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30/04/2007 | FRANCE | N°04MA01345

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 30 avril 2007, 04MA01345


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 25 juin 2004 sous le n° 04MA01345, présentée par Me Xoual, avocat, pour la SARL LEVY MAGNAN, dont le siège est 2 place Francis Chirat à Marseille (13002) ;

La société demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 décembre 2003 du Tribunal administratif de Nice, notifié le 24 avril 2004, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 457.771,49 F HT (69.786,81 euros HT), au titre de la prolongation du délai d'exécution d

e travaux dont elle assurait la maîtrise d'oeuvre ;

2°) de condamner l'Etat ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 25 juin 2004 sous le n° 04MA01345, présentée par Me Xoual, avocat, pour la SARL LEVY MAGNAN, dont le siège est 2 place Francis Chirat à Marseille (13002) ;

La société demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 décembre 2003 du Tribunal administratif de Nice, notifié le 24 avril 2004, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 457.771,49 F HT (69.786,81 euros HT), au titre de la prolongation du délai d'exécution de travaux dont elle assurait la maîtrise d'oeuvre ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser ladite somme de 69.786,81 euros HT augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de la demande formée devant le Tribunal administratif et du produit de leur capitalisation ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 8.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

…………………..

Vu, enregistré au greffe de la Cour le 10 septembre 2004, le mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête ;

………………….

Vu les mémoires enregistrés les 7 septembre 2006, 7 et 12 mars 2007 pour la société LEVY-MAGNAN, tendant aux mêmes fins que la requête, outre la condamnation de l'Etat à lui verser la TVA afférente à la somme de 69.786,81 euros demandées, soit au total 83.465,02 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mars 2007 :

- le rapport de M. Brossier, premier conseiller,

- les observations de Me Garnier pour la société appelante,

- et les conclusions de Mlle Josset, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, pour la réalisation d'un hôtel des finances à Nice, un marché de maîtrise d'oeuvre a été passé le 16 mars 1994 entre l'Etat et un groupement de maîtrise d'oeuvre, constitué entre la SARL LEVY MAGNAN et la SARL OGER INTERNATIONAL ; qu'il résulte de l'instruction qu'en vertu d'une décision du 24 novembre 1997 prise par la personne responsable du marché de maîtrise d'oeuvre, le bâtiment d'un étage compris dans l'opération de construction de l'hôtel des finances, initialement conçu pour l'aménagement d'une crèche, ensuite envisagé comme devant servir de bureaux de la délégation des services sociaux, a été finalement été affecté aux services de la recette des impôts ; que la même autorité a demandé à la SARL LEVY MAGNAN de prendre un ordre de service envers les entreprises suspendant sine die, en raison du changement d'affectation, les études des lots techniques et secondaires ; qu'une décision du 2 mars 1998 a scindé en deux la livraison de l'ouvrage ; que le délai d'exécution de l'hôtel des finances proprement dit, abrité dans le bâtiment de quatre étages, a été prorogé de deux mois jusqu'au 30 avril 1998, tandis que le délai d'exécution du bâtiment d'un étage a été reporté au 31 décembre 1998 ; que le bâtiment de quatre étages a été réceptionné le 21 juillet 1998 ; que le bâtiment d'un étage n'a été réceptionné que le 7 janvier 1999, soit près de dix mois après la date de réception initialement prévue ;

Considérant que la SARL LEVY MAGNAN fait appel du jugement rendu par le Tribunal administratif de Nice en date du 23 décembre 2003 en tant qu'il a rejeté sa demande de paiement de la somme de 457.771,49 francs HT soit 69.786,81 euros formée sur le fondement de l'article 19 du cahier des clauses administratives particulières ; qu'aux termes de cet article « si le délai d'exécution des travaux est anormalement prolongé du fait du maître d'ouvrage ou d'un entrepreneur, en dehors de toute responsabilité du maître d'oeuvre, celui-ci est indemnisé sur la base des éléments CGT et RDT au prorata de la durée supplémentaire de sa mission ramenée à celle prévue au calendrier contractuel d'exécution des marchés de travaux » ;

