour M. Mohamed X élisant domicile chez ..., par la SCP Dessalces-Ruffel, avocats ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°0203728 du 19 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier, d'une part, a prononcé un non-lieu sur sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de l'Hérault sur sa demande de titre de séjour en date du 23 décembre 1999, d'autre part, a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du préfet de l'Hérault du 3 août 2000 rejetant sa demande d'admission au séjour, ensemble la décision rejetant son recours gracieux, ainsi que ses demandes d'injonction et de condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 700 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
2°) d'annuler les décisions du préfet ;
3°) d'ordonner le réexamen de sa demande de titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) d'ordonner la délivrance d'un titre de séjour comportant la mention vie privée et familiale, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 700 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et aux dépens;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu le décret n°46-1574 du 30 juin 1946, modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le décret n°50-722 du 24 juin 1950 modifié relatif à la délégation des pouvoirs propres aux préfets, sous-préfets et secrétaires généraux de Préfectures ;
Vu le décret n°82-389 du 10 mai 1982 relatif aux pouvoirs des préfets et à l'action des services et organismes publics de l'Etat dans les départements ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 avril 2007 :
- le rapport de Mme Steck-Andrez, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Paix, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X, de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 19 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier, d'une part, a prononcé un non-lieu sur sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de l'Hérault sur sa demande de titre de séjour en date du 23 décembre 1999, d'autre part, a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision expresse de rejet du 3 août 2000 ;
Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal en tant qu'il rejette la demande d'annulation de la décision implicite rejetant la demande d'admission au séjour du 23 décembre 1999 :
Considérant que la décision du 3 août 2000 par laquelle le préfet de l'Hérault a explicitement confirmé le rejet de la demande de titre de séjour de M. X n'a pu avoir pour effet de retirer celle née précédemment du silence gardé par l'administration pendant quatre mois sur cette même demande, mais seulement de l'abroger pour l'avenir ; que par suite, contrairement à ce que le tribunal a estimé, les conclusions dirigées contre la décision implicite n'avaient pas perdu leur objet, ; que, dès lors, le jugement du tribunal qui, en contradiction avec sa motivation, a décidé de rejeter ces conclusions doit, dans cette mesure, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer l'affaire sur ce point et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. X devant le tribunal administratif qui tendaient à l'annulation de la décision implicite de rejet née le 23 avril 2000 puis de statuer sur les autres conclusions par l'effet dévolutif de l'appel;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : Une décision implicite intervenue dans des cas où une décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de communication des motifs dans le délai d'un mois, la décision implicite est illégale ;
Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que le 23 décembre 1999,
M. X, de nationalité marocaine, a sollicité son admission au séjour auprès de la préfecture de l'Hérault ; que par une lettre datée du 9 mai 2000, l'intéressé a demandé communication des motifs de la décision implicite de refus de séjour née du silence gardé par le préfet de l'Hérault pendant le délai de quatre mois suivant le dépôt de la demande de titre de séjour susmentionnée ; que si, par la décision motivée du 3 août 2000, le préfet a fait connaître à M. X que sa demande était rejetée, cette décision n'est intervenue qu'après l'expiration du délai d'un mois prévu par les dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1999 ; que, par suite, la décision implicite de refus de séjour est illégale et doit être annulée, alors même que la tardiveté de la réponse du préfet serait justifiée par un surcroît de travail de ses services ;
Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal en tant qu'il rejette la demande d'annulation de la décision du 3 août 2000 et de la décision implicite rejetant le recours gracieux du 28 septembre 2000 :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des mentions du jugement que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments du requérant, a bien examiné l'ensemble des éléments fournis par l'intéressé, notamment sur le plan de sa situation personnelle et a, par suite, suffisamment motivé son jugement ;
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
Considérant que M. Jeanjean, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, a reçu délégation de signature, par arrêté du préfet en date du 28 février 2000, en matière de police des étrangers, notamment pour la délivrance des titres de séjour, conformément aux dispositions des décrets du 24 juin 1950 et du 10 mai 1982 susvisés ; que le Gouvernement a pu légalement prendre ces dispositions, qui ne sont pas au nombre de celles dont la Constitution réserve l'édiction au législateur ; qu'en particulier, les dispositions donnant compétence au représentant de l'Etat pour la délivrance des titres de séjour sont de nature réglementaire ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du décret du 24 juin 1950 en soutenant que la délégation de signature pour les refus de séjour aurait dû être autorisée par une norme législative ; qu'en outre, la délégation de signature accordée par le préfet de l'Hérault à M. Jeanjean par l'arrêté du 28 février 2000 est conforme à l'article 17 du décret du 10 mai 1982 susvisé, aux termes duquel : « Le préfet peut donner délégation de signature… aux sous-préfets d'arrondissements pour toutes les matières intéressant leur arrondissement » ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a écarté le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ;