Considérant que pour écarter l'application desdites dispositions du cahier des clauses administratives particulières, le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que l'administration a produit un avenant n°5 conclu entre les parties en cours d'instance le 21 septembre 2000, portant sur une rémunération supplémentaire de 110.000 F accordée à la maîtrise d'oeuvre au titre des « travaux supplémentaires et modificatifs » et faisant obstacle, selon les premiers juges, à la satisfaction de toute prétention indemnitaire dépassant la somme de 110.000 F à quelque titre que ce soit ;

Considérant qu'en présence de contradictions ou d'incertitudes nées des stipulations d'un contrat, il y a lieu pour le juge de contrat de rechercher la commune intention des parties, compte tenu notamment de l'attitude de l'administration avant la signature dudit contrat ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que l'article 1er de l'avenant n°5 du 21 septembre 2000 en litige stipule: « une rémunération ferme et définitive de 107.063, 75 F arrondie à 110.000 F HT est accordée à la maîtrise d'oeuvre au titre des travaux supplémentaires et modificatifs » ; que par lettres du 16 Septembre 1999 et du 14 février 2000, l'administration avait proposé à ses cocontractants un avenant de 410.000 F HT se décomposant en deux sommes, 150.000 F HT pour chacun des co-traitants au titre de la prolongation des délais d'exécution et 110.000 F HT pour les travaux supplémentaires ; que, par ailleurs, les réserves inscrites le 20 janvier 2000 sur l'avenant à l'état de projet ne portaient pas sur la question de l'indemnisation de la prolongation des délais d'exécution ;

Considérant, d'autre part, que la question des indemnités liées à la prolongation des travaux a également été nettement distinguée de celle des indemnités liées au règlement des travaux supplémentaires par les parties devant les premiers juges ; que notamment, dans son mémoire du 1er décembre 2000, l'administration ne fait état de l'avenant en litige qu'au sujet de la demande de paiement d'études supplémentaires, chef d'indemnité qu'elle distingue nettement de la demande relative à la prolongation des travaux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les parties n'ont pu avoir pour commune intention de régler par l'avenant n°5 la question de l'indemnisation liée à la prolongation des travaux, mais seulement de régler celle liée à l'existence de travaux supplémentaires et modificatifs ; que l'acceptation de la somme de 110 000 F par l'appelante ne pouvait valoir de sa part renonciation à toute indemnisation au titre de l'article 19 précité ; que, dès lors, la SARL LEVY MAGNAN est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la demande qu'elle présentait à ce titre ; qu'il y a lieu pour la Cour d'annuler le jugement attaqué et, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la demande indemnitaire de la SARL LEVY MAGNAN ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la SARL LEVY MAGNAN a exécuté ses missions de maître d'oeuvre en tenant compte, avec diligence, des changements d'affectation successifs des locaux décidés par le maître d'ouvrage ; que si le chantier devait initialement durer 20 mois et se terminer en février 1998, il n'a pu toutefois prendre fin qu'à la réception du second bâtiment, le 7 janvier 1999, soit une durée de près de 10 mois supplémentaires qui doit être regardée comme anormale au sens de l'article 19 précité ; que la circonstance que la masse des travaux n'ait pas augmenté s'avère à cet égard inopérante ; que le maître d'ouvrage, qui impute à son propre fait deux mois dans le retard des travaux, invoque pour les huit mois restant les intempéries de l'hiver, ainsi que des retards d'exécution des entreprises ou la défaillance de certaines d'entre elles ; que s'agissant des intempéries, l'administration n'apporte aucun élément de nature à soustraire de la période de dix mois susmentionnée un nombre de jours suffisamment précis ; que s'agissant du fait des entreprises, il n'est pas sérieusement établi que les retards du chantier ainsi allégués soient imputables au maître d'oeuvre et exclurait ainsi l'application des stipulations de l'article 19 précitées ;