Considérant que, dans les termes où elle est rédigée, la délégation de signature dont justifiait M. Jeanjean pour prendre l'arrêté en litige était définie avec une précision suffisante ;
Considérant que le recours gracieux présenté le 28 septembre 2000 par M. X faisait suite au refus de titre de séjour opposé le 3 août 2000 par le préfet de l'Hérault à l'intéressé, lequel était motivé en droit et en fait; que, par suite, la décision implicite de rejet du recours gracieux était réputée fondée sur les mêmes motifs que le refus de titre de séjour et n'avait pas à être elle-même motivée; que, dès lors, l'absence de réponse à la demande présentée le 13 février 2001 en vue d'obtenir la communication des motifs de rejet de ce recours gracieux est sans incidence sur la légalité du refus de titre de séjour en litige ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant. (...) 7° A L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tel que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs refus (...) » ; que l'article 12 quater de la même ordonnance dispose que : « dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour … La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 » ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles 12 bis et 15 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;
Considérant que M. X, qui prétend vivre en France depuis 1992, ne remplissait pas en tout état de cause, à la date de la décision attaquée, la condition de durée fixée par l'article 12 bis 3ème de l'ordonnance du 2 novembre 1945 pour bénéficier d'une carte de séjour temporaire ;
Considérant que M. X, alors âgé de 26 ans, est célibataire, sans charge familiale ; que s'il fait valoir qu'il a établi le centre de ses intérêts privés et familiaux en France, où réside son oncle qui avait déposé une demande d'adoption en sa faveur, et s'il soutient qu'il vit maritalement avec une française, les pièces produites ne suffisent pas à rapporter la preuve de la réalité et de l'effectivité de sa vie privée et familiale en France, ni de l'absence de toute attache familiale au Maroc ; que dans ces conditions, le refus opposé par le préfet de l'Hérault à sa demande de titre de séjour n'est pas de nature à porter à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et n'a, dès lors, pas méconnu les dispositions de l'article 12 bis 7ème de l'ordonnance du 2 novembre 1945, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour ces mêmes raisons, le refus du préfet n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant que M. X n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application des dispositions de l'article 12 bis précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet n'était pas tenu, en application de l'article 12 quater, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;
Considérant que si l'article 7 du décret du 30 juin 1946 modifié dispense les étrangers mentionnés à l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 de produire un visa de long séjour lorsqu'ils sollicitent la délivrance d'une carte de séjour temporaire, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X soit au nombre des étrangers mentionnés à cet article ; que, par suite, le préfet a pu, sans entacher sa décision d'une erreur de droit, lui refuser la délivrance d'un titre de séjour compte tenu, notamment, de ce que ce dernier ne bénéficiait pas d'un visa de long séjour en cours de validité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'il est constant que, par sa décision susvisée en date du 3 août 2000, le préfet de l'Hérault s'est livré à un examen complet de la demande dont l'avait saisi M. X ; qu'il s'ensuit que l'annulation ci-dessus prononcée, pour vice de forme, de la décision implicite née précédemment du silence que cette autorité avait gardé pendant quatre mois sur la même demande n'appelle, en réalité, aucune mesure d'exécution particulière ; que le rejet par le présent arrêt des conclusions dirigées contre la décision du 3 août 2000 ne nécessite pas davantage de mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, en conséquence, de rejeter les conclusions sus-analysées présentées par M. X sur le fondement des articles L.911-1 et L.911-3 du code de justice administrative ;
Sur les dépens :
Considérant que la présente instance n'a pas donné lieu à des dépens ; que les conclusions de M. X présentées à ce titre sont dès lors sans objet ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner l'Etat sur le fondement de ces dispositions, M. X étant partiellement partie perdante ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 19 juillet 2005 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite rejetant la demande d'admission au séjour du 23 décembre 1999.
Article 2 : La décision implicite née du silence gardé par le préfet de l'Hérault sur la demande de titre de séjour de M. X en date du 23 décembre 1999 est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mohamed X et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
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N°05MA02839