Considérant, en deuxième lieu, que pour appliquer ces stipulations, il y a lieu de tenir compte du pourcentage de répartition du forfait de chaque élément de mission fixé par l'annexe 1 de l'acte d'engagement entre la SARL LEVY MAGNAN et son co-traitant, ainsi que du décompte des honoraires produit en première instance ; que s'agissant de l'élément CGT, le montant HT étant de 978.158,85 F et le pourcentage de répartition du forfait pour la SARL LEVY MAGNAN de 60 %, le montant initial devant être payé à l'appelante atteint à ce titre la somme de 586.895,31 F ; que s'agissant de l'élément RDT, le montant HT étant de 384.669,21 F et le pourcentage de répartition du forfait pour la SARL LEVY MAGNAN de 76 %, le montant initial devant être payé à l'appelante atteint à ce titre la somme de 292.348,60 F ; que le cumul de ces deux rémunérations CGT et RDT atteint 879.243,91 F HT ; que si l'Etat soutient que le cumul de ces éléments CGT et RDT conduirait à rémunérer deux fois la même prestation, les stipulations mêmes de l'article 19 s'opposent à cette allégation ; qu'enfin le calcul que présente la société SARL LEVY MAGNAN pour atteindre le montant qu'elle réclame de 69.786,81 euros HT, compte tenu d'une prolongation qu'elle fixe à 227 jours pour une durée initialement prévue de 436 jours, n'est pas contesté par l'Etat ; que, dans ces conditions, l'Etat est redevable de la somme de 457.771,49 F HT, soit 69.786,81 euros HT ;

Considérant, en troisième lieu, que la société SARL LEVY MAGNAN demande que cette somme soit augmentée de la TVA et ainsi portée à 83.465,81 euros TTC ; que toutefois, ces conclusions n'ont été présentées devant la Cour que le 7 septembre 2006, après l'expiration du délai d'appel, et excèdent celles qui étaient contenues dans la requête d'appel ; que l'éventuelle application de la taxe sur la valeur ajoutée pouvait être prévue dès l'introduction de la requête ; que dans ces conditions, cette demande n'est pas recevable et doit être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société SARL LEVY MAGNAN a droit à l'indemnité de 69.786,81 euros HT ;

Sur les intérêts au taux légal :

Considérant qu'en application de l'article 1153 du code civil, cette somme de 69.786,81 euros portera intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2000, date d'enregistrement du recours contentieux devant le Tribunal, sous déduction de la provision de 30.489,80 euros versée par l'Etat le 17 janvier 2001 ; qu'une année s ‘étant écoulée entre cette date et la demande d'anatocisme formée le 19 juin 2001, les intérêts seront eux-même capitalisés le 19 juin 2001 puis à chaque échéance annuelle, en application de l'article 1154 du code civil ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1.500 euros au titre des frais exposés par la SARL LEVY MAGNAN et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement attaqué du Tribunal administratif de Nice en date du 23 décembre 2003 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de la société tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 69.786,81 euros au titre de la prolongation du délai d'exécution de travaux dont elle avait la maîtrise d'oeuvre.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la SARL LEVY MAGNAN la somme de 69.786,81 euros, sous déduction de la provision de 30.489,80 euros versée le 17 janvier 2001 si celle-ci n'a pas été remboursée en application du jugement attaqué.

Article 3 : La somme restant due par l'Etat portera intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2000. Les intérêts porteront eux-mêmes intérêts le 19 juin 2001 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 4 : L'Etat versera à la SARL LEVY MAGNAN la somme de 1.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la la SARL LEVY MAGNAN est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL LEVY MAGNAN et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N°0401345 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 04MA01345
Date de la décision : 30/04/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme FAVIER
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: Melle JOSSET
Avocat(s) : XOUAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-04-30;04ma01345 ?
